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Mexique: exporter par bateau devient plus intéressant

François Normand|Publié le 09 juin 2022

Mexique: exporter par bateau devient plus intéressant

Expédier un conteneur au Mexique par bateau à partir du port de Montréal peut coûter de 3000 à 5000 $ US (3760 à 6268 $ CA). (Photo: 123RF)

Exporter au Mexique par bateau prend beaucoup plus de temps que par camion. Malgré tout, des exportateurs québécois pourraient davantage choisir de le faire en raison de l’explosion des prix de l’essence et de la pénurie de camionneurs, affirment des sources de l’industrie.

«De 90 à 95% des exportations québécoises au Mexique se font par camion. Le transport par bateau demeure donc marginal, mais c’est une option intéressante et moins dispendieuse pour les entreprises qui ne sont pas pressées», dit Christian Sivière, président de Solimpex, une firme de consultants en commerce international.

Les expéditions maritimes qui partent du Québec à destination du Mexique sont souvent des intrants industriels et de la machinerie, mais rarement des produits agroalimentaires, sauf pour le vrac comme le blé — qui est transporté par bateau aux quatre coins de la planète.

Le Mexique est un marché très important pour l’économie québécoise.

En 2021, ce pays de près de 130 millions d’habitants était le quatrième marché d’exportation du Québec, après les États-Unis, la Chine et le Japon, selon Statistique Canada. Les expéditions des entreprises québécoises y ont totalisé 1,9 milliard de dollars (G$), devant celles en France à 1,7 G$.

L’an dernier, les cinq principaux groupes de produits exportés par le Québec au Mexique (peu importe le mode de transport) étaient de l’aluminium sous forme brute, des barres d’acier, des parties de véhicules automobiles, des dérivés du benzène (un hydrocarbure) et du porc.

 

Deux fois moins cher par bateau

Grosso modo, exporter au Mexique par bateau à partir du port de Montréal prend trois fois plus de temps que par camion, mais cette expédition coûte deux fois moins cher, selon Annie Duperron, déléguée commerciale chez la multinationale française Bolloré Logistiques Canada.

Expédier un conteneur au Mexique via le fleuve Saint-Laurent, l’Océan Atlantique (avec parfois des escales aux États-Unis) et le Golfe du Mexique peut prendre de 25 à 30 jours. Et cette expédition maritime peut coûter de 3000 à 5000 $ US (3760 à 6268 $ CA).

En revanche, expédier le même conteneur par camion jusqu’à sa destination au Mexique prend seulement de 7 à 10 jours. Ce transport peut toutefois coûter de 8000 à 10 000 $ US (10 028 à 12 535 $ CA) — cette estimation est conservatrice, car les prix des carburants augmentent rapidement.

Depuis un an (en date du 2 juin), le prix de l’essence dans les stations-service québécoises a bondi de 54%, passant en moyenne de 1,30 à 2,00 $ le litre, selon la Régie de l’énergie du Québec.

Aux États-Unis, de mai 2021 à mai 2022, le gallon d’essence (tous les grades confondus) a augmenté de 3,076 à 4,545 $ US, soit une hausse de 48%, d’après l’Energy Information Administration (EIA).

Le 8 juin, le gallon d’essence ordinaire frôlait même les 5 $ US, selon l’American Automotive Association (AAA).

Les prix des carburants pour les navires augmentent également, mais beaucoup moins vite que les prix à la pompe, souligne Vanessa Imoma, présidente et fondatrice d’Easy Freight, une firme de courtage en commerce international de Montréal.

Pourquoi? Parce que les transporteurs maritimes achètent habituellement leur mazout environ un an à l’avance. Cela dit, certains d’entre eux n’hésitent pas à facturer des surcharges de carburant à leurs clients dans le contexte actuel.

 

Pas de demande, pour l’instant

Actuellement, Annie Duperron et Vanessa Imoma disent ne pas avoir de demande supplémentaire de leurs clients québécois pour exporter au Mexique par bateau. Toutefois, elles estiment que ce n’est qu’une question de temps si les prix de l’essence continuent d’augmenter si rapidement.

«Malgré les délais supplémentaires, il y a certains exportateurs qui vont opter pour le bateau», estime Annie Duperron, en précisant que les routes maritimes Québec-Mexique existent déjà, qu’elles sont fonctionnelles et qu’elles sont bien rodées.

«Oui, je pense que des exportateurs pourraient choisir le bateau parce que les hausses des prix des carburants pour les camions sont plus immédiates que pour les bateaux», dit pour sa part Vanessa Imoma.

Étant donné les délais de livraison plus longs, il va sans dire qu’exporter au Mexique par bateau demande une plus grande planification et coordination logistique entre les exportateurs québécois et leurs clients mexicains, insiste Christian Sivière.

Par exemple, si le produit expédié du Québec rentre dans le processus de fabrication en juste à temps d’une entreprise manufacturière au Mexique, cette dernière doit donc le prévoir dans sa séquence de production.

«Comme les bateaux partent une fois par semaine du port de Montréal, c’est une gymnastique difficile», reconnaît Christian Sivière, d’autant plus que certaines entreprises mexicaines ne veulent pas constituer des stocks trop importants.

Cela dit, la crise des chaînes d’approvisionnement mondiales a dû habituer bien des entreprises sur tous les continents à jongler avec des délais supplémentaires, une logistique plus complexe et la nécessité de stocker, disent les spécialistes.

Vanessa Imoma souligne quant à elle que la douane mexicaine inspecte plus souvent la marchandise qui franchit la frontière mexicaine par bateau que par camion. Il s’agit donc d’un élément supplémentaire à considérer dans la planification logistique par bateau.

Outre le prix des carburants, Annie Duperron affirme que la pénurie de camionneurs en Amérique du Nord pourrait convaincre de plus en plus d’exportateurs québécois de choisir le transport maritime pour expédier de la marchandise au Mexique.

Et, plus surprenant, aux… États-Unis.

«J’ai un client québécois qui a de gros volumes d’exportation sur la côte est américaine et dans le Midwest. Actuellement, il expédie tout par camion aux États-Unis. Mais là, il songe à exporter la moitié par bateau, par l’océan Atlantique, en raison de la pénurie de camionneurs», dit-elle.