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Le rapport du CCCC est «sans nuance», selon les camionneurs

François Normand|Publié le 20 septembre 2023

Le rapport du CCCC est «sans nuance», selon les camionneurs

Les véhicules brûlent plus d’essence pour aller par exemple de l’usine d’une entreprise manufacturière à l’entrepôt d’un client ou à un centre de distribution. Cette situation augmente les coûts des entreprises, mais aussi leurs émissions de gaz à effet de serre. (Photo: Joseph Paul pour Unsplash)

L’Association du camionnage du Québec (ACQ) affirme que le rapport publié ce mercredi par le Comité consultatif sur les changements climatiques (CCCC) est «sans nuance» et ne tient pas compte de la réalité des camionneurs sur le terrain et des défis posés par l’intermodalité.

Le CCCC est un organisme indépendant que Québec a mis sur pied afin de le conseiller pour lutter plus efficacement contre les changements climatiques, tout en favorisant davantage l’électrification.

Son nouveau rapport recommande au gouvernement de François Legault de réduire le transport de marchandises par camion pour se tourner davantage vers le train et le bateau.

Relire notre manchette sur le transport intermodal, Entreprises, embarquerez-vous dans le bateau?

«C’est un rapport macro-économique qui est sans nuance et qui n’entre pas dans la complexité de notre industrie», déplore en entrevue à Les Affaires, Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec.

Ce dernier est conscient qu’il faut en faire plus pour réduire les émissions de GES au Québec, en précisant que les camionneurs collaborent déjà depuis longtemps avec les transporteurs ferroviaires et maritimes pour transporter des marchandises.

Toutefois, Marc Cadieux souligne que l’industrie du camionnage a de la «difficulté» à optimiser certains déplacements avec des clients (incluant les terminaux portuaires), de sorte que certains camions doivent circuler à vide.

Citant des statistiques du ministère des Transports et de la Mobilité durable, le CCCC affirme qu’environ 37% des camions circulaient à vide en 2013. «On observe aussi que les camions circulant sur les routes sont de moins en moins chargés», peut-on lire dans le document.

Selon le CCCC, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport routier de marchandises ont augmenté de 61% entre 1990 et 2021. Et, à eux seuls, les véhicules lourds routiers sont responsables de 8,7% des émissions totales émises au Québec.

Dans son avis, le comité formule cinq recommandations pour tenter de renverser ces «tendances lourdes»:

  • instaurer, dans les meilleurs délais, une contribution kilométrique dans le transport routier de marchandises;
  • mettre en œuvre une stratégie ferroviaire et maritime favorisant un important transfert modal;
  • prioriser le transport de courte et de moyenne distance dans les efforts d’amélioration du transport de marchandises; 
  • adopter une feuille de route sur le développement de l’économie circulaire pour contribuer à la réduction de la demande de transport;
  • accroître la capacité de planification et de réglementation du gouvernement du Québec en matière de décarbonation du transport.

 

La complexité de la réalité des camionneurs

À propos des camions circulant à vide, Marc Cadieux fait remarquer que les camionneurs ne peuvent tout simplement pas toujours transporter des remorques pleines. Il évoque notamment la réalité au port de Montréal pour illustrer son propos.

Prenons l’exemple d’un camionneur qui transporte un conteneur du port de Montréal au débarcadère d’un grand détaillant qui importe de la marchandise.

Ce camionneur doit ensuite rapporter le conteneur vide au port de Montréal, dans la cour des boîtes vides, et ce, afin qu’il puisse servir à exporter une autre marchandise à l’étranger – la majorité du temps, il n’y a pas de marchandise à retourner vers le port sur le trajet emprunté par le camion.

Cela dit, durant la pandémie de la COVID-19, en quittant le port de Montréal lors d’un tel déplacement, il n’était pas toujours possible de retourner les boîtes vides sur le même site, ce qui forçait le camionneur à circuler à vide plus souvent que désiré, explique Marc Cadieux.

«Aujourd’hui, la situation est revenue à la normale, mais la forte demande pour des livraisons rapides fait en sorte que nos déplacements ne sont pas toujours optimaux», déplore-t-il.

Selon lui, les livraisons de produits à domicile par camions – qui se sont grandement développées depuis la pandémie – ne sont pas optimales, car les véhicules ne sont pas toujours pleins en raison des courts délais de livraison exigés par les consommateurs.

Enfin, Marc Cadieux fait remarquer que le mode de gestion de la production en juste à temps – entre deux entreprises – représente aussi tout un défi logistique, faisant en sorte que des camions peuvent aussi parfois ne pas être chargés à pleine capacité.

En ce qui a trait à une contribution kilométrique, Marc Cadieux souligne que les camionneurs font de plus en plus leurs parts, en citant l’évolution de l’effet estimé du Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission et de gaz à effet de serre (SPEDE) sur le prix du diesel.

En 2016, le SPEDE avait un impact de 4,8 cents le litre de diesel vendu au Québec. Or, en 2023, il a plus que doublé pour atteindre 11,2 cents, selon les données fournies par l’ACQ.

Marc Cadieux rappelle aussi qu’au début du mois de septembre, le premier ministre François Legault a fermé la porte à l’idée de créer une taxe kilométrique.