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Les négos au CN et au CPKC doivent reprendre après le déclenchement du lock-out

La Presse Canadienne|Mis à jour le 22 août 2024

Les négos au CN et au CPKC doivent reprendre après le déclenchement du lock-out

Des travailleurs ferroviaires font du piquetage devant le siège social du CN au premier jour du lock-out déclenché par le CN et le CPKC, le jeudi 22 août 2024 à Montréal. (Photo: La Presse Canadienne)

Les négociations entre les travailleurs et les deux plus grandes compagnies ferroviaires du pays doivent reprendre jeudi matin après avoir été interrompues peu avant minuit, une date limite qui a entraîné dans un lock-out quelque 9300 employés du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) dans leur tout premier arrêt de travail simultané.

Après des mois de négociations de plus en plus âpres, le trafic sur les chemins de fer de marchandises s’est arrêté au petit matin après l’interruption des négociations contractuelles tard mercredi soir, menaçant de bouleverser les chaînes d’approvisionnement qui tentent de se remettre des perturbations liées à la pandémie et à une grève portuaire survenue l’année dernière.

La Conférence ferroviaire de Teamsters Canada a commencé à publier sur les réseaux sociaux des photos de travailleurs d’Halifax à Vancouver en train d’installer des lignes de piquetage, avec des travailleurs manifestant également devant le siège social du CN au centre-ville de Montréal.

«Ce n’est pas notre décision d’être sur la rue aujourd’hui, c’est la décision du Canadien National et du Canadien Pacifique de prendre la population canadienne, les travailleurs et les exportateurs en otage et d’essayer d’imposer leurs lois et leurs vues», a tranché le président de Teamsters Canada, François Laporte, lorsque rencontré devant le siège social du CN, à Montréal.

M. Laporte a mentionné que l’objectif du syndicat, lors des négociations actuelles, est d’offrir au personnel responsable d’opérer les trains d’un océan à l’autre des conditions qui leur permettent de le faire de façon sécuritaire.

«On ne veut pas vivre un deuxième Lac-Mégantic», a-t-il résumé, faisant référence à la tragédie qui a coûté la vie à 47 personnes le 6 juillet 2013 quand un train a déraillé dans le centre-ville de cette municipalité de l’Estrie.

«Tous les jours, dans tous les villages et toutes les villes canadiennes, il y a des trains qui circulent avec des matières dangereuses — de l’énergie, du gaz, du pétrole — et on doit s’assurer que ceux qui opèrent les trains le font de façon sécuritaire avec les périodes de repos appropriées», a expliqué M. Laporte.

L’impasse dans les négociations affecte aussi le quotidien des dizaines de milliers de personnes qui utilisent les réseaux de trains de banlieue de Montréal, Toronto et Vancouver, puisque le service est interrompu sur les lignes qui circulent sur les voies du CPKC.

Trudeau aura «plus à dire bientôt» 

Le gouvernement fédéral aura «plus à dire bientôt» sur ce qu’il entend faire face aux lock-out décrétés par les deux plus grandes compagnies ferroviaires du Canada, a déclaré le premier ministre Justin Trudeau. 

Lors de sa visite dans une usine de Sherbrooke, jeudi matin, Justin Trudeau a déclaré que le gouvernement libéral «prend ça tellement au sérieux» et qu’il s’efforce de trouver la bonne solution pour l’économie. 

«C’est sûr que c’est pas juste une compagnie: c’est l’économie au complet du Canada qui est à risque. Les travailleurs, les agriculteurs, les petites entreprises.»

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Les associations de chefs d’entreprises ont exhorté plus tôt cette semaine le gouvernement fédéral à intervenir avec un arbitrage exécutoire ou une loi de retour au travail, en avertissant qu’une paralysie du transport ferroviaire aurait d’énormes conséquences économiques.

Du côté des néo-démocrates, ils n’appuieront pas une loi de retour au travail ni aucune ingérence dans le processus de négociation, a prévenu Jagmeet Singh, jeudi. Dans un communiqué, le chef néo-démocrate critique les deux entreprises pour avoir mis leurs employés en lock-out et il estime qu’elles devraient négocier avec Teamsters Canada. 

Les milieux d’affaires inquiets

Dans les derniers jours, des groupes du milieu des affaires et de nombreux politiciens ont exhorté les deux parties à trouver une entente afin d’éviter un arrêt de travail, craignant les nombreuses répercussions d’une paralysie du réseau ferroviaire.

Selon l’Association des chemins de fer du Canada, les deux entreprises transportent chaque jour des marchandises d’une valeur combinée d’un milliard de dollars. De nombreuses expéditions avaient été arrêtées de manière préventive en début de semaine pour éviter que des marchandises restent bloquées en cas de conflit.

