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Faillites sous la loupe et apprentissages en cadeau

Valérie Lesage|Publié le 08 octobre 2020

Faillites sous la loupe et apprentissages en cadeau

Les deux approches dans chacun des livres sont complètement différentes; les univers aussi, mais tout aussi riches en apprentissages. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Cet automne, deux ouvrages exceptionnels dans l’univers entrepreneurial québécois arrivent en librairies. J’écris «exceptionnels» parce qu’ils parlent de l’échec et brisent ainsi un tabou. 

Le sujet n’est pas à la mode chez nous au Québec ; il est d’habitude caché sous la honte. 

Alors, il faut remercier Alexandre Taillefer et Caroline Néron d’avoir le courage et la générosité de partager publiquement l’autopsie de leurs déconvenues en 2019 et apprécier la valeur de leurs apprentissages. Je suis de ceux qui croient que nous apprenons davantage des revers que des succès, quand on prend le temps d’une analyse. 

Je déclare tout de suite que j’ai travaillé à l’écriture de Néron Inc. La force de l’épreuve avec Mme Néron ; j’ai donc eu l’occasion de plonger en profondeur, à la fois dans la spirale de l’échec d’une entreprise, et dans le maelstrom d’émotions qui habitent l’entrepreneur dans une épreuve aussi intense. 

J’avais hâte de lire Réinventer le taxi – Les dessous de l’échec de Téo Taxi, écrit par Alexandre Taillefer et Jean-François Ouellet, professeur à HEC, pour comprendre le flop. 

Les deux approches dans chacun des livres sont complètement différentes ; les univers aussi, mais tout aussi riches en apprentissages. 

L’histoire de Téo est écrite et analysée de manière très factuelle et rationnelle, sans égard aux états d’âme d’Alexandre Taillefer dans la tourmente de la chute. 

L’histoire de Caroline Néron, de son côté, démontre l’impact des erreurs dans l’entreprise, tout en posant un regard sincère sur les émotions vécues et sur les blessures collatérales dans la vie de l’entrepreneure.  

Le livre sur Téo Taxi examine une industrie et un environnement réglementaire et politique complexes qui ont été défavorables aux grandes innovations proposées par l’entreprise. Je retiens en particulier que Téo Taxi proposait tant de nouveautés que le risque aurait dû être mitigé en testant à petite échelle plutôt que de tout déployer en même temps et de devoir s’esquinter à solutionner trop de problèmes à la fois, en créant déception et insatisfaction chez les clients et les chauffeurs. 

L’autre grande erreur, c’est d’avoir lancé Téo avant que des changements réglementaires dans l’industrie du taxi rendent le contexte plus favorable au projet. On s’est aussi fié à des voitures électriques dont l’autonomie en contexte hivernal n’était pas connue. En d’autres mots, Alexandre Taillefer et ses acolytes ont péché par optimisme.  

C’est là un point de convergence avec Caroline Néron, dont l’optimisme longue durée et grand format, l’a poussée au meilleur, tout en l’empêchant de mieux capter les voyants rouges sur le tableau de bord au début des difficultés. Avec le recul, elle se serait placée sous la protection de la Loi sur les faillites et l’insolvabilité plus tôt, pour procéder à la restructuration du modèle d’affaires et augmenter ses chances d’éviter la faillite. Elle reconnaît toutefois que lorsque c’est arrivé, elle en aurait été incapable.  

Le rêve, l’ambition et l’optimisme des entrepreneurs sont parmi leurs plus grands atouts parce qu’ils donnent la force d’accomplir, mais comment les tempérer pour qu’ils ne deviennent pas un talon d’Achille ? Il y a quelque chose à bâtir dans son entourage pour assurer ses arrières. Et là, on comprend que dans les deux cas, il y a eu des difficultés. Le laxisme dans les équipes a fait perdre beaucoup d’argent aux entrepreneurs. Ils l’ont observé tous les deux, et à la fin, ils en prennent la responsabilité, humblement. 

L’importance de bien s’entourer est une recommandation souvent faite en affaires. Comment y arriver ? Des tests psychométriques aident à vérifier les complémentarités, l’intuition et les valeurs sont des guides, la vérification des références un complément, le dialogue ouvert avec l’entourage une forme de protection, tout comme les évaluations 360. 

Il n’y aura jamais de garantie en matière humaine, mais des remparts plus solides sont possibles. Sans doute que le travail sur soi, en tant que leader qui apprend à bien se connaître et à développer ses potentiels, représente aussi une autre partie de la solution. Mieux on se connaît, mieux on s’entoure ? Ça se pourrait, qu’en pensez-vous ?  

Et dites-vous que si vous vivez l’échec, c’est difficile, mais c’est aussi une occasion d’apprendre et de devenir meilleur, la prochaine fois.