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Les États-Unis ont-ils été complaisants avec le Boeing 737 MAX?

AFP|Publié le 18 mars 2019

Le premier rapport d'expertise rendu par les ingénieurs de Boeing sur le MCAS est truffé d'erreurs «importantes».

Les Etats-Unis ont-ils été complaisants dans la certification du Boeing 737 MAX ? La question est désormais sur toutes les lèvres après les similitudes évoquées dimanche par les autorités éthiopiennes entre la tragédie d’Ethiopian Airlines et le drame de Lion Air cinq mois plus tôt.

Entré en service en mai 2017, le 737 MAX 8, une des variantes du 737 MAX, a connu deux drames rapprochés, une situation inédite pour un nouvel appareil.

Un 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines s’est écrasé le 10 mars au sud-est d’Addis-Abeba, faisant 157 morts, cinq mois après qu’un 737 MAX 8 de Lion Air s’est abîmé en mer de Java faisant 189 morts en octobre dernier.

Les enquêtes se poursuivent mais de premiers éléments concernant Lion Air ont mis en cause un dysfonctionnement du système de stabilisation en vol destiné à éviter un décrochage de l’avion, le MCAS.

«Lors de l’enquête sur l’enregistreur des paramètres (FDR – Flight data recorder), des similarités claires ont été notées entre le vol 302 d’Ethiopian Airlines et le vol 610 de Lion Air», a déclaré dimanche la ministre éthiopienne des Transports Dagmawit Moges, sans davantage de détails. Les soupçons se portent sur le MCAS.

S’il faudra encore attendre des mois pour connaître les causes définitives de ces accidents, les experts s’interrogent sur la certification du MCAS après que des pilotes américains ont indiqué de leur côté avoir rencontré des problèmes avec ce système.

Des employés de Boeing aux commandes

L’agence fédérale de l’aviation (FAA), le principal régulateur du transport aérien, est dans la ligne de mire parce que c’est elle qui autorise la mise en service des avions.

Mais depuis une dizaine d’années, elle a externalisé cette mission, la confiant aux constructeurs aéronautiques eux-mêmes et à des experts externes.

Selon cette nouvelle procédure baptisée ODA (Organization Designation Authorization), des employés de Boeing accrédités par la FAA aident le régulateur à approuver les appareils (conception, production, essais en vol, maintenance et différents systèmes) de leur employeur et à valider la formation des pilotes aux nouveaux avions.

Cette tendance s’est accélérée en raison de coupes budgétaires et de la hausse du volume de travail, ont indiqué à l’AFP des sources industrielles. Dans le cadre du 737 MAX, c’est la nécessité exprimée par Boeing de réduire au plus vite l’écart avec l’A320 Neo d’Airbus dans le moyen-courrier qui a pesé, selon elles.

Le premier rapport d’expertise rendu par les ingénieurs de Boeing sur le MCAS est truffé d’erreurs «importantes», a affirmé dimanche le journal Seattle Times.

A ce sujet, il y a eu des différences d’appréciations entre les personnels de la FAA du bureau de Seattle et le quartier général à Washington, la capitale fédérale, a indiqué à l’AFP dimanche une source gouvernementale.

«Le programme de certification du 737 MAX a suivi la procédure classique», s’est défendue la FAA, qui dispose de bureaux dans l’usine Boeing de Renton où est assemblé le 737 MAX, selon des sources concordantes.

Dennis Muilenburg, le PDG de Boeing, a affirmé dimanche que l’avionneur était «en train de finaliser» un correctif du MCAS. Des sources industrielles ont indiqué vendredi à l’AFP que celui-ci sera prêt dans une dizaine de jours.

Auditions ?

Peter DeFazio, le président de la commission parlementaire des Transports à la Chambre des représentants, envisage de lancer une enquête sur la certification du 737 MAX, selon des sources parlementaires, ajoutant que des auditions publiques de responsables de la FAA ne sont pas exclues.

«La crédibilité de la FAA et de Boeing est en jeu et au-delà c’est tout le système mondial de réciprocité en matière de certification des avions qui est en cause», estime Richard Aboulafia, expert aéronautique au cabinet Teal Group.

Après l’accident de Lion Air, la FAA avait demandé à Boeing de modifier les manuels de vol et de formation des pilotes «pour qu’ils puissent reconnaître et répondre» à des mouvements inattendus du MCAS.

Les pilotes avaient notamment exprimé des besoins d’informations et de formation par rapport à ce qui leur avait été fourni initialement.

Le 737 MAX a été certifié comme une nouvelle variante du programme 737 NG, malgré des différences majeures comme le moteur et le MCAS, selon des documents (TC/STC) disponibles sur le site de la FAA. Grosso modo, l’avion n’a pas été examiné dans son intégralité.

«Il y a peut-être besoin de réexaminer ce qui marche et ce qui ne marche pas (dans la procédure de certification) mais il ne faut pas le faire de manière émotive», préconisait Michel Merluzeau, expert chez AirInsight.