Le plus grand transporteur du pays a annoncé mercredi soir qu’il supprimerait plus de 15% de ses vols en juillet et août, dans un contexte où le réseau de vols du pays croule sous une recrudescence écrasante des voyages. (Photo: Getty Images)
Les défenseurs des droits des consommateurs exigent une compensation d’Air Canada pour les centaines de milliers de passagers dont les vols d’été sont annulés — mais les intentions de la ligne aérienne à ce sujet restent toujours incertaines.
Le plus grand transporteur du pays a annoncé mercredi soir qu’il supprimerait plus de 15% de ses vols en juillet et août, dans un contexte où le réseau de vols du pays croule sous une recrudescence écrasante des voyages.
Cette décision verra plus de 9500 vols, soit 154 par jour en moyenne, supprimés du programme de la compagnie aérienne — lequel fonctionne déjà à seulement 80% des niveaux d’avant la pandémie. Les vols relient principalement les centres de la compagnie aérienne à Toronto et à Montréal et empruntent des routes nationales ou canado-américaines. Aucun vol international autre que ceux vers les États-Unis ne faisait partie des annulations.
«Ce week-end de la fête du Canada sera difficile», a affirmé le chef de la direction, Michael Rousseau, aux employés dans une note datée de jeudi et obtenue par La Presse Canadienne.
«J’aimerais pouvoir vous promettre que les mesures que nous prenons se traduiront par un été facile. Bien qu’elles apporteront certainement un certain soulagement, cela prendra du temps et des efforts et nous ne discernerons probablement pas tous les avantages avant la dernière partie de juillet.»
Sylvie De Bellefeuille, avocate au sein du groupe québécois Option consommateurs, affirme que les clients sont «absolument» redevables d’une indemnisation en vertu de la charte canadienne des droits des passagers.
Le Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA), qui est entré en vigueur en 2019, exige une indemnisation — distincte des remboursements — d’entre 400$ et 1000$ pour une annulation ou un retard «sous le contrôle du transporteur», si le voyageur choisit de ne pas faire une nouvelle réservation, et, dans certains cas, même s’ils acceptent de le faire.
«Je crois que c’est la décision d’Air Canada d’annuler les vols, a affirmé Mme De Bellefeuille. Par conséquent, les gens devraient avoir droit à une indemnisation.»
Alors que M. Rousseau s’est excusé pour les annulations de vols et les «défaillances du service à la clientèle», le grand patron a également déclaré dans un courriel aux voyageurs que la réduction des horaires découlait de tensions sur le «système aéronautique mondial» — ce qui serait hors du contrôle d’Air Canada — les qualifiant de «sans précédent et imprévues».
Air Canada dit qu’elle respectera le RPPA
Gabor Lukacs, président du groupe de défense des Droits des voyageurs, a estimé que les compagnies aériennes avaient «survendu leur capacité» dans le but de récupérer le plus possible deux ans de résultats négatifs.
«Même s’il y avait des sièges physiquement disponibles dans l’avion, il n’y avait pas de pilote, il n’y avait pas d’agents de bord, il n’y avait pas d’agents d’embarquement», a-t-il affirmé, ajoutant qu’une pénurie d’agents fédéraux de sécurité et de douane posait encore plus de problèmes.
«Ce sont des annulations qui sont sous le contrôle du transporteur […]. Les compagnies aériennes peuvent prétendre le contraire, mais ces affirmations ne tiennent pas la route.»
Air Canada a expliqué dans un courriel que les clients seraient automatiquement avisés des annulations, «et ce processus est en cours».
«Nous sommes en mesure de procéder immédiatement à une nouvelle réservation dans certains cas, tandis que pour d’autres, nous continuerons à rechercher des alternatives et les informerons si des options devenaient disponibles», a précisé le porte-parole, Peter Fitzpatrick.
Les clients peuvent demander un remboursement à tout moment, a-t-il précisé.
Air Canada n’a pas répondu aux questions cherchant à savoir si les annulations étaient en son contrôle, mais a affirmé qu’elle «respecterait ses obligations en vertu du RPPA.»
Le soudain retrait des vols contraste avec l’approche de WestJet Airlines, dont le chef de la direction a indiqué à La Presse Canadienne qu’il avait progressivement réduit son horaire d’été tout au long du printemps pour finalement offrir 32% moins de voyages à destination et en provenance de l’aéroport Pearson de Toronto en juillet qu’en 2019.
L’action d’Air Canada a chuté de 1,03$, soit 6% pour clôturer jeudi à 16,04$. Elle valait plus de 21$ au début du mois.
Jacques Roy, professeur de gestion des transports à l’école de commerce HEC Montréal, a souligné que les revenus de l’entreprise montréalaise en pâtiraient, même si le regroupement des passagers sur un moins grand nombre de vols augmenterait son efficacité.
«Ce n’est certainement pas une bonne nouvelle pour Air Canada. C’est leur haute saison — c’est le trimestre le plus lucratif de l’année, et depuis trois ans, il est négatif», a-t-il dit.
Au moins 400 000 passagers seront probablement touchés, a-t-il ajouté.
Un stress pour les voyageurs
Cathy Gray a réservé pour un voyage en famille en Écosse il y a des mois et a déjà vu son vol reporté une fois.
«Nous avons réservé et payé une location de voiture et un hébergement et redoutons ce qui pourrait arriver à nos horaires de vols d’août et septembre et l’effet domino sur nos plans», a-t-elle expliqué.
«Tout cela aurait pu être évité si les compagnies aériennes n’avaient pas été aussi gourmandes. C’est une honte.»
Le volume d’angoisse des passagers était évident sur le site web d’Air Canada, qui était inondé de requêtes de voyageurs voulant vérifier l’état de leur vol estival.
«Nous rencontrons actuellement des problèmes techniques qui peuvent vous empêcher de récupérer votre réservation en ligne», indiquait mercredi soir une alerte en haut de la page d’accueil du site de la compagnie aérienne.
En vertu de la réglementation fédérale, les passagers ont droit à des arrangements de voyage alternatifs ou à un remboursement — au choix du voyageur — s’ils ont été informés plus de deux semaines à l’avance que leur vol a été annulé ou retardé de trois heures ou plus pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur.
Si le voyage a été annulé dans les 14 jours ou moins, les passagers doivent recevoir 1000$ pour une annulation ou un retard d’au moins neuf heures, et entre 400$ et 700$ pour des retards d’entre trois et neuf heures.
Quelle que soit la durée du préavis, un passager qui choisit de refuser une nouvelle réservation devrait recevoir 400$ d’indemnisation, en plus d’un remboursement.
La compagnie aérienne doit s’efforcer de faire une nouvelle réservation aux passagers sur un vol de son réseau qui décolle dans les neuf heures suivant l’heure de départ initiale. S’il ne peut pas, il doit proposer de faire la réservation sur un autre réseau aérien «dès que possible», et gratuitement, selon la charte des droits des passagers.