En 2022‑2023 (les plus récentes données disponibles), près de 32 000 contrats publics de plus de 25 000 $ ont par exemple été accordés par les différents ministères et organismes du gouvernement du Québec. (Photo: Adobe Stock) Picture of the flag of quebec standing in front of the flag of Canada in Montreal, Quebec. The flag of Quebec, called the Fleurdelise, was adopted for the province by the government of Quebec, during the administration of Maurice Duplessis.
INFRASTRUCTURES ET GRANDS PROJETS. À première vue, les marchés publics représentent tout ce qu’une entreprise désire : des contrats d’envergure, une demande constante et des paiements garantis. Plusieurs dirigeants laissent pourtant filer d’intéressantes occasions d’affaires parce qu’ils craignent de se lancer dans un processus d’appel d’offres qu’ils ne maîtrisent pas.
« Les marchés publics, c’est bon an, mal an de 15 % à 20 % du PIB des États des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Canada et le Québec n’y échappent pas, affirme Pierre-André Hudon, professeur au Département de management de l’Université Laval et spécialiste des marchés publics. Ce sont des montants gigantesques. »
En 2022‑2023 (les plus récentes données disponibles), près de 32 000 contrats publics de plus de 25 000 $ ont par exemple été accordés par les différents ministères et organismes du gouvernement du Québec. Leur valeur totale : 26 milliards de dollars. Un montant auquel s’ajoutent les contrats publics octroyés par le gouvernement fédéral, les municipalités québécoises et Hydro-Québec.
Une importante part des contrats publics issus du gouvernement du Québec sont attribués pour des travaux de construction (38 % de la valeur totale en 2022‑2023), mais les marchés publics ne sont pