Nike, L’Oréal, Lululemon et Starbucks se sont adaptées au «new normal», dit un spécialiste en commerce de détail.
Même si l’économie chinoise redémarre difficilement, plusieurs détaillants en Chine qui ont su s’adapter à la «nouvelle normalité» réussissent à se démarquer et à relancer leurs ventes, à commencer par Nike, L’Oréal, Lululemon et Starbucks.
Voilà l’une des conclusions d’une récente analyse effectuée par Charles de Brabant, directeur exécutif de l’École Bensadoun du commerce de détail à l’Université McGill, à propos des leçons que nous pouvons tirer de la Chine pour la réouverture progressive du commerce de détail en Amérique du Nord.
M. de Brabant, qui a vécu 10 ans en Chine et près de 15 ans en Asie, souligne d’emblée qu’il faut «être prudent dans l’interprétation de ce qui s’y passe et dans les extrapolations que l’on peut faire pour le monde occidental».
D’une part, parce que la Chine dispose d’une plateforme numérique (digital contact tracing), qui permet au gouvernement de suivre l’historique des contacts de chaque citoyen pour d’éventuelles transmissions de la Covid-19.
D’autre part, parce que la confiance des consommateurs chinois dans l’après-crise est supérieure à celle des Occidentaux, selon un rapport publié en avril par le cabinet McKinsey (A global view of how consumer behavior is changing amid COVID-19).
Ainsi, 55% des Chinois se disent optimistes quant à la reprise économique, comparativement à 41% pour les Américains, mais seulement de 10% à un peu plus de 20% pour les Canadiens et les Européens.
Pour autant, M. de Brabant souligne que «nous ne voyons qu’un retour progressif à la normalité dans le commerce de détail» en Chine.
À la mi-mars, de 85 à 95% de tous les formats de magasins étaient ouverts en Chine. Par contre, l’achalandage dans les centres commerciaux ne représentait que 30% de son niveau d’avant la pandémie.
Autre donnée pertinente : si 90% des magasins de vêtements sont ouverts dans le pays, leurs ventes (magasins, sites web, etc.) n’étaient encore qu’à 50% de leur potentiel d’avant la crise.
Les solutions numériques explosent
En fait, selon M. de Brabant, dans l’ensemble de l’économie chinoise, les détaillants qui restent «attractifs» sont les marques qui ont adopté des solutions numériques. «Les ventes numériques ont augmenté de manière significative dans toutes les catégories pendant la pandémie», écrit-il.
Ainsi, les entreprises qui ont lancé ou amélioré les nouveaux canaux d’interactions avec les consommateurs ont récolté le fruit de leurs efforts.
Par exemple, Nike, qui a augmenté ses ventes en ligne de 36%, a utilisé les services de blogueurs sur Taobao (un site d’achat en ligne, propriété d’Alibaba) pour relancer ses activités en Chine.
En fait, selon McKinsey, les détaillants ont tout intérêt à changer de paradigme: «Plutôt que de demander quels sont les avantages de leur présence digitale qu’on peut utiliser dans le réseau physique, les détaillants devraient se demander comment leur présence physique peut soutenir les ventes numériques.»
Mobiliser, ravir, surprendre
Selon M. de Brabant, une autre stratégie semble être efficace, soit la mise en oeuvre d’initiatives axées sur les consommateurs «qui engagent, ravissent, surprennent et montrent que l’on se soucie d’eux».
Le 8 mars, lors de la Journée internationale de la femme, des marques internationales comme L’Oréal, Shiseido et Lululemon, grâce à des initiatives axées sur le consommateur, ont vu leur chiffre d’affaires augmenter considérablement par rapport à 2019.
«Une initiative intéressante a été celle de Chando, une marque de beauté chinoise locale», fait remarquer M. de Brabant.
Cette entreprise a lancé un court-métrage numérique sur la femme Mulan moderne (Mulan est une guerrière des légendes chinoises, dont Disney vient de lui consacrer un film) axé sur les héroïnes de la Covid 19, et ce, des professionnelles de la santé aux aides communautaires en passant par les policières et les bénévoles.
Selon le Jing Daily, une publication chinoise spécialisée dans l’industrie du luxe, ce court-métrage avait déjà récolté 7,4 millions de vues au 10 mars.
Les leçons de Starbucks en Chine
Comme la plupart des détaillants, Starbucks a pâti de la pandémie de la Covid-19 en janvier et février en Chine.
Au début d’avril, la société a annoncé qu’elle avait rouvert 95% de ses établissements dans le pays, et ce, avec des réductions heures et places limitées conformément aux réglementations locales.
Si les ventes baissent toujours, elles diminuent toutefois de moins en vite, note M. de Brabant.
«En février, les ventes des magasins comparables ont diminué de 78%, suivi d’une légère amélioration en mars avec une baisse des ventes de 64%. On note néanmoins que la dernière semaine de mars a vu les ventes baisser de seulement 42%, indiquant 7 semaines d’amélioration successive», précise-t-il.
Pour améliorer ses performances commerciales pendant la crise, Starbucks a mis les bouchées doubles sur les commandes mobiles en Chine.
Au cours de la dernière semaine de février, elles ont représenté environ 80% du mix des ventes, avec 30% de commandes en ligne et de livraisons à domicile, et 50% de commandes et paiements mobiles avec ramassage à la porte du magasin. Au cours de la dernière semaine de mars, avec le retour du trafic en magasin, les commandes mobiles représentaient toujours 27% du mix des ventes de Starbucks.
«Ces leçons en matière de sécurité et d’hygiène, de commerce numérique, et de nouvelles options de ramassage sont en train d’être mises en place dans leurs opérations nord-américaines», souligne M. de Brabant.