Malgré les pertes d’emplois, Québec pourrait aider Bombardier
La Presse Canadienne|Publié le 05 juin 2020Malgré d'autres licenciements chez Bombardier, Québec n'écarte pas la possibilité de voler au secours de l'entreprise.
Malgré d’autres licenciements chez Bombardier, Québec n’écarte pas la possibilité de voler au secours de l’entreprise au moment où sa division des avions d’affaires, vers laquelle elle effectue son recentrage, n’échappe pas aux turbulences provoquées par la COVID-19.
Des 2500 licenciements annoncés vendredi, soit plus de 11 % de l’effectif de sa division aviation, 1500 auront lieu au Québec et 400 autres en Ontario. Quelque 500 postes seront éliminés au Mexique, 40 aux États-Unis et 60 ailleurs dans le monde. La moitié des départs se feront d’ici la fin du mois.
«Si Bombardier a besoin d’aide supplémentaire, c’est le ministre de l’Économie (Pierre Fitzgibbon) qui va regarder cela, a dit le ministre des Finances, Eric Girard, en point de presse à l’Assemblée nationale. Et moi, je suis ouvert à ça. Bombardier, c’est extrêmement important pour le secteur aéronautique.»
Il y a environ un mois, le président et chef de la direction de l’avionneur, Éric Martel, en poste depuis le 6 avril, avait laissé entendre qu’il pourrait cogner à la porte des gouvernements dans le but d’obtenir un «soutien supplémentaire» si les effets de la pandémie continuent à se faire ressentir.
Un coup de pouce serait toutefois assorti de conditions, comme cela a été le cas pour le prêt de 200 millions $ US offert au Cirque du Soleil, a signalé M. Girard, en reconnaissant que la haute direction de Bombardier devra faire preuve de retenue en matière de rémunération en cas d’aide.
Mais pour les partis d’opposition, avant de recevoir des fonds publics, les dirigeants de Bombardier devront se présenter à l’Assemblée nationale afin d’expliquer ce qui a été fait avec les aides financières précédentes.
À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau s’est limité à reconnaître les obstacles qui se dressent devant le secteur aéronautique, notamment dans le marché des avions d’affaires, sans mentionner le nom de la multinationale.
Les licenciements chez Bombardier s’ajoutent aux mauvaises nouvelles ayant frappé l’industrie aérospatiale québécoise depuis le début de la pandémie. Plus de 1000 postes ont disparu à la suite de compressions chez Pratt & Whitney Canada, Héroux-Devtek, CAE ainsi qu’Airbus Canada.
La demande plonge
Après avoir vu ses activités manufacturières perturbées par le nouveau coronavirus, la multinationale devra ajuster sa production étant donné qu’elle anticipe une baisse des livraisons de l’ordre de 30% sur 12 mois en raison de la pandémie.
«Il est fort regrettable de devoir recourir à ces réductions, a expliqué le président de Bombardier Aviation, David Coleal, dans une note interne envoyée aux employés que La Presse canadienne a pu consulter. Cependant, nous avons atteint le maximum de notre capacité de maintenir nos niveaux d’emploi d’avant la crise de la COVID-19.»
La division des jets d’affaires de l’entreprise est très présente au Québec, où l’on effectue l’assemblage de la famille des Challenger et la finition du Global 7500, l’appareil sur lequel mise la société pour asseoir sa croissance. On y retrouve plus de 10 000 employés. Les usines de Dorval et de l’arrondissement montréalais de Saint-Laurent seront touchées.
La compagnie n’a pas voulu s’avancer sur sa nouvelle cadence, se limitant à dire qu’elle offrira plus de détails le 6 août en dévoilant ses résultats du deuxième trimestre. La restructuration se traduira par une charge de 40 millions $US.
«Pour Bombardier, nous anticipons une baisse de 35% des livraisons en 2020 en excluant le Global 7500 ou une chute de 20 % en incluant l’appareil», a expliqué l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, dans une note envoyée aux investisseurs.
L’an dernier, la société a effectué 142 livraisons de Global, Challenger et Learjet, soit cinq de plus qu’en 2018. Avant de mettre ses prévisions sur la glace en raison de la COVID-19, l’avionneur prévoyait 160 livraisons cette année.
Difficile à avaler
Pour le syndicat des Machinistes, qui représente 717 des employés touchés, la décision prise par Bombardier est «incompréhensible». À son avis, l’entreprise aurait pu se tourner vers la Subvention salariale d’urgence du Canada, comme elle l’a fait pour les mois d’avril et de mai, afin d’éviter cette vague de licenciements.
«C’est un moment où l’entreprise aurait pu aider les travailleurs, a expliqué le coordonnateur québécois David Chartrand, au cours d’un entretien téléphonique. Il y a un coût pour l’entreprise (comme les assurances collectives et le régime de retraite), mais une partie est absorbée par l’État. Bombardier n’est pas intéressée à poursuivre.»
Interrogé à ce sujet, un porte-parole de l’avionneur, Mark Masluch, a affirmé que les licenciements s’inscrivaient dans un ajustement d’effectif à long terme. La société continuera à se prévaloir de la subvention d’urgence pour ses travailleurs actifs.
Unifor estime que 390 de ses membres du centre de finition Global 7500 pourraient être affectés à compter de septembre. Le syndicat espère pouvoir éviter des licenciements grâce, par exemple, à des départs anticipés à la retraite.
Lundi, Bombardier avait conclu la vente de ses jets régionaux à Mitsubishi Heavy Industries pour 550 millions $US, concrétisant son départ du secteur de l’aviation commerciale après la cession de sa participation dans l’A220 plus tôt cette année. L’entreprise a également conclu une entente avec Alstom pour lui céder sa division ferroviaire.