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Risque de conflit au CN-CPKC: «Ça va faire mal!»

François Normand|Mis à jour le 20 août 2024

Risque de conflit au CN-CPKC: «Ça va faire mal!»

La valeur quotidienne de la marchandise transportée par train au Canada s’élève à un milliard de dollars. (Photo: 123RF)

Les entreprises au Québec s’attendent à un scénario catastrophique si le transport ferroviaire est interrompu au Canada, ce jeudi, en raison d’une grève et d’un lockout au Canadien National et au CPKC (Canadien Pacifique Kansas City).

«Ça va faire mal si les deux principales compagnies de chemin de fer au pays sont en arrêt complet à compter de ce jeudi», dit Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise canadienne (FCEI), qui représente les PME dans l’ensemble du Canada et au Québec.

Ce mardi, le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, doit rencontrer à Montréal les parties patronale et syndicale pour tenter d’éviter le déclenchement d’une grève et d’un lockout qui paralyserait le transport ferroviaire au Canada.

Le cas échéant, cela affecterait aussi grandement nos échanges de marchandises avec les États-Unis, qui sont de loin notre principal partenaire commercial.

En Amérique du Nord, les réseaux du CN et du CPKC ont une configuration géographique de la forme d’un Y. Ils vont d’un bout à l’autre du pays, tout en se déployant dans un axe nord-sud qui relie le centre du Canada au golfe du Mexique via le Midwest américain.

1G$ de marchandises transportées par jour

La FCEI n’a pas chiffré les répercussions économiques d’une interruption du service ferroviaire du CN et du CPKC, qui affecterait le transport interprovincial, sans parler des exportations et des importations de milliers d’entreprises.

En revanche, comme la valeur quotidienne de la marchandise transportée par train au Canada s’élève à un milliard de dollars, l’incidence sera assurément très importante sur les petites et moyennes entreprises, fait remarquer Jasmin Guénette.

«Pas moins de 98% des entreprises sont des PME au Canada, souligne-t-il. On les retrouve dans la plupart des secteurs, comme l’agriculture, le secteur manufacturier, le commerce de détail ou la construction.»

Autant d’entreprises qui auraient de la difficulté à s’approvisionner en intrants ou à distribuer leurs produits finis au Canada et aux États-Unis, explique Jasmin Guénette.

C’est la même inquiétude du côté du Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui appréhende l’incidence d’une interruption du transport ferroviaire sur les chaînes logistiques des entreprises (approvisionnement, production, commercialisation).

«Des centaines de millions» par jour en coûts

«Ça coûterait plusieurs centaines de millions de dollars par jours à nos entreprises», estime le président et chef de la direction du CPQ, Karl Blackburn.

L’organisme n’a pas non plus chiffré avec précision les conséquences d’une interruption du service ferroviaire du CN et du CPKC. Citant le même chiffre que la FCEI (1 G$ de marchandises transportées par jour), il fait toutefois remarquer qu’une interruption du service ne peut qu’avoir une incidence majeure sur l’économie.

Karl Blackburn rappelle qu’environ 75% des objets que l’on retrouve autour de nous, dans notre résidence ou sur notre travail, ont été acheminés par train.

Le CPQ craint donc des ruptures importantes de stock (intrants, ressources naturelles, équipements, produits finis, etc.) dans plusieurs secteurs de l’économie, et ce, du secteur pharmaceutique à l’industrie forestière en passant par le secteur minier.

«Ça vient menacer la stabilité économique, mais aussi la santé des citoyens, s’il manque par exemple certains médicaments importants», fait remarquer Karl Blackburn.

Alternatives coûteuses et longues

Le pire dans ce contexte, c’est que les alternatives au transport ferroviaire au Canada sont peu nombreuses, selon la FCEI et le CPQ.

Certes, il y a le camion et le bateau, mais ce n’est pas une panacée. Il faut souvent planifier ces services, sans parler des coûts et des délais supplémentaires pour utiliser ces modes de transport.

Bref, certaines entreprises arriveront sans doute à trouver des alternatives, mais cela ne sera pas une mince affaire.

C’est pourquoi la FCEI et le CPQ demandent au gouvernement fédéral d’intervenir pour tenter d’éviter le déclenchement d’un conflit de travail, voire limiter sa durée dans le temps si on ne peut l’empêcher.

Deux options sont sur la table, selon Jasmin Guénette et Karl Blackburn: l’adoption d’une loi spéciale ou l’arbitrage exécutoire.

La première option est complexe, car elle nécessite le retour au parlement de tous les députés.

La seconde est d’ailleurs celle privilégiée par la FCEI et le CPQ. L’arbitre entendrait les deux parties, pour ensuite imposer un compromis raisonnable, imposant de facto un nouveau contrat de travail.