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Les difficultés des clients plombent les résultats de Couche-Tard

La Presse Canadienne|Publié le 21 mars 2024

Les difficultés des clients plombent les résultats de Couche-Tard

Les experts anticipaient une diminution des ventes dans les dépanneurs au moment où les ménages surveillent de près leurs dépenses. (Photo: La Presse Canadienne)

Alimentation Couche-Tard a dévoilé des résultats nettement inférieurs aux attentes des analystes tandis que les consommateurs traversent une période difficile. La direction assure qu’il s’agit d’un revers temporaire.

Les experts anticipaient une diminution des ventes dans les dépanneurs au moment où les ménages surveillent de près leurs dépenses. Les marges sur le carburant décevantes aux États-Unis ont toutefois pris certains analystes par surprise.

Le président et chef de la direction, Brian Hannasch, s’est voulu rassurant jeudi, lors d’une conférence téléphonique avec les analystes pour discuter des résultats du troisième trimestre, clos le 4 février. Le mauvais trimestre ne mettrait pas en péril les objectifs de son plan stratégique sur cinq ans dévoilé l’automne dernier, selon lui.

Lire aussi – Stephen Harper entre au conseil d’administration de Couche-Tard

 

«Cette faiblesse que nous voyons de la part des consommateurs est transitoire. Nous ne pensons pas qu’elle va s’étirer sur plusieurs années.»

La société lavalloise veut générer annuellement un bénéfice avant impôts, intérêts et amortissement (BAIIA) de 10 milliards de dollars américains (G$US) d’ici la fin de l’exercice 2028, par rapport à 5,8G$US en 2023.

Dans un contexte de forte hausse du coût de la vie, les ventes en magasin ont diminué dans les principales régions où Couche-Tard est présente. Les ventes des magasins ouverts depuis au moins un an ont diminué de 1,5% aux États-Unis, de 1,2% au Canada et de 0,3% en Europe.

C’est la première fois «en plus de 10 ans» que Couche-Tard dévoile une décroissance dans ces trois régions, souligne l’analyste Martin Landry, de Stifel. Il souligne que le déclin des ventes comparables aux États-Unis est inférieur à la baisse de 2,7% affichée par le concurrent 7 — Eleven. «C’est rassurant et ça laisse croire qu’il s’agit d’une faiblesse généralisée à l’industrie.»

M. Hannasch constate un recul des dépenses des consommateurs les moins fortunés, plus particulièrement les bénéficiaires d’aide sociale par le biais d’une carte électronique aux États-Unis.

Les collations vendues dans le cadre de ce programme de cartes électroniques ont connu un déclin de 40% par rapport à l’an dernier, souligne le dirigeant. «C’est un signe que les consommateurs sont plus sensibles aux prix.»

Couche-Tard n’est pas la seule entreprise québécoise à connaître une baisse de volume de la part clientèle bénéficiaire de l’aide sociale aux États-Unis. Le franchiseur montréalais MTY a aussi vécu cette situation dans ses enseignes de restauration rapide au sud de la frontière. «Le gouvernement accorde moins de ressources à ces programmes, ça a un effet sur nos activités», rapportait son président-directeur général, Éric Lefebvre, en février.

Des promotions sur les cigarettes

Couche-Tard rapporte que le déclin des ventes de cigarettes se poursuit dans un contexte où le nombre de fumeurs diminue, mais M. Hannasch affirme que les offres promotionnelles aux États-Unis dans cette catégorie commencent à porter leurs fruits.

«Nous sommes enthousiastes de participer au programme de fidélisation d’Altria (un grand fabricant de cigarettes), qui nous permet de distribuer des coupons électroniques à des millions de nos clients.»

Ce n’est pas la première fois que le dirigeant réitère son désir d’utiliser des stratégies promotionnelles afin d’augmenter ses parts de marché aux États-Unis dans un secteur en déclin. Au Québec, ce genre de promotion est interdite pour des raisons de santé publique.

La stratégie avait d’ailleurs été dénoncée par l’Association pulmonaire des États-Unis (American Lung Association). «La nicotine est l’un des produits qui entraînent la plus forte dépendance et la plupart des fumeurs veulent arrêter. Quand nous avons des entreprises qui font des promotions, c’est un obstacle de plus que l’industrie utilise sciemment pour les garder dépendants», avait dénoncé le responsable des politiques publiques de l’association, Michael Seilback, en juin dernier.

Des faibles marges sur les carburants

En baisse, les marges de carburant aux États-Unis ont également déçu les analystes, mais elles ont augmenté au Canada et en Europe.

«La plus grande surprise venait des marges, note l’analyste Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux. C’est seulement 1 cent US le gallon de plus que l’industrie, malgré le meilleur profil de Couche-Tard en ce qui a trait à l’approvisionnement et à la capacité de dicter les prix.»

Comme pour les ventes en magasin, M. Hannasch affirme qu’il s’agit d’une situation temporaire. Il a qualifié le trimestre «d’ennuyant» au chapitre de la volatilité des prix de l’énergie. «Pas d’ouragan, pas d’enjeux avec une raffinerie.»

«Quand les prix montent, nos marges diminuent, explique-t-il. Quand les prix baissent, nos marges augmentent. Quand les prix ne font rien, les marges commencent à se compresser. Ça a été comme ça toute ma carrière.»

Les analystes restent optimistes

Les analystes s’entendent pour dire que le trimestre est décevant, mais leur confiance ne semble pas ébranlée, selon les commentaires de six analystes consultés.

«Nous croyons que tous les enjeux sont temporaires et que les conditions devraient s’améliorer», résume l’analyste de Desjardins Marchés des capitaux, Chris Li.

Dans un contexte difficile, la direction a démontré «une capacité exceptionnelle» à gérer ses coûts, note Mme Nattel. Les dépenses d’exploitation comparables ont reculé de 1,6%. Son collègue de la Banque Scotia, George Doumet, souligne qu’en plus, cette baisse des coûts survient dans un contexte de forte inflation.

L’analyste de Valeurs mobilières TD, Michael Van Aelst, s’attendait à un trimestre difficile et que ce revers entraîne une baisse de l’action. Il pense que le recul du titre «ouvrira un point d’entrée» pour les investisseurs.

Couche-Tard a publié mercredi, après la fermeture des marchés, un bénéfice net en baisse de 15,5% à 623,4 millions de dollars américains (M$US). Le bénéfice ajusté par action s’établit à 65 cents US. Les revenus, pour leur part, ont reculé de 2,2% à 19,6G$US, tandis que les nouvelles acquisitions ont compensé une partie des pertes de revenus.

Avant la publication des résultats, les analystes anticipaient des revenus de 20,9G$US et un bénéfice ajusté par action de 84 cents US, selon la firme de données financières Refinitiv.

L’action a clôturé en baisse de 3,43$, ou 4,21%, à 78,09$ à la Bourse de Toronto jeudi.

La direction de Couche-Tard a également fait part jeudi de la nomination de l’ex-premier ministre Stephen Harper à son conseil d’administration, avec effet immédiat.

«Avec son expérience considérable en leadership, gouvernance, commerce et affaires mondiales, il apporte des perspectives inestimables au conseil», a fait valoir par voie de communiqué Alain Bouchard, fondateur et président exécutif du conseil d’administration de Couche-Tard.

Stéphane Rolland, La Presse Canadienne

 

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