Sébastien Jacques et Julia Gagnon, respectivement co-propriétaire et vice-président du développement commercial et vice-présidente des opérations, Attraction (Photo: Johanne Bolduc)
BLOGUE INVITÉ. On apprenait récemment que le Québec, et même le Canada, ne possède aucune entreprise qui recycle le plexiglas. Aucune! C’est un sujet d’inquiétude pour nos gouvernements, car le jour où cette fichue pandémie sera derrière, il y aura chez nous et ailleurs dans le monde, des tonnes et des tonnes de cette matière dont on voudra se défaire. Mais pour en faire quoi?
On n’y pense pas tous les jours, mais cette pandémie est une histoire d’horreur pour l’environnement, en plus de l’être pour la santé et pour les libertés. Les milliards de masques jetables qui flottent au vent et se retrouvent dans les océans en sont une certaine illustration, comme les milliards de blouses jetables consommées par les hôpitaux de la planète.
Et on n’imagine absolument pas à quel point. Au printemps 2020, sur la base de données préliminaires provenant de l’Italie, une équipe de chercheurs portugais et canadiens a estimé que la planète consommerait quelque 129 milliards de masques jetables par mois de pandémie, dans l’hypothèse où chaque individu en utiliserait 17 par mois. On parle juste des masques ici… Les blouses, les fioles et les aiguilles de vaccins, les cartons pour transporter la marchandise; on peut allonger la liste des polluants très longtemps. Et entre ce qui est consommé et ce qui est laissé aux usines, il y a encore du matériel problématique.
Le fabricant de vêtements Attraction à Lac-Drolet en Estrie, connu pour sa marque Ethica, a rapidement transformé sa production en début de pandémie pour venir en aide aux gouvernements et fabriquer des milliers de blouses médicales et un demi-million de couvre-visages. Du lavable. Or, soudainement, les gouvernements ont décidé plutôt d’opter pour des masques et des blouses jetables. Attraction s’est ainsi retrouvée avec d’énormes quantités de tissu de première qualité, dont elle s’était approvisionnée pour répondre à la demande gouvernementale. Jeter? Impensable aux yeux de Sébastien Jacques, co-propriétaire et vice-président du développement commercial.
Son équipe s’est creusé les méninges et a conçu des manteaux et des sacs réversibles à partir du tissu de blouse médicale revalorisé, sans qu’on puisse imaginer d’où ça vient. Un côté jaune, un côté gris, résistant à l’eau. Le premier côté est en polyester et le second en coton biologique et polyester recyclé, fabriqué avec la récupération de bouteilles d’eau. Tant qu’à revaloriser, Attraction-Ethica s’est lancée à fond! Voilà pour la collection de printemps.
Mais il reste encore 20 000 mètres de tissu de blouses médicales à revaloriser, seulement chez Attraction. Pour parvenir à trouver une solution intelligente, l’entreprise a lancé une campagne de financement collaboratif avec La Ruche et Kickstarter. Les fonds doivent soutenir la recherche et le développement de nouveaux produits revalorisés. Voilà des entrepreneurs débrouillards qui solutionnent de vrais problèmes au lieu de créer de faux besoins!
Je reviens au plexiglas dont le ministre de l’Environnement s’inquiète à juste titre. Et si une invitation était faite aux entreprises pour trouver des solutions de revalorisation? Et si on organisait un espace en innovation ouverte pour bénéficier au maximum de l’intelligence collective et trouver des issues aux problèmes réels des déchets pandémiques? Non seulement on pourrait rendre service à l’environnement au Québec, mais peut-être qu’on rendrait service à d’autres sur cette planète, tout en générant des retombées économiques.
Peut-être que je suis idéaliste. Mais le pouvoir de la solidarité est parfois surprenant. Comme l’imagination et la détermination des entrepreneurs.