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L’industrie forestière critique les prix du bois élevés au détail

François Normand|Publié le 07 septembre 2021

L’industrie forestière critique les prix du bois élevés au détail

Les prix du 2x 4 (8 pieds) pourraient commencer à diminuer à compter du mois d’octobre pour refléter davantage les prix du marché, estime Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT. (Photo: 123RF)

Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) affirme que les prix du bois de construction vendu dans les quincailleries du Québec demeurent anormalement élevés étant donné la chute des prix de gros sur le marché québécois.

«Les prix sont à la baisse […] Notre point, c’est que les prix au détail doivent revenir à des niveaux procurant des marges brutes normales aux détaillants, et on ne les voit pas encore», déplore au téléphone Jean-François Samray, PDG du CIFQ, qui représente les producteurs de bois et les scieries du Québec.

Par exemple, après avoir atteint un sommet de 10,28$ le madrier en mai, le 2 x 4 (8 pieds) se vendait à un prix de gros de 2,22$, le 31 août, pour le marché de la région de Montréal, selon Pribec, la référence pour les prix du bois résineux et feuillu au Québec.

C’est le prix que payaient les courtiers et les quincailliers pour se procurer des 2 x 4 (8 pieds) auprès des scieries québécoises.

Le 1er septembre, Les Affaires a contacté trois quincailleries sur la Rive-Sud de Montréal pour connaître leurs prix au détail pour ce produit (le bois de construction, ou l’épinette select). Des employés nous ont donné cette information au téléphone.

Ainsi, Canac vendait son 2 x 4 (8 pieds) 3,85$ le madrier, tandis que Rona (Lowe’s Canada) et BMR vendaient leur bois respectivement à 3,98$ et à 4,99$ l’unité.

 

Marges brutes au prix du marché élevées

Si on calcule un ratio de la marge brute (revenu net – coûts directs / revenu net x 100) au prix du marché, Canac réalisait grosso modo à ce moment-là une marge brute de 42,3%. Celle de Rona s’élevait à 44,2%, tandis que celle de BMR s’établissait à 55,5%.

Cela dit, ce ratio est imparfait dans les circonstances.

Car les coûts directs (le coût des ventes, pour une entreprise au détail) comprennent les dépenses des quincailliers pour acheter un 2 x 4 (8 pieds), ce qui inclut par exemple la portion du salaire des employés et du transport pour acheter un seul madrier.

Pour autant, le CIFQ estime que ce ratio de la marge brute permet d’avoir un ordre de grandeur suffisant pour permettre aux consommateurs et aux entrepreneurs en construction d’évaluer si les prix au détail sont justifiés à l’heure actuelle.

Chiffres à l’appui de Statistique Canada (Rapport sur les prix du commerce de détail), Jean-François Samray souligne que la marge brute maximale des détaillants (pour le bois d’œuvre de charpente, 2×4 de 8 pieds) n’a jamais dépassé 29% entre 2013 et 2019.

C’est la raison pour laquelle le CIFQ remet en question les marges brutes au prix du marché que font actuellement les quincailliers.

 

Les quincailliers contestent l’analyse du CIFQ

Jointe par Les Affaires, l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT) conteste l’argumentaire du CIFQ, affirmant que les détaillants perdent plutôt de l’argent sur la vente de 2 x 4 (8 pieds).

Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT, affirme qu’il est injuste de s’attarder sur les prix de gros actuels du bois, alors que des quincailliers sont en train de vendre du bois qu’ils ont acquis à des prix beaucoup plus élevés ces derniers mois.

Depuis le sommet de 10,28$ le madrier en mai, les prix ont été presque divisés par cinq pour descendre à 2,22$, souligne-t-il.

Aussi, à ses yeux, aucune PME ne peut faire de l’argent sur les 2 x 4 (8 pieds) dans ce contexte, même avec une gestion des approvisionnements par coût moyen.

«Certains gros magasins ont certes la capacité de perdre de l’argent sur certains produits, mais pas les PME qui gèrent leurs approvisionnements à la semaine et au mois», insiste Richard Darveau.

Patrick Delisle, directeur du marketing chez Canac, abonde dans le même sens que l’AQMAT. Dans un courriel, il affirme que «tous les détaillants vendent actuellement le bois à perte».

Il souligne que les stocks achetés à «fort prix» dans les dernières semaines, voire les derniers mois pour certains détaillants, sont vendus actuellement bien en dessous du prix payé sur le marché de gros au Québec.

«C’est principalement pour cette raison que le prix vendu au détail en date du jour reflète un mélange du prix moyen payé dans les dernières semaines et la stratégie de prix du détaillant», indique Patrick Delisle.

Même son de cloche chez Lowe’s Canada, propriétaire de Rona.

Dans un courriel, la multinationale souligne que le prix de détail du bois vendu aujourd’hui au Québec et le coût des marchandises vendues actuel ne sont pas le reflet d’achats effectués en fonction des prix au marché.

«Face à la pénurie de l’an dernier, certains détaillants ont augmenté leur inventaire pour faire face à la demande, subissant ainsi une érosion de la marge bénéficiaire», fait valoir la porte-parole Valérie Gonzalo.

 

Vers une baisse des prix en octobre?

Malgré cette conjoncture, les prix du 2x 4 (8 pieds) pourraient commencer à diminuer à compter du mois d’octobre pour refléter davantage les prix du marché, estime Richard Darveau.

«Les stocks de bois [achetés à forts prix] vont commencer à baisser. On va pouvoir offrir des prix plus corrects», affirme le président et chef de la direction de l’AQMAT, qui avait fait aussi cette prédiction le 2 septembre sur le site internet de l’organisme.

Jean-François Samray du CIFQ, qui a pris également connaissance de cette information, a salué cette anticipation d’une baisse possible des prix au détail du bois de construction à compter du mois d’octobre.

«Avec une telle conjoncture, c’est le temps de réévaluer les projets de rénovation et de construction mis de côté au printemps», insiste-t-il.