Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Le CN et Via Rail suspendent les activités dans l’Est

La Presse Canadienne|Publié le 14 février 2020

Le CN rejette le fardeau de cette décision sur les épaules des manifestants.

Le CN et Via Rail ont annoncé jeudi la fermeture de leur réseau dans l’est du Canada, après plusieurs jours de perturbations causées par les manifestants qui bloquent les voies dans plusieurs provinces pour protester contre un projet de gazoduc dans le nord de la Colombie-Britannique.

Le CN précise que cette mesure «comprendra l’arrêt sécuritaire des trains transcontinentaux sur son réseau canadien». Le transporteur ferroviaire avertit que cette décision «pourrait entraîner sous peu des licenciements temporaires au sein de son personnel» dans l’est du Canada.

La décision du CN a forcé la main de Via Rail, qui utilise les infrastructures ferroviaires de l’entreprise. «Via Rail n’a d’autre choix que d’annuler ses services jusqu’à nouvel ordre», écrit-elle dans un communiqué publié sur son site internet. Via a toutefois indiqué que deux lignes demeuraient en service: Sudbury-White River et Churchill -The Pas. La première roule sur des voies du Canadien Pacifique, la seconde sur des voies du Chemin de fer de la baie d’Hudson.

Les trains en déplacement ont pu se rendre à la gare la plus proche.

Le CN rejette le fardeau de cette décision sur les épaules des manifestants. La compagnie déplore que «les injonctions des tribunaux n’aient toujours pas été appliquées en Ontario et continuent d’être ignorées par les manifestants». Elle affirme qu’il ne lui reste qu’une seule solution: «interrompre progressivement ses activités dans l’est du Canada jusqu’à la fin des blocages illégaux».

«Avec plus de 400 trains annulés depuis la semaine dernière et de nouvelles manifestations qui ont eu lieu à des endroits stratégiques sur notre voie principale, nous avons décidé qu’une interruption progressive de nos opérations dans l’est du Canada était l’approche responsable à prendre pour la sécurité de nos employés et des manifestants», a déclaré le président-directeur général du CN, Jean-Jacques Ruest.

M. Ruest concède que cette décision «est regrettable pour son impact sur l’économie canadienne ainsi que sur nos cheminots, puisque ces protestations n’ont aucun lien avec les activités du CN et échappent à notre contrôle».

Via Rail a indiqué qu’elle offrait un remboursement complet pour tous les voyages annulés, ajoutant qu’en raison du volume de transactions, le traitement du remboursement pourrait prendre jusqu’à 15 jours.

Le service de trains de banlieue entre Candiac et Montréal était toujours interrompu jeudi à cause de l’occupation des voies à Kahnawake depuis la fin de semaine dernière. Les manifestants ont déclaré mercredi qu’ils resteraient en place tant que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ne quitterait pas le territoire de la nation Wet’suwet’en.

Interrogé sur la crise ferroviaire que traverse le pays, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré à son arrivée à Munich, en Allemagne, que son gouvernement continuait de suivre la situation «de très près», ajoutant avoir eu une «longue conversation productive» avec le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan.

«On va continuer de rappeler aux gens qu’on est un pays, un État de droit, a-t-il dit à sa descente de l’avion. On va s’assurer que les lois soient suivies.»

Son ministre des Transports, Marc Garneau, s’est dit «profondément préoccupé par les décisions de CN et Via Rail d’arrêter leurs opérations». Il a indiqué qu’il discutera «de la suite des choses» à l’occasion de sa rencontre de vendredi avec ses homologues provinciaux et territoriaux, ainsi que des représentants d’organisations nationales autochtones.

«Les parties impliquées doivent dialoguer de façon ouverte et respectueuse afin de s’assurer que la situation soit réglée de manière pacifique et nous les encourageons fortement à agir de la sorte», a-t-il ajouté par voie de communiqué.

Rencontre avec les leaders autochtones

Le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, et le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, tentent d’organiser des rencontres avec les dirigeants autochtones dans l’espoir de mettre un terme à ces occupations de voies ferrées qui perturbent le transport de marchandises et de passagers au pays.

Le ministre Miller a écrit une lettre à trois chefs autochtones de l’Ontario concernant la manifestation sur le territoire ancestral mohawk de Tyendinaga, qui a causé l’interruption du transport de marchandises et de passagers entre Toronto et Montréal. Le ministre propose de rencontrer les chefs samedi à l’endroit de leur choix.

«Ma demande, que je vous prie de bien vouloir considérer, est de mettre fin à la protestation et aux barricades sur les voies ferrées dès que possible, a écrit le ministre Miller dans un courriel aux trois leaders autochtones de l’Ontario. Comme vous le savez bien, cette situation est très volatile et la sécurité de toutes les personnes impliquées est de la plus haute importance pour moi.»

«J’espère que vous accepterez cette offre et que nous pourrons nous rencontrer dans un esprit de paix et de coopération, qui guideront nos relations», écrit M. Miller dans son invitation qu’il a publiée sur sa page Facebook. Le ministre propose aux trois chefs de les rencontrer samedi à l’endroit de leur choix.

Le premier ministre Horgan a également rendu publique jeudi une lettre adressée à Simogyet Spookw, aussi appelé Norman Stephens, chef de la nation Gitxsan en Colombie-Britannique. Dans sa lettre, le premier ministre remercie le chef d’avoir tendu la main à son cabinet pour proposer une rencontre avec les chefs héréditaires des nations Gitxsan et Wet’suwet’en.

«Je confirme la volonté de notre gouvernement de participer à une telle rencontre», écrit M. Horgan, ajoutant que son bureau avait exhorté le gouvernement fédéral à répondre le plus rapidement possible à cette invitation. «Je comprends qu’à la réception de cette lettre et d’un engagement similaire d’Ottawa, le blocus de la voie du CN sera levé pour permettre une période de dialogue calme et pacifique.»

À Québec, le premier ministre François Legault a déclaré jeudi matin qu’il avait discuté avec son homologue ontarien, Doug Ford, de ce dossier qui «crée beaucoup d’inconvénients et au Québec, et en Ontario», a-t-il dit. «On est tous les deux d’accord pour dire que c’est d’abord un problème fédéral _ on parle d’un gazoduc en Colombie-Britannique _, c’est à Justin Trudeau à régler le problème», a soutenu M. Legault en marge de la réunion hebdomadaire du caucus des députés caquistes à Québec.

Les organisateurs de tels moyens de pression à travers le pays sont solidaires des opposants au projet de gazoduc Coastal GasLink qui doit traverser le territoire ancestral de la Première Nation Wet’suwet’en près de Houston, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Des voies ferrées ont été occupées lorsque la GRC a exécuté la semaine dernière une injonction prononcée par le tribunal contre les chefs héréditaires de Wet’suwet’en et leurs partisans, qui bloquent la construction du gazoduc.

Coastal GasLink constitue un élément clé du projet d’exportation de gaz naturel liquéfié de l’entreprise LNG Canada, estimé à 40 milliards $.