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Boeing s’entend avec le département de la justice pour éviter un procès pénal

La Presse Canadienne|Publié à 14h06

Boeing s’entend avec le département de la justice pour éviter un procès pénal

Une condamnation pénale pourrait mettre en péril le statut de Boeing en tant qu’entrepreneur fédéral, selon certains experts juridiques. (Photo: Ted S. Warren La Presse Canadienne)

Boeing va plaider coupable d’une accusation de fraude criminelle découlant de deux accidents de ses avions 737 Max qui ont tué 346 personnes, a annoncé dimanche le département de la Justice (DOJ), après que le gouvernement américain a déterminé que l’entreprise avait violé un accord qui la protégeait de toute poursuite pendant plus de trois ans.


Les procureurs fédéraux ont donné à Boeing le choix la semaine dernière de plaider coupable et de payer une amende dans le cadre de sa peine ou d’être jugé pour l’accusation criminelle de complot visant à frauder les États-Unis.

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Les procureurs ont accusé le géant américain de l’aérospatiale d’avoir trompé les régulateurs qui ont approuvé les exigences en matière de formation des avions et des pilotes.


L’accord de plaidoyer, qui doit encore recevoir l’approbation d’un juge fédéral pour entrer en vigueur, prévoit que Boeing paie une amende supplémentaire de 243,6 millions de dollars américains (M$US). Il s’agit du même montant payé dans le cadre de l’entente de 2021. Le département de la Justice a déclaré que l’entreprise avait violé cette entente. 


Un contrôleur indépendant serait nommé pour superviser les procédures de sécurité et de qualité de Boeing pendant trois ans. L’accord exige également que Boeing investisse au moins 455M$US dans ses programmes de conformité et de sécurité.


L’accord de plaidoyer ne couvre que les actes répréhensibles de Boeing avant les accidents en Indonésie et en Éthiopie, qui ont tué les 346 passagers et membres d’équipage à bord de deux nouveaux avions Max. Il n’accorde pas l’immunité à Boeing pour d’autres incidents, y compris celui où une porte-bouchon a été arrachée lors d’un vol d’Alaska Airlines au-dessus de l’Oregon en janvier, a déclaré un responsable du département de la Justice.


L’accord ne couvre pas non plus les responsables actuels ou anciens de Boeing, mais uniquement la société. Dans un communiqué, Boeing a confirmé avoir conclu un accord avec le département de la Justice, mais n’a fait aucun autre commentaire. 


Dans un document déposé dimanche soir, le département a annoncé qu’il prévoyait soumettre l’accord de plaidoyer écrit à un tribunal de district américain du Texas d’ici le 19 juillet. Les avocats de certains proches des personnes décédées dans les deux accidents ont dit qu’ils demanderaient au juge de rejeter l’accord.


«Cet accord ne tient pas compte du fait qu’à cause du complot de Boeing, 346 personnes sont mortes. Grâce à un travail juridique astucieux entre Boeing et le DOJ, les conséquences mortelles du crime de Boeing sont cachées», a stipulé Paul Cassell, l’avocat de certaines familles.


Les procureurs fédéraux ont accusé Boeing d’avoir comploté pour frauder le gouvernement en trompant les régulateurs sur un système de contrôle de vol impliqué dans les accidents, survenus à moins de cinq mois d’intervalle. 


Accord violé


Dans le cadre du règlement de janvier 2021, le département de la Justice a déclaré qu’il ne poursuivrait pas Boeing pour cette accusation si l’entreprise respectait certaines conditions pendant trois ans. Les procureurs ont allégué le mois dernier que Boeing avait violé les termes de cet accord.


Le juge de district américain Reed O’Connor, qui a supervisé l’affaire depuis le début, a critiqué ce qu’il a appelé «la conduite criminelle flagrante de Boeing». M. O’Connor pourrait accepter le plaidoyer et la peine proposée par les procureurs ou rejeter l’accord, ce qui conduirait probablement à de nouvelles négociations entre le département de la Justice et Boeing.


L’affaire remonte aux accidents survenus en Indonésie et en Éthiopie. Les pilotes de Lion Air lors du premier accident ne connaissaient pas l’existence d’un logiciel de commande de vol capable d’abaisser le nez de l’avion sans leur intervention. 


Les pilotes d’Ethiopian Airlines étaient au courant, mais n’ont pas pu contrôler l’avion lorsque le logiciel s’est activé sur la base des informations provenant d’un capteur défectueux.


Le département de la Justice a accusé Boeing en 2021 d’avoir trompé les régulateurs de la Federal Aviation Administration (FAA) sur le logiciel, qui n’existait pas dans les anciens 737, et sur le niveau de formation dont les pilotes auraient besoin pour piloter l’avion en toute sécurité.


Le département a toutefois accepté de ne pas poursuivre Boeing à l’époque, si l’entreprise payait un règlement de 2,5 milliards de dollars américains (G$US), y compris l’amende de 243,6M$US et prenait des mesures pour se conformer aux lois antifraude pendant trois ans.


Boeing, qui a accusé deux employés subalternes d’avoir induit les régulateurs en erreur, a tenté de mettre les épisodes des accidents derrière lui. Après avoir cloué au sol les avions Max pendant 20 mois, les régulateurs les ont à nouveau autorisés à voler après que la société a réduit la puissance du logiciel de vol. Les avions Max ont enregistré des milliers de vols sûrs et les commandes des compagnies aériennes ont augmenté, passant à environ 750 en 2021, environ 700 de plus en 2022 et près de 1000 en 2023. 


Cela a changé en janvier, lorsqu’une porte-bouchon recouvrant une sortie de secours inutilisée a été arrachée en plein vol d’un avion Max au-dessus de l’Oregon. 


Les pilotes ont fait atterrir le 737 Max en toute sécurité et personne n’a été gravement blessé, mais l’incident a conduit à un examen plus approfondi de l’entreprise. Le département de la Justice a ouvert une nouvelle enquête, le FBI a déclaré aux passagers de l’avion Alaska qu’ils pourraient être victimes d’un crime et la FAA a annoncé qu’elle renforçait sa surveillance sur Boeing.


Une condamnation pénale pourrait mettre en péril le statut de Boeing en tant qu’entrepreneur fédéral, selon certains experts juridiques. Le plaidoyer annoncé dimanche ne répond pas à cette question, laissant à chaque agence gouvernementale le soin d’interdire ou non Boeing.

David Kœnig a rédigé de Dallas. Alanna Durkin Richer a rédigé de Boston.