Le Consortium SAF + vient de signer une entente avec le Groupe Air France-KLM pour la production de carburant durable d’aviation. (Photo: 123RF)
Le Consortium SAF+, qui se spécialise dans les carburants durables d’aviation, vient d’annoncer la signature d’un protocole d’accord avec le Groupe Air France-KLM.
L’entente, qui a eu lieu lors de la dernière présentation du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace de Paris-Le-Bourget, prévoit que les premières livraisons de carburant auront lieu d’ici 2030. Pour le moment, il est question de «quelques dizaines de millions de litres», confie Jean Paquin, président et chef de la direction du Consortium SAF+.
Ce consortium est formé d’Air Transat, d’Airbus, d’Aéro Montréal et de l’École Polytechnique de Montréal. Il a mis au point une technologie qui permet de capter à la source le CO2 produit par différentes industries polluantes pour ensuite le mélanger à de l’hydrogène liquide. Le résultat est un carburant synthétique qui permet de réduire de 92% l’empreinte carbone de l’industrie de l’aviation.
Pour le moment, bien que cette technologie provienne du Québec — une première production a eu lieu en 2021 sur le site industriel de ParaChem dans l’est de Montréal — le carburant sera produit en France dans le cadre du protocole avec le Groupe Air France-KLM.
«On développe le projet dans un contexte de demande urgente de la part de l’aviation. Il y a un mandat spécifique en Europe pour inclure du SAF (sustainable aviation fuel), dès 2030», explique M. Paquin.
La demande est forte à cet effet puisque l’Union européenne a adopté une série de législations qui forcent l’industrie aérienne à réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. «L’industrie de l’aviation a besoin de décarboner complètement d’ici 2050. Elle ne peut pas attendre et doit commencer à le faire dès maintenant», ajoute M. Paquin.
Les blocs d’hydroélectricité
Malgré le savoir-faire développé par le Consortium, la question de l’octroi de blocs d’hydroélectricité par le gouvernement est au cœur des enjeux pour une production à grande échelle. «Si on n’a pas d’énergie, on ne peut pas faire de production», souligne M. Paquin.
«Le SAF, c’est un peu comme l’hydrogène. Ça prend de l’hydrogène pour faire du SAF. Il faut faire attention parce que la capacité énergétique du Québec est limitée», avait affirmé en mai dernier le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon dans le cadre d’une tribune de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Québec doit d’ailleurs dévoiler prochainement le résultat de ses analyses d’une première liste de 23 projets pour un bloc de 3200 mégawatts. Consortium SAF +, qui aimerait en obtenir un peu plus de 300, ne sait pas s’il fait partie ou non de cette liste.
«Nous sommes conscients que le gouvernement ne peut pas dire oui à tout le monde pour l’attribution des blocs d’énergie. Ce que nous essayons donc de faire, c’est de travailler avec d’autres partenaires qui pourraient aussi apporter de l’énergie dans le réseau. Des producteurs d’énergie solaire ou éolienne», explique Jean Paquin.
Il ajoute que les besoins du Consortium seront principalement en 2028, lorsque sa nouvelle usine dans l’est de Montréal sera construite et prête à produire les 100 millions de litres prévus.
Il n’en demeure pas moins que les enjeux sont grands pour la province, qui bénéficie d’une position stratégique majeure dans le monde de l’aviation.
«Nous avons au Québec le troisième hub de l’aviation dans le monde après Seattle et Toulouse. Avoir accès à du SAF, et le protéger, est extrêmement important pour l’industrie […] Les avions qui ont besoin de décarboner vont aller à des endroits où il y a du SAF de disponible. Donc non seulement il va y avoir des avions qui vont partir, mais on va avoir des avions qui reviennent et tout ça est relié à l’économie et la richesse locale», poursuit M. Paquin.
Au printemps, le directeur du Conseil canadien des carburants d’aviation durables (C-SAF), Geoff Tauvette, a fait une sortie publique pour presser le gouvernement fédéral de créer des conditions favorables afin d’aider cette industrie, sans quoi l’expertise d’ici risquerait de partir vers les États-Unis.
«La rentabilité n’est pas vraiment là pour les fournisseurs. On a besoin d’un peu d’aide du gouvernement pour mettre en place un plan d’action pour nous aider à stimuler la production», avait-il commenté, rappelant que le gouvernement Biden vise que la production des États-Unis atteigne trois milliards de litres par années d’ici 2030.
Au même moment, du côté canadien de la frontière, le C-SAF espère une production annuelle d’un milliard de litres.
«Sans réponse canadienne, l’industrie dépendra des importations pour décarboner l’industrie. On risque de devenir simplement un fournisseur de matières propres [nécessaire à la fabrication du carburant] aux régions qui ont mis en place des incitatifs, comme les États-Unis», a-t-il prévenu.
Avec les informations de La Presse canadienne