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Des PME contribuent à la décarbonation de l’industrie aérospatiale

Jean-François Venne|Mis à jour le 02 août 2024

Des PME contribuent à la décarbonation de l’industrie aérospatiale

Joseph Ojeil, chef de service du génie manufacturier à Sonaca (Photo: courtoisie)

La décarbonation de l’industrie aérospatiale ne passe pas que par les grands manufacturiers. Les PME devront également y contribuer. Plusieurs s’y mettent déjà, notamment pour répondre aux attentes environnementales plus strictes des donneurs d’ordre.

En novembre 2022, du liquide de refroidissement de Sonaca, une entreprise spécialisée dans la fabrication de pièces de voilures et d’empennages aéronautiques, fuit dans le réseau fluvial. C’est à ce moment que Joseph Ojeil, chef de service du génie manufacturier, pend conscience de l’importance de travailler à rendre la production plus durable et responsable.

«J’ai demandé à m’occuper des questions environnementales, raconte-t-il. En tant que responsable de l’ingénierie des procédés, j’ai un impact sur l’empreinte environnementale de Sonaca par le choix des techniques mises en place.»

Sonaca est désormais doté d’un comité sur ce sujet et participe à l’initiative d’écoresponsabilité d’Aéro Montréal, qui vise à sensibiliser, former et accompagner les PME dans leur volonté de verdissement des procédés. Et des projets, Sonaca n’en manque pas! Le chemin parcouru en un an est impressionnant.

De nombreuses avancées

L’entreprise a d’abord revu la climatisation de ses cabines de peinture, dans lesquelles la température et le degré d’humidité doivent demeurer contrôlés. Elle a installé un système de gestion de l’allumage du brûleur de gaz, pour éviter que celui-ci ne brûle continuellement. Désormais, il ne fonctionne que lors des opérations de préchauffage des cabines ou de cuisson de la peinture. Sur une année complète, ce changement économisera 274 000 m3 de gaz.

Sonaca s’est aussi attaqué à la filtration de ses bassins acides. Ceux-ci sont utilisés dans les procédés d’anodisation, qui servent à améliorer la résistance de l’aluminium à l’usure, à la corrosion et à la chaleur. La solution finit toutefois par être contaminée au cuivre. Cela oblige Sonaca à vider ses bassins plusieurs fois par année. Le liquide est envoyé à Stablex, une entreprise spécialisée en enfouissement des résidus dangereux.

La PME a mis en place un procédé pour solidifier le cuivre. Ainsi, il n’est plus complètement dissous dans l’eau. Ses particules atteignent plutôt la taille de quatre microns, ce qui permet de le filtrer. On peut donc retirer le contaminant, plutôt que vidanger les bassins, ce qui évite d’envoyer la solution liquide en enfouissement. «Juste dans les deux derniers mois de 2023, cela nous a fait économiser 70 000 litres de solution acide», confie Joseph Ojeil.

Enfin, Sonaca a trouvé un nouvel usage aux retailles de plastique qu’elle produit en créant les emballages de ses pièces, en collaboration avec l’entreprise d’emballage Propals. «Synergie Québec nous a mis en contact avec eux, explique Joseph Ojeil. Nos retailles représentent une source d’approvisionnement intéressante pour eux. Cela permet de réemployer 90 kilos de plastique par semaine.» Sonaca envisage même d’éventuellement racheter le plastique fabriqué par Propals, ce qui deviendrait un bel exemple d’économie circulaire.

Vers la sobriété numérique

La jeune pousse C3RiOS Systems participe elle aussi à l’initiative écoresponsabilité d’Aéro Montréal. «Nous sommes au début de notre développement, donc c’est le bon moment pour prendre les décisions concernant le design de nos produits et de nos offres de service», soutient Jean-Philippe Fournier Gaudreau, cofondateur de l’entreprise où il occupe les postes de chef des opérations et de chef des technologies.

«Nous faisons surtout du logiciel, explique-t-il. On peut penser que ce n’est pas très polluant, mais en fait, ça peut avoir un impact significatif en raison de l’infrastructure qui les fait fonctionner, comme les ordinateurs et les serveurs.»

L’entreprise vise donc à développer des logiciels aisément configurables, afin de réunir plusieurs fonctions qui auraient pu se retrouver sur des logiciels séparés. On tente aussi de proposer des outils qui réduisent la nécessité de dépenser beaucoup d’énergie en programmation et en tests. L’entrepreneur cite par exemple un serveur graphique, qui permet de personnaliser plus facilement les applications des clients sans devoir réécrire beaucoup de code et multiplier les tests.

L’optimisation des applications permet en outre d’en placer plusieurs sur un même calculateur dans un avion. «Réduire le nombre de calculateurs contribue à réduire le poids, le câblage et l’énergie consommée», explique Jean-Philippe Fournier Gaudreau.

Cette forme d’écoconception est un peu plus complexe et exige plus d’investissements initiaux. Elle assure toutefois des gains significatifs par la suite et surtout de se démarquer auprès des clients grâce à une offre plus agile et plus flexible. Jean-Philippe Fournier Gaudreau estime même que cet intérêt pour des solutions plus durables sert d’argument de rétention auprès des travailleurs assez jeunes qui peuplent la start-up.