Marc Bédard veut la fin de la règle du plus bas soumissionnaire
Olivier Schmouker|Publié le 08 novembre 2021Le président de Lion Électrique, Marc Bédard (Photo: Olivier Schmouker)
Le président et fondateur de la Compagnie Lion Électrique (LEV-NYSE, 13,20 $US), Marc Bédard, a demandé lundi l’abolition au Canada de la règle du plus bas soumissionnaire dans les appels d’offres publics.
«Cette règle encourage la production de biens dans des pays qui n’ont pas les mêmes critères sociaux et environnementaux que ceux en vigueur au Canada», a-t-il dit lors d’une conférence organisée par le Cercle canadien de Montréal au Centre Sheraton de Montréal.
«La règle du plus bas soumissionnaire incite à produire à l’étranger afin de diminuer les coûts de production, notamment là où les travailleurs n’ont guère de protection sociale. Si nous nous tenons comme société au Canada, nous devons refuser d’encourager, même indirectement, de telles pratiques», a ajouté M. Bédard devant une audience de quelque 180 personnes issues du milieu des affaires sur place et d’une centaine d’internautes connectés à la diffusion en ligne sur YouTube.
La règle du plus bas soumissionnaire stipule que l’État se doit d’accepter l’offre de l’entrepreneur qui présente le plus bas prix dans la cadre d’un appel d’offres public. Elle est en vigueur, entre autres, dans le secteur de l’approvisionnement des organismes publics et dans celui de la construction. Au Québec, elle a été vivement critiquée lors de la Commission Charbonneau, qui l’a désignée en 2015 comme «responsable en partie de la faible qualité de certains travaux publics».
Le président de Lion Électrique, un constructeur d’autobus et de camions électriques établi à Saint-Jérôme, a estimé en point de presse qu’une telle abolition était «parfaitement possible». Il a cité en exemple le cas de la Californie, où des appels d’offres publics se déroulent en deux temps. Tout d’abord, les candidatures sont évaluées selon des critères très stricts, et ne sont retenues que celles qui ont les meilleures notes. Ensuite, le contrat est attribué en fonction du prix soumis. «L’enveloppe des prix n’est ainsi ouverte qu’une fois les meilleures candidatures retenues. Ce qui change complètement la donne», a-t-il dit.
Vers un Buy Canadian Act?
«Le Canada devrait même se doter d’une sorte de Buy Canadian Act, un peu à l’image du Buy American Act de nos voisins du Sud», a ajouté Marc Bédard. Selon lui, cette mesure protectionniste devrait reposer sur quatre piliers:
1. Exiger la production sur le territoire canadien.
2. Imposer qu’une part «importante» du produit final soit d’origine canadienne.
3. Rendre obligatoire une production écoresponsable. «On devrait prendre en compte l’empreinte environnementale de la chaîne logistique complète du manufacturier», a-t-il indiqué.
4. Abolir la règle du plus bas soumissionnaire.
C’est que, selon le président de Lion Électrique, les entreprises canadiennes sont «désavantagées» par rapport à certaines entreprises étrangères lorsqu’elles tentent de décrocher un appel d’offre public au Canada. Il est ainsi possible à ces dernières de produire pour moins cher, «en offrant de moins bonnes conditions salariales à leurs employés».
Bien entendu, Marc Bédard pense avant tout à sa propre industrie, «qui n’a jamais eu autant le vent dans les voiles» depuis l’annonce de Québec, le 3 novembre, d’une enveloppe de 5 milliards de dollars pour l’achat d’autobus électriques. «Il faut que les fonds publics d’ici aient des retombées économiques pour les gens d’ici», a-t-il souligné.
Mairesses et maires « verts »
D’autant plus qu’il est «raisonnable», selon lui, de s’attendre à de prochaines annonces semblables à l’échelle municipale : «L’arrivée au Québec hier soir de nouvelles mairesses et de nouveaux maires “verts” — pour l’essentiel des élus âgés dans la trentaine qui vivent avec les changements climatiques depuis leur enfance — va sûrement donner un regain d’intérêt pour les autobus électriques et les camions de collecte électriques dans différentes municipalités », a-t-il estimé.
«Ces nouveaux élus sont, de toute évidence, une excellente nouvelle. Pour nous comme pour toute la société québécoise», a-t-il affirmé.