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Le PDG de Bombardier tacle les gouvernements

Dominique Talbot|05 juin 2024

Le PDG de Bombardier tacle les gouvernements

«Je suis PDG d’une des plus grandes entreprises en aéronautique au Canada. Et s’il y a une stratégie, je ne l’ai pas vue. J’en ai entendu parler, mais j’aimerais ça la lire», a déclaré Éric Martel, PDG de Bombardier. (Photo: La Presse Canadienne)

Les fortes turbulences entre Bombardier et les gouvernements provincial et fédéral ne semblent pas sur le point de se calmer. Après avoir vivement dénoncé l’arrivée de Boeing au Québec au mois de mai dernier, son PDG Éric Martel a critiqué mercredi l’absence de stratégie des gouvernements dans le secteur de l’aéronautique.

«Je suis PDG d’une des plus grandes entreprises en aéronautique au Canada. Et s’il y a une stratégie, je ne l’ai pas vue. J’en ai entendu parler, mais j’aimerais ça la lire», a déclaré Éric Martel devant un parterre de gens d’affaires réunis à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Ça serait tellement important que nous travaillions plus ensemble. Les Américains travaillent bien avec leur industrie. C’est harmonisé avec une vue à long terme sur comment on fait les choses. Via la défense et via d’autres moyens. […] Chez nous, on improvise un peu. Nous aurions intérêt à avoir un plan à plus long terme et de comprendre où on va tout le monde ensemble et de créer un certain alignement de toute l’industrie», dit-il.

Bien qu’il souligne ne pas vouloir remettre la question de l’avant, Éric Martel a affirmé qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi Ottawa avait accordé un contrat de 9 milliards de dollars à Boeing l’année dernière pour le remplacement d’avions militaires de surveillance. Sans que Bombardier puisse justement participer à un appel d’offres.

En référence au marché de la défense sur lequel Bombardier mise énormément pour les années à venir, Éric Martel a souligné que lorsqu’il se rend à Washington pour rencontrer des élus, il peut en rencontrer jusqu’à 10 en une journée. «C’est plus compliqué au Canada», a-t-il lancé.

Rappelons aussi qu’en mai, la multinationale québécoise ne s’était pas gênée pour dire qu’elle ne digérait pas l’arrivée de Boeing dans une zone d’innovation aérospatiale dans le Grand Montréal.

«Nous sommes surpris de voir les deux gouvernements si fortement prioriser et applaudir une multinationale étrangère qui bénéficie déjà d’importants contrats de son pays d’origine, en plus d’avoir très récemment mis à risque l’industrie aéronautique au Québec», avait alors déclaré l’entreprise.

En 2017, Boeing avait obtenu de Washington l’imposition de tarifs douaniers de près de 300% sur les avions de la CSeries de Bombardier. Même si cette décision a été infirmée par la suite, elle avait sévèrement affecté les liquidités de l’entreprise. La même année, Bombardier a dû céder à Airbus 50,1% de son programme CSeries. L’appareil est officiellement devenu l’Airbus A220 en juillet 2018. En février 2020 et après des investissements de six milliards de dollars, Bombardier cédait le reste de sa participation à l’avionneur européen pour la somme symbolique de 1$, dans ce qui est devenu une coentreprise formée par Airbus et le gouvernement du Québec.

Avec une pointe d’ironie, Éric Martel n’a pas manqué de souligner que l’avion du premier ministre canadien était justement un Airbus. «Les Américains appuient leurs champions nationaux. Les Français aussi, de façon très évidente. […] Ils utilisent nos [avions] Challenger à Ottawa, mais l’avion principal du premier ministre pour les longues distances est un Airbus. Ça pourrait très bien être un Global 7500. D’ailleurs, il pourrait aller plus loin, et il ne resterait pas en panne en Inde.»

 

Cap sur les avions militaires, et les services

Au-delà de ses relations avec les différents paliers de gouvernements, la situation financière de Bombardier s’est grandement améliorée depuis 2020. Cette semaine, sa cote de crédit de la firme S&P est d’ailleurs passée de B à B+, tout en maintenant une perspective stable.

«Nous avions besoin de regagner de la crédibilité sur les marchés financiers. Depuis que nous sommes sortis avec notre plan de match de redressement, juste après la vente de Bombardier Transports en 2021, on a toujours réussi nos trimestres, dépassé les attentes. En fait, nous sommes en avance sur notre plan de redressement qui va se terminer en 2025», dit Éric Martel.

De 5,6G$US en revenus en 2020, ceux-ci sont passés à 8G$US en 2023. Les bénéfices avant impôts, intérêts et amortissements sont quant à eux passés de 197M$US à 1,2G$US au cours de la même période. Au 1er mai 2024, la dette de l’entreprise avait diminué de 4,5G$US.

Si le carnet de commandes de la multinationale continue de se remplir à un rythme soutenu — près de 5000 appareils Bombardier sont actuellement en service sur la planète — c’est surtout vers le service après-vente et la défense que les meilleures avenues de croissances semblent se dessiner.

D’ici 2030, les revenus d’entretien pourraient «facilement» atteindre 5G$US. «C’est une stratégie importante pour nous», dit Éric Martel. Au total, d’ici 2030, le PDG espère que 50% des revenus de Bombardier proviendront des services et de la défense. Dans cette dernière catégorie, dit-il, «nous avons le potentiel de faire 375 appareils au cours des 10 prochaines années. Ce sont des programmes extrêmement lucratifs».

 

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