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Les États-Unis peuvent-ils encore attaquer la gestion de l’offre?

François Normand|Publié le 09 septembre 2019

EXCLUSIF - Le sous-secrétaire américain à l'Agriculture explique la position américaine sur la gestion de l'offre.

Dans la foulée de la renégociation de l’Accord Canada–États-Unis-Mexique (ACEUM), les Américains ne devraient pas exiger du Canada qu’il ouvre à nouveau son système de la gestion de l’offre (lait, œufs, volaille) dans un avenir prévisible.

C’est du moins ce qui ressort d’une entrevue exclusive réalisée à Montréal par Les Affaires avec le sous-secrétaire américain au Commerce et aux Affaires agricoles étrangères, Ted A. McKinney.

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«Tout accord commercial conclu est une bonne affaire. Et nous pensons que c’est sur la bonne voie», a-t-il déclaré en marge d’une mission commerciale agroalimentaire qu’il a pilotée la semaine dernière au Canada et au Québec.

Le sous-secrétaire américain au Commerce et aux Affaires agricoles étrangères Ted A. McKinney. (Photo: Les Affaires)

Le sous-secrétaire répondait à la question de Les Affaires lui demandant si Washington peut encore demander des concessions au Canada dans la gestion de l’offre, malgré la renégociation des termes du libre-échange avec le Canada.

Dans le nouvel ACEUM (l’ancien ALÉNA), le Canada a accepté d’ouvrir 3,59% du marché du lait et des produits laitiers canadiens aux produits des exportateurs américains.

Le système canadien repose sur quatre piliers (mais il n’y a aucune subvention):

 

  • la planification de la production pour répondre à la demande canadienne en lait, en oeufs et en volaille.
  • le contrôle des importations grâce à des tarifs douaniers élevés (de 200% à 300%).
  • la mise en place de politiques couvrant les coûts de production des agriculteurs
  • L’Organisation mondiale du commerce (OMC) tolère la gestion de l’offre canadienne, mais limite grandement le droit du Canada d’exporter ces trois produits.

 

De multiples concessions dans le gestion de l’offre

Ce système n’est pas immuable.

Le Canada a déjà fait des concessions sur la gestion de l’offre dans la négociation du l’Accord de Partenariat Transpacifique global et progressiste (l’ancien Partenariat Transpacifique).

Ottawa avait aussi ouvert davantage le système dans l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré à plusieurs reprises que «les États-Unis visaient l’élimination complète de la gestion de l’offre» dans le renégociation du libre-échange nord-américain, selon Radio-Canada.

En entrevue avec Les Affaires, le sous-secrétaire McKinney a indiqué qu’il ne savait pas si les États-Unis ont déjà essayé de «se débarrasser» complètement de la gestion de l’offre.

En revanche, il affirme que les États-Unis voulaient «plus de justice dans la manière dont sont gérés les produits laitiers dans la gestion de l’offre».

Selon Ted McKinney, les fermes laitières du nord des États-Unis éprouvent des difficultés depuis quelques années, notamment en raison des barrières à l’entrée de leurs produits au Canada.

Or, pendant ce temps, les exportations canadiennes de produits laitiers aux États-Unis ne cessent d’augmenter, à commencer par le beurre et la poudre de lait, explique-t-il.

«Si vous avez une gestion de l’offre pour le lait ou les produits laitiers, fantastique, mais s’il-vous plaît, gérez-la, c’est notre seule requête», insiste le sous-secrétaire.

Par exemple, de 2015 à 2018, les exportations canadiennes de beurre (incluant les matières grasses et les huiles de lait) aux États-Unis ont plus que doublé, passant d’une valeur de 3,1 à 6,9 millions de dollars canadiens, selon le Centre canadien d’information laitière.

Cela dit, Ted A. McKinney a tenu à souligner qu’il était au Canada pour relancer le commerce agroalimentaire (incluant le vin et les spiritueux) des deux côtés de la frontière.

Lors de sa mission au Canada, le sous-secrétaire était d’ailleurs accompagné des représentants de dix États américains (la Floride, l’Oregon, la Virginie, le Maine, le Maryland, Washington, la Géorgie, New York, la Louisiane et le Wisconsin) ainsi de plusieurs entreprises.

Le marché américain regorge de multiples occasions d’affaires pour les entreprises agroalimentaires canadiennes, en raison de la taille du marché américain, mais aussi en prévision de la croissance attendue de la population du pays.

Ainsi, entre 2014 et 2060, la population des États-Unis passera de 318,7 à 416,8 millions d’habitants, soit une hausse de 98,1 millions, selon le U.S. Census Bureau.