Les parties ont négocié jusqu’en fin de soirée, mercredi, dans des hôtels de Montréal et Calgary. Les pourparlers ont été interrompus peu avant minuit.

Chaque partie a accusé l’autre de ne pas négocier sérieusement.

«Les compagnies de chemins de fer ne se soucient pas des agriculteurs, des petites entreprises, des chaînes d’approvisionnement ou de leurs propres employés. Leur seul objectif est d’augmenter leur bénéfice net, même si cela signifie mettre en péril l’ensemble de l’économie», a soutenu le président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, Paul Boucher, dans un communiqué publié tôt jeudi matin.

Les Teamsters représentent 6000 travailleurs du CN et 3300 travailleurs du CPKC.

De son côté, le CN a assuré avoir négocié de bonne foi au cours des neuf derniers mois.

«La Compagnie a proposé des offres sérieuses prévoyant un meilleur salaire, de meilleures périodes de repos et des horaires plus prévisibles. Les Teamsters n’ont manifesté aucune urgence ni aucune volonté de parvenir à un accord favorable aux employés, à l’entreprise et à l’économie», a plaidé le CN dans une déclaration écrite.

Le CPKC a quant à lui appelé à un arbitrage exécutoire, affirmant que le syndicat avait formulé des «demandes irréalistes».

Des associations représentant des entreprises ont également demandé au gouvernement d’intervenir en imposant un arbitrage exécutoire et en interdisant les grèves et les lock-out pendant que le processus se déroule.

Le premier ministre Justin Trudeau a plutôt appelé les deux parties à trouver une entente à la table des négociations, mercredi.

Jeudi matin, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est allée encore plus loin, alors qu’elle a réclamé une loi spéciale pour forcer le retour au travail.

«Une fois de plus, les chaînes d’approvisionnement sont paralysées par des grèves. Dans un contexte économique déjà difficile, ce blocage va rapidement entraîner des pénuries et des hausses de prix, qui mettront en péril entreprises et emplois», a déploré son président et chef de la direction, Michel Leblanc.

Nombreuses répercussions

L’agriculture, la construction, l’exploitation minière, l’énergie, le commerce de détail et la construction automobile sont tous des secteurs qui seront affectés par ce conflit de travail.

Aux États-Unis, des compagnies ferroviaires ont également dû détourner des expéditions à destination du Canada. Des entreprises américaines dépendent elles aussi des deux principales compagnies ferroviaires du Canada pour leurs expéditions, puisque les voies du CN et du CPKC s’étendent jusqu’au golfe du Mexique et, dans le cas du CPKC, jusqu’à plusieurs ports mexicains.

Pendant ce temps, les ports canadiens craignent que les conteneurs s’accumulent sur les quais, puisque les marchandises ne pourront pas être transportées par train après avoir été déchargées des navires. Les ports soutiennent que cela pourrait causer des embouteillages et forcer certains transporteurs à se réorienter vers des terminaux américains.

Par ailleurs, plus de 32 000 usagers des trains de passagers de Montréal, Toronto et Vancouver devront trouver un nouvel itinéraire pour se rendre au bureau.

Dans la région de Montréal, exo a confirmé qu’aucun service ne pourra être offert sur les lignes de trains de banlieue qui circulent sur les voies du CPKC, soit celles de Vaudreuil/Hudson, Saint-Jérôme et Candiac. Les trains circulant sur le réseau du CN, soit les lignes de Mont-Saint-Hilaire et de Mascouche, conserveront un service normal.

Des autobus seront déployés pour desservir les gares où les trains ne passeront pas, mais seulement à compter de lundi prochain. Le transporteur exo prévient aussi que «le nombre d’autobus disponibles dans la région métropolitaine (est) insuffisant pour remplacer toute la capacité des trains annulés».

Ainsi, les bus de remplacement serviront surtout à offrir du service en périphérie de la métropole. À Montréal et Laval, les usagers d’exo sont priés de se tourner vers les réseaux de la Société de transport de Montréal et de la Société de transport de Laval.

«Compte tenu de la capacité financière et opérationnelle limitée d’exo, les mesures d’atténuation qui seront proposées desserviront principalement les voyages de train en heure de pointe. La fréquence des navettes sera planifiée, mais elles ne seront pas assignées à un horaire précis. La congestion routière ou les conditions climatiques pourraient affecter la durée des déplacements», a averti exo dans un communiqué.

Ailleurs au pays, le West Coast Express de TransLink, dans la région de Vancouver, ainsi que la ligne Milton de Metrolinx et la gare GO Hamilton de la ligne Lakeshore, dans le Grand Toronto, ne pourront pas être desservis pendant l’arrêt de travail.