En créant un certificat qui exige environ trois heures de travail par semaine, qui se fait complètement en ligne et qui n’est pas crédité, l’Université Concordia a voulu favoriser son accessibilité au plus grand nombre. (Photo: Zahra Ahmadi pour Unsplash)
L’Université Concordia a créé un certificat en décarbonation de l’aérospatiale pour mettre à niveau les travailleurs du domaine aérospatial. Dix-huit personnes forment la première cohorte de ce nouveau programme de 15 semaines en formation continue. Les Affaires fait le point sur cette nouveauté qui pourrait faire des petits.
Selon la responsable du programme, Carole El Ayoubi, ce programme cible les professionnels dans le domaine de l’aérospatiale afin de leur permettre de transformer l’industrie aérospatiale en une industrie verte. «C’est notre contribution pour la protection de l’environnement», ajoute celle qui est également directrice de l’éducation à l’Institut de conception et d’innovation aérospatiales de Concordia (ICIAC).
En créant un certificat qui exige environ trois heures de travail par semaine, qui se fait complètement en ligne et qui n’est pas crédité, l’Université Concordia a voulu favoriser son accessibilité au plus grand nombre. Son objectif est de mettre à niveau des personnes qui sont déjà sur le marché du travail et qui voudraient avoir des connaissances de base en ce qui a trait au virage vert de l’industrie.
«La décarbonation en aérospatiale, c’est vraiment quelque chose de nouveau. Les cursus en génie traditionnel ne touchent pas à tout ce qui concerne la décarbonation, poursuit Carole El Ayoubi. Donc, il y a vraiment des lacunes dans les connaissances des ingénieurs qui travaillent déjà dans l’industrie.»
«Notre cours, je pense que c’est un niveau d’introduction, mais quand même avancé, parce qu’on va parler de la production des carburants alternatifs, de leur impact sur la planète, mais aussi des politiques [des États], de géopolitique…», conclut-elle dans le cadre d’une entrevue avec Les Affaires faite début novembre, quelques heures à peine avant le premier cours rassemblant tous les membres de la cohorte initiale.
Le programme est pour l’instant seulement disponible en anglais et coûte 1750$.
En phase avec l’industrie
Pour Mélanie Lussier, PDG d’Aéro Montréal, la grappe québécoise en aérospatiale, ce nouveau programme offert à Concordia, «est 100% aligné avec la transformation du secteur».
Elle rappelle qu’il y a trois ans, 119 États et l’Organisation de l’aviation civile internationale se sont engagés à être carboneutres d’ici 2050. Le secteur de l’aviation est responsable d’environ 2,5% des émissions mondiales de CO2.
Pour atteindre cette cible ambitieuse, il faut bien sûr «développer de nouvelles technologies, des nouveaux matériaux, des carburants», dit-elle, mais aussi s’assurer que la main-d’œuvre a les compétences et les connaissances nécessaires. «Il faut entraîner les gens puis recruter les bonnes personnes.»
Aéro Montréal a d’ailleurs pu conseiller l’ICIAC dans la conception du programme en leur faisant savoir les volontés des entreprises qui font partie de la grappe.
CAE est la première entreprise aéronautique canadienne à avoir atteint la carboneutralité, en 2020. Sa cheffe de la direction du développement durable, Hélène V. Gagnon, «voit d’un bon œil» la création du certificat, mais ajoute que «ça ne change pas notre stratégie», qui est d’être en phase avec les enjeux climatiques de notre époque pour répondre aux préoccupations des jeunes qui arrivent sur le marché du travail et qui veulent travailler dans un milieu qui a à cœur le développement durable.
C’est pourquoi CAE fait déjà des formations à l’interne sur la décarbonation et met l’accent sur cet aspect dans ses communications entre direction et personnel. «C’est un programme qui est en phase avec nos axes stratégiques. C’est clair qu’on va être impliqués d’une façon ou d’une autre», ajoute Hélène V. Gagnon. CAE est représentée au sein du comité consultatif de l’ICIAC et pourra donc suivre de près l’évolution du programme.
Un premier pas
Pour aller plus loin, Concordia et d’autres universités pourraient-elles faire d’autres certificats connexes? «On parle de créer des programmes qui viendraient après et qui seraient un peu plus spécialisés et qui vont vraiment répondre aux demandes de l’industrie», révèle Carole El Ayoubi.
À l’automne 2024, un autre certificat en formation continue sera d’ailleurs mis en place. Il concernera les technologies émergentes en aérospatiale.
Pour sa part, Mélanie Lussier, d’Aéro Montréal, appelle tout le milieu académique à se renouveler. «Les programmes d’ingénierie en aérospatiale vont devoir s’adapter [au virage vert]. L’ensemble des cursus, même collégiaux, vont devoir être revus», affirme-t-elle.
Elle est satisfaite de voir que ce premier certificat envoie un message sur «la cohérence au niveau du secteur [au Québec]. On se donne des objectifs ambitieux, et on a un beau jeu à jouer.»
Carole El Ayoubi estime aussi que la décarbonation est une orientation naturelle pour les ingénieurs d’aujourd’hui et du futur. «C’est des gens qui sont passionnés par l’innovation, donc c’est sûr qu’ils vont aimer trouver des solutions à ce défi. Je pense que c’est ça une grosse motivation derrière le virage vert.»