Douze centres d’achats ont recueilli les images de 5 M de visages
La Presse Canadienne|Publié le 30 octobre 2020Les Galeries d’Anjou et le Carrefour Laval ont utilisé cette technologie.
Cinq millions d’images de visages de personnes ont été recueillies dans 12 centres commerciaux à travers le Canada à l’insu ou sans le consentement des clients, selon des organismes de surveillance de la vie privée.
Dans une enquête menée par le gouvernement fédéral, l’Alberta et la Colombie-Britannique, les commissaires à la protection de la vie privée ont découvert que la société immobilière commerciale Cadillac Fairview avait intégré de petites caméras équipées de la technologie de reconnaissance faciale dans des bornes d’orientation numériques.
Les Galeries d’Anjou et le Carrefour Laval figurent dans la liste des 12 centres commerciaux où la technologie a été utilisée.
Cadillac Fairview a déclaré aux organismes de surveillance que l’objectif était d’analyser l’âge et le sexe des acheteurs, et non d’identifier les individus.
L’entreprise a également déclaré qu’elle ne collectait pas d’informations personnelles, car les images avaient été brièvement analysées puis supprimées.
Cependant, les commissaires ont déclaré jeudi que l’entreprise avait collecté des données personnelles à la mi-2018 et avait enfreint les lois sur la protection de la vie privée en ne parvenant pas à obtenir un consentement significatif.
L’enquête a également révélé que des informations biométriques sensibles générées à partir des images étaient stockées dans une base de données centralisée par un tiers.
Cadillac Fairview ignorait l’existence de la base de données d’informations biométriques, ce qui a aggravé le risque d’utilisation par des parties non autorisées ou, en cas de violation de données, par des acteurs malveillants, ont conclu les commissaires.
« Les visiteurs n’avaient aucune raison de s’attendre à ce que leur image soit saisie par une caméra discrète ou qu’elle soit utilisée, au moyen de la technologie de reconnaissance faciale, à des fins d’analyse », a déclaré Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
« L’absence de consentement valable était particulièrement préoccupante compte tenu de la nature sensible des données biométriques, qui sont une caractéristique unique et permanente de notre corps et un élément clé de notre identité. »
Cadillac Fairview a également conservé environ 16 heures d’enregistrements vidéo, dont certains contenaient de l’audio, qu’elle avait captés lors d’un test de la technologie dans deux centres commerciaux.
Les commissaires n’ont découvert aucune preuve que les informations recueillies avaient été utilisées à des fins d’identification.
Cadillac Fairview a déclaré que tout consentement requis avait été obtenu via sa politique de confidentialité, une position que les commissaires ont rejetée.
Le langage de la politique était trop large et enfouie dans une « politique de confidentialité ou des modalités d’utilisation n’est en réalité d’aucune utilité aux personnes qui ont peu de temps et d’énergie à consacrer à leur analyse », selon le rapport d’enquête.
Les commissaires ont également noté que, bien que les acheteurs aient été invités, par des autocollants affichés aux entrées des centres commerciaux, à visiter les points de service à la clientèle pour obtenir une copie de la politique de confidentialité de Cadillac Fairview, lorsque les enquêteurs ont questionné un employé de l’un des centres commerciaux sur cette politique, l’employé semblait confus au sujet de la demande et n’avait pas d’exemplaire de la politique en matière de renseignements personnels.
Les commissaires ont commencé à examiner la question après des reportages journalistiques.
En réponse à l’enquête, l’entreprise a retiré les caméras de ses bornes d’orientation numériques et n’a actuellement aucun projet de réinstaller la technologie, selon le rapport.
Les commissaires ont ajouté, cependant, qu’ils demeurent préoccupés par le fait que Cadillac Fairview a refusé leur demande de s’engager à s’assurer que les acheteurs obtiennent un consentement valable et significatif si elle choisissait d’utiliser la technologie à l’avenir.
Les résultats « sont un signal d’alarme concernant le manque de transparence et de responsabilité pour l’utilisation de ces technologies », a déclaré Brenda McPhail de l’Association canadienne des libertés civiles.
Cette enquête soutient également l’appel de l’association à un moratoire sur les technologies de surveillance faciale jusqu’à ce qu’il y ait un débat ouvert sur la façon dont les utilisations de cette technologie s’alignent avec les valeurs du public et les droits à la vie privée, a-t-elle ajouté.