La grande majorité des 55+ demeurent encore sur le marché du travail. Ce qui leur laisse en poche plus d’argent pour leurs dépenses discrétionnaires telles que l’achat d’un véhicule, les voyages et autres loisirs. (Photo: 123RF)
AÎNÉS. Qu’on la désigne comme « marché des aînés », « économie des séniors » ou tout simplement « économie des 55+ », la catégorie des consommateurs séniors est en constante redéfinition depuis 20 ans. Cela se poursuit avec l’arrivée des mi-cinquantenaires de la génération X, qui grossissent les rangs depuis 2020.
« Les “vieux” d’aujourd’hui réinventent littéralement le concept de la vieillesse », note Caroline Roy, vice-présidente et associée au sein de la firme Léger. Ils sont plus actifs, plus engagés, plus avertis, plus décisionnels, et surtout plus nombreux à détenir le meilleur pouvoir d’achat au pays. « Les boomers avaient déjà amorcé ce virage il y a une vingtaine d’années. C’est maintenant au tour de la génération X, née entre 1965 et 1980, de venir dynamiser ce marché pour les prochaines années », ajoute l’analyste de marchés.
Foi de Statistique Canada, cette génération n’arrive pas à ce stade de la vie les mains vides. Depuis au moins deux ans, la valeur nette moyenne des ménages formés par la génération X se situe à un plus de 1,4 million de dollars (M $), selon l’organisme. « Elle surpasse celle de toutes les catégories d’âge au pays. Y compris les boomers, qui détenaient ce titre depuis des décennies », fait remarquer David-Alexandre Brassard, économiste en chef de CPA Canada.
Bien entendu, ce ne sont pas tous les membres de la génération X qui sont millionnaires en matière de valeur. Il s’agit d’une moyenne qui ne reflète pas les inégalités entre les diverses régions et provinces canadiennes. N’empêche que cette donnée montre clairement la tendance et la trajectoire de la richesse générationnelle au Canada. La génération X est désormais la plus prospère des tranches d’âge au pays. Et elle dépense.
Plus d’argent pour les loisirs
Il faut savoir que plus de 60 % de ces consommateurs âgés de plus de 55 ans qui sont propriétaires ont entièrement payé leur maison ou condo, signale Mitch Strohminger, directeur de l’analyse des marchés au Groupe CoStar. « Ils sont donc beaucoup moins touchés par les hausses drastiques des taux hypothécaires au lendemain de la pandémie qui touche actuellement plus de quatre propriétaires sur cinq chez les plus jeunes acheteurs », soulève l’économiste.
De plus, la grande majorité des 55+
demeurent encore sur le marché du travail. Ce qui leur laisse en poche plus d’argent pour leurs dépenses discrétionnaires telles que l’achat d’un véhicule, les voyages et autres loisirs, soutient-il.
La revanche de la génération oubliée
Ce pouvoir d’achat ne semble pas, pour autant, influencer le comportement marketing des entreprises et des grandes agences à l’égard des 55+, note toutefois l’expert en marketing, Jacques Nantel. « L’industrie du marketing, ici comme ailleurs dans le monde, fait encore la même erreur qu’il y a 30 ans. Personne ne semble avoir appris la leçon », annonce l’ex-professeur de HEC Montréal.
« À l’exception des fabricants de produits et de services médicaux qui s’adressent principalement à cette clientèle, ou encore des maisons funéraires et des résidences pour aînés, la majorité des entreprises, quelle que soit leur nature, ne courtise toujours pas de façon efficace cette clientèle qui est pourtant la plus aisée financièrement », estime-t-il.
Les agences de marketing continuent de s’obstiner à vouloir séduire les jeunes générations, prétextant que la valeur de vie du consommateur est plus élevée chez ces dernières que chez les clientèles plus matures. « Il y a 30 ans, les entreprises pouvaient arguer que mener diverses campagnes pour cibler chaque segment de la population coûtait cher. Un argument qui ne tient plus la route avec les médias sociaux et autres plateformes qui ont transformé le marketing. Les entreprises ont désormais les outils pour cibler les consommateurs de l’économie 55+ », soutient Jacques Nantel.
« En fait, conclut cet expert, non seulement les entreprises devraient mieux cibler les 55+ d’aujourd’hui, mais elles ont intérêt à se préparer pour l’arrivée des millénariaux, qui se joindront à cette importante catégorie économique… d’ici 12 ans. »
En attendant, quelques entreprises ont déjà commencé à s’adapter. Bank of America en est un bel exemple. À l’automne dernier, l’institution financière a annoncé qu’elle investirait massivement ses avoirs dans des entreprises qui desservent les X et les boomers, notamment les entreprises médicales, mais aussi les complexes hôteliers, les croisières, sans oublier les cartes de crédit.