Les ruptures d’approvisionnement en composantes automobiles et la hausse des taux d’intérêt ont pris en étau les achats de voitures. (Photo: 123RF)
Il y a de modestes signes d’amélioration, mais les prix des voitures neuves et d’occasion ont quitté l’orbite terrestre et sont maintenant une source de choc pour les automobilistes.
«Alors que les prix augmentent et que les taux d’intérêt élevés excluent de nombreux acheteurs à faible solvabilité, le marché américain devient un marché de luxe», accessible uniquement aux acheteurs les plus fortunés, indique un récent communiqué de Cox Automotive, qui parle d’un «changement sismique».
Les ventes de voitures bon marché s’effondrent
En décembre 2017, 36 modèles affichaient des prix inférieurs à 25 000 $ US (généralement considérés comme abordables) et représentaient 13% du total des ventes de voitures neuves. En décembre 2022, seuls 10 modèles se situaient en dessous de ce seuil, leur part des ventes tombant sous 4%.
À l’autre bout du spectre, en décembre 2022, plus de 25% des voitures neuves vendues avaient un prix supérieur à 60 000 $ US (supérieur au revenu annuel de l’Américain moyen), avec 90 modèles uniques dans cette catégorie. «Cinq ans plus tôt, en décembre 2017, la part des véhicules dont le prix était supérieur à 60 000 $ US était inférieure à 8%», écrit Cox Automotive.
Pour mettre les choses en perspective, en seulement cinq ans, le volume des ventes de voitures abordables a chuté de 78%, passant de 204 593 unités à 43 557. Au cours de la même période, les ventes de modèles de luxe ont augmenté de 163%, passant de 122 864 unités à 323 368.
Entre mars 2012 et mars 2019, l’indice d’accessibilité des véhicules Cox Automotive/Moody’s Analytics a lentement reculé de 35 à 32. À partir de ce moment-là, il a explosé pour atteindre 45. Cependant, au cours des trois premiers mois de 2023, il est revenu à 42,4, un signe encourageant qui reste à confirmer avant de devenir une tendance. «Même avec trois mois consécutifs d’amélioration, les problèmes d’accessibilité financière limitent l’accès au marché des véhicules neufs», a commenté Jonathan Smoke, économiste en chef de Cox Automotive.
Qu’est-ce qui a déclenché la flambée des prix?
Au lendemain de la pandémie, de nombreux facteurs se sont additionnés pour étrangler l’offre sur le marché de l’automobile. Le premier facteur est une pénurie de puces «qui a été plus aiguë dans les voitures que dans tout autre secteur», note David Whiston, stratège des actions, autos américaines, chez Morningstar Research Services. Lorsque la pandémie a frappé, l’industrie automobile a prévu une longue récession — qui ne s’est pas matérialisée — et annulé les commandes de puces. Mais lorsque la demande est revenue de manière inattendue, «l’industrie des puces a dit : “Désolé”», se souvient M. Whiston. «Tous les inventaires de puces étaient destinés à l’électronique grand public pour soutenir le travail à domicile.»
«Et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir en ce qui concerne les puces», ajoute M. Whiston. À la fin du mois de mars, les stocks de voitures neuves aux États-Unis s’élevaient à 1,84 million de véhicules. C’est deux fois plus que le niveau le plus bas enregistré après la pandémie (973 000 unités), mais c’est encore 55% de moins que le niveau prépandémique de 4 millions.
La pénurie de puces mettra probablement un certain temps à se résorber. «À long terme, la question de l’approvisionnement est compliquée, car la quantité de puces d’une voiture moderne a augmenté rapidement au cours de la dernière décennie et continuera à le faire à mesure que nous passerons aux véhicules électriques», souligne Adam Staszewski, responsable de la recherche, industries mondiales, chez CI Global Asset Management. «Les investissements dans la capacité de production de semiconducteurs pour l’automobile ont de longs délais d’exécution et doivent suivre le rythme de la transition automobile», c’est-à-dire le passage aux véhicules électriques (VE).
Les fabricants d’autos ont retrouvé leur pouvoir de fixation des prix
Les ruptures d’approvisionnement en composantes automobiles et la hausse des taux d’intérêt ont pris en étau les achats de voitures. Mais un autre facteur majeur est apparu. «Les constructeurs automobiles ont découvert le pouvoir de fixation des prix que leur a conféré la pandémie», souligne M. Whiston.
Soumis à de fortes contraintes de capacité de production, les constructeurs automobiles ont donné la priorité à leurs modèles les plus rentables et les plus chers. Les bénéfices en sont consacrés à la transition vers les véhicules électriques, une dynamique qui ne favorise pas la réapparition de modèles à bas prix. «Les constructeurs automobiles sont confrontés à des vents contraires majeurs alors qu’ils cherchent à établir une toute nouvelle chaîne d’approvisionnement pour les véhicules électriques, à rattraper Tesla et à convaincre les acheteurs sceptiques, le tout dans un contexte économique de plus en plus négatif», écrit Business Insider.
L’espoir des VE pour le prix des voitures
La pression exercée sur le prix des voitures traditionnelles favorisera probablement les ventes de VE, car certains obstacles sur leur courbe d’adoption sont en train d’être surmontés. Jusqu’à une époque récente, de nombreux acheteurs potentiels n’étaient pas à l’aise avec l’autonomie des batteries. Mais aujourd’hui, «l’autonomie moyenne des nouveaux VE est de 275 miles (440 km), de sorte que l’angoisse de l’autonomie n’est plus tout à fait d’actualité», déclare Seth Goldstein, stratège en actions et chef du comité sur les véhicules électriques chez Morningstar Research Services.
Un autre obstacle à l’adoption des VE est la disponibilité des chargeurs électriques. Ce n’est pas vraiment un problème pour les 60% d’Américains qui vivent dans une maison individuelle avec un garage, estime M. Goldstein, mais pour les 40% restants qui vivent dans des appartements ou des copropriétés, «ils seraient totalement dépendants des stations de recharge publiques», note-t-il. Cet accès est encore limité, mais le nouveau projet de loi américain sur les infrastructures prévoit la construction de 500 000 chargeurs à travers les États-Unis dans les années à venir.
Mais l’accessibilité financière des VE reste un obstacle. «Le prix moyen d’un VE est supérieur de 10 000 à 20 000 dollars à celui d’une voiture traditionnelle dotée d’un moteur à combustion interne», reconnaît M. Goldstein. Au Canada, les prix varient entre 39 498 et 189 000 dollars, soit une moyenne de 83 510 dollars, selon l’Association canadienne des automobilistes, comme le rapporte CBC. «Le consommateur moyen n’a pas les moyens d’acheter ces véhicules», a déclaré à CBC Edgar Faler, analyste principal du Centre for Automotive Research, établi à Ann Arbor (Michigan). «Il s’agit souvent de véhicules secondaires dans de nombreux ménages et d’achats de luxe».
Les remises fédérales et provinciales, qui vont de 2 500 à 12 000 dollars, peuvent certainement aider les acheteurs. Aux États-Unis, les remises récemment annoncées s’élèvent à 7 500 dollars, mais il existe de nombreuses restrictions. «Les données provenant de pays où le taux de pénétration des VE est élevé suggèrent que les politiques de crédit d’impôt américaines devraient créer une couche supplémentaire de demande saine à moyen terme», affirme Adam Staszewski. Au Canada, une Chevrolet Bolt EV de base, dont le prix de départ est de 41 542 dollars, est ramenée à 31 015 dollars une fois que les incitations fédérales et québécoises sont appliquées. Cette somme n’est pas nécessairement accessible à tous les budgets, mais elle n’est certainement pas hors de portée.
D’un autre côté, les réglementations gouvernementales pourraient constituer des «incitatifs» majeurs. «La réglementation obligera les Américains à acheter des VE, explique M. Whiston. La Californie veut des voitures à émission nulle d’ici 2035, et 18 autres états suivent ces règles.» Mais si les prix ne baissent pas et que les gens ne peuvent pas acheter de voitures à moteur à combustion interne traditionnelles, un nombre encore plus important de consommateurs pourrait être exclu du marché de l’automobile.
En attendant, pour le reste de l’année 2023, on s’attend à ce que la situation reste inchangée, car les constructeurs automobiles s’adressent de plus en plus au marché des véhicules neufs avec des produits plus chers pour les consommateurs à revenus élevés, laissant les acheteurs moins fortunés et à risque lutter pour trouver des paiements de véhicule abordables qui satisfassent les budgets mensuels.