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Industrie automobile: faire du profit

Claude Fortin|Publié le 05 janvier 2023

Industrie automobile: faire du profit

(Photo: 123RF)

L’industrie automobile repose sur deux principes cardinaux : produire et vendre des véhicules. Mais une fois ces conditions initiales remplies, de quelles façons les concessionnaires peuvent-ils commencer à faire du profit ? 

« L’objectif premier des manufacturiers, de leur bras financier, et des concessionnaires automobiles, c’est de mettre des voitures sur la route », soutient Norman John Hébert, vice-président et chef de l’exploitation au Groupe Park Avenue. Pour faire rouler les inventaires, certains fabricants profitent de leur branche financière pour proposer des taux plus avantageux que ceux des banques aux clients potentiels. L’idée reste assez simple : inciter les consommateurs à entrer chez le concessionnaire, et à en sortir au volant d’une voiture neuve. « Ils vont souvent utiliser le taux d’intérêt ou la valeur résiduelle du véhicule en location comme un outil de marketing pour attirer les clients en concession », illustre le vice-président exploitation du groupe aux 21 concessions. 

Il n’y a cependant pas de magie, prévient Sylvie Brunelle, directrice principale des ventes pour le financement automobile particulier, à la Banque de Montréal. « Quand un manufacturier offre un taux à 2,99 % alors que le coût du capital varie entre 4 et 5 %, comme en ce moment, ce n’est pas rentable, dit-elle. L’entreprise doit réaliser son profit ailleurs. »  

 

Les marges des concessionnaires 

Là où le concessionnaire trouve son profit, c’est dans tout ce qui entoure la vente d’une voiture, explique Yan Cimon, professeur de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. « Les marges ne se font généralement pas sur la tôle, soutient le professeur. « Là où ça devient intéressant pour le concessionnaire, c’est dans le financement et l’assurance, dit-il. Là, les marges peuvent être très, très élevées. » 

Une réalité que confirme Jean-Luc Géha, professeur invité à HEC Montréal et directeur de l’Institut de vente affiliée à l’institution. « Le rôle du vendeur de voitures, c’est de clore la transaction », souligne l’expert. « Une fois cette étape franchie, on fait passer le client dans un autre bureau où il fait la connaissance du directeur financier, frais et dispo, dont le travail consiste à vendre au client fatigué par sa rencontre initiale, une panoplie de produits connexes comme une garantie prolongée, un traitement spécial pour la peinture, un antirouille à vie, etc. », détaille le chercheur qui souligne la rémunération avantageuse de ces spécialistes du financement.  

Ce passage dans le bureau du directeur financier peut valoir le coût pour le concessionnaire, croit Jean-Luc Géha. « Prenons une voiture de 25 000 $ plus taxes, par exemple. Si le conseiller financier parvient à vous vendre une garantie prolongée à 2 500 $, en plus d’autres accessoires pour une valeur équivalente, on vient d’ajouter 20% à la facture », signale le directeur. 

 

Le service après-vente 

« Dans un groupe comme le nôtre, la plus haute marge de profit se trouve dans le service après-vente », affirme Norman John Hébert. « Notre objectif consiste à fidéliser le client pour qu’il revienne faire entretenir et réparer leur véhicule chez nous », précise-t-il.  

«Ce n’est pas pour rien que les constructeurs s’assurent que l’entretien suggéré du véhicule prévoit de nombreuses visites au garage », ajoute pour sa part Yan Cimon. « C’est pour s’assurer du bon fonctionnement du véhicule, bien entendu, mais c’est aussi pour que le consommateur se présente plus souvent chez le concessionnaire. Ça aide à générer des revenus et à rendre l’industrie plus intéressante », souligne le chercheur. 

L’expérience client souffre toutefois de la rareté relative de véhicules dans la cour des concessionnaires. « Quand les cours sont pleines, ils laissent aller plus de profits par vente pour faire du volume. Mais là, avec des cours vides, les prix sont plus solides, il y a moins de marchandage », indique Sylvie Brunelle.  

«La situation est clairement à l’avantage des concessionnaires », soutient quant à lui Jean-Luc Géha. « On voit même des cas où la voiture achetée arrive avec quelques accessoires de moins que ce qui était prévu. J’ai moi-même vécu l’expérience ! », dit-il.  

Comme les voitures neuves sont rares en raison des tensions sur la chaîne mondiale d’approvisionnement, « plusieurs clients se font une raison », croit le directeur. « Dans mon cas, j’aurais pu refuser de prendre l’auto parce qu’il manquait certaines des options que j’avais demandées, mais, avec les listes d’attente et les délais pour obtenir exactement ce que nous voulons, on se retrouve un peu coincés et ça place les concessionnaires dans une position très avantageuse vis-à-vis du client qui finit par se contenter de ce qu’on lui offre. »