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Le commerce de détail bousculé par la COVID-19

La Presse Canadienne|Publié le 02 novembre 2020

L’écosystème de la mode cherche des solutions et poursuit notamment un virage entamé depuis peu, le suprarecyclage.

Le nouveau coronavirus est venu bousculer le secteur du commerce de détail, qui était déjà aux prises avec d’importantes baisses des ventes en raison de la progression du commerce en ligne, sans parler du marché de seconde main.

Il a fait ses ravages au Québec. Le vendredi 23 octobre, Le Château a annoncé sa fermeture, tandis que Reitmans, ALDO, Groupe Dynamite et Frank & Oak ne sont que quelques-unes des enseignes qui se sont placées à l’abri de leurs créanciers au cours des derniers mois.

Selon un rapport publié en 2019 par l’Observatoire de la consommation responsable (OCR) de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et Kijiji, 82 % des Canadiens ont participé à l’économie de seconde main, qui regroupe majoritairement l’achat et la vente d’articles d’occasion en ligne.

La valeur de ces transactions était évaluée à 27,3 milliards $. La majorité de ces transactions visaient des vêtements, des chaussures et des accessoires, représentant 30 % de tous les objets vendus, d’après l’OCR.

L’OCR démontre que les jeunes sont les plus actifs au sein de l’économie de seconde main; l’organisme indique que 88 % des personnes âgées de 45 ans et moins y participent.

C’est ce qui a convaincu Isabelle Gauvin, fondatrice de la Boutique Afterme de lancer son entreprise à la mi-octobre.

La styliste s’est vue obligée de cesser ses activités en raison de la nouvelle situation mondiale. « De mars à juillet, tout a été arrêté, dit-elle. J’observais le comportement des jeunes et ils achetaient beaucoup sur internet. C’est là qu’a germé l’idée de créer une plateforme pour la revente de vêtements haut de gamme. »

Elle croit qu’acheter un habit de qualité et bien choisi permet de le garder plus longtemps. Avec le temps, l’article prend même de la valeur, dit-elle, citant en exemple la surenchère des espadrilles des années 90.

Elle prône l’idée d’avoir un vestiaire efficace avec quelques pièces qu’on va porter souvent. Même en tant que styliste elle n’a pas de « garde-robe qui déborde ».

Des pistes de solutions durables

L’écosystème de la mode cherche des solutions et poursuit notamment un virage entamé depuis peu, le suprarecyclage, aussi appelé « surcyclage » ou « upcycling » en anglais. La démarche du suprarecyclage consiste à transformer un vêtement au lieu de le jeter. Le créateur peut décider d’en faire une pièce complètement nouvelle ou de réutiliser des tissus pour créer un autre vêtement ou accessoire.

Le principe de la mode écoresponsable visant à réduire le gaspillage des ressources et à prendre en considération le changement climatique n’est pourtant pas nouveau. Il prend toutefois de l’ampleur avec l’actuelle situation politique, sanitaire et environnementale.

La mode est la deuxième industrie la plus polluante après le pétrole, selon ce que rapporte la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement.

C’est ce que tente d’inverser la marque japonaise Uniqlo avec un polo sport fait entièrement de bouteilles en plastique recyclées, assure la directrice du développement durable Kathleen Adams.

L’enseigne a récemment inauguré son plus gros magasin au pays à Montréal. Une section est consacrée au développement durable avec un mur créé à partir des planchers de bois récupérés des boutiques de Toronto, explique la directrice. Au lieu d’être jetés, ces planchers ont été placés en entrepôt pour être réutilisés et transformés en des panneaux muraux, comme quoi le suprarecyclage peut prendre plusieurs formes.

La méthode du suprarecyclage a même été reprise avec de vieux manteaux qui ont été éventrés afin de récupérer les plumes pour les utiliser dans la confection de parkas d’hiver tout neufs qui arriveront en magasin en novembre, selon ce qu’explique Mme Adams.

Elle précise qu’il est d’autant plus important aujourd’hui de prioriser les matières existantes pour éviter d’exercer une pression plus grande sur la nature.

Un rapport des Nations unies estime par exemple qu’il faut 7500 litres d’eau pour fabriquer un seul jean, ce qui équivaut à l’eau bue par une personne pendant sept ans.

Mme Adams affirme qu’Uniqlo en est venu à un procédé qui lui permettra de fabriquer une paire de denims avec seulement 250 millilitres d’eau, soit l’équivalent d’une tasse, à partir de 2021.

Un rythme moins effréné

Pourquoi acheter de nouveaux vêtements alors qu’on ne se montre que la tête en réunion sur Zoom? La rédactrice en chef du magazine Clin d’œil, Julie Buchinger, concède que de manière logique la pandémie « nous amène à dépenser moins parce qu’on sort moins ».

Elle pense que les produits indémodables et simples seront privilégiés dans les prochaines années. « Il y a une surproduction sur le marché en ce moment et les grands joueurs vont devoir s’adapter et ralentir tandis que les consommateurs vont vouloir porter leurs morceaux plus longtemps », commente-t-elle.

La récente collaboration entre deux marques canadiennes, Canada Goose et les accessoires WANT Les Essentiels, ne comprend que quatre morceaux, soit un manteau, un sac à dos, une casquette et un sac banane.

L’idée était d’offrir des produits utilitaires, durables et intemporels, explique la directrice artistique de WANT Les Essentiels, Christine Charlebois.

En créant des pièces élégantes au style minimaliste, en misant sur des matériaux de qualité, elle est d’avis que ces articles passeront l’épreuve du temps. Cette façon de faire correspond à leurs valeurs, dit−elle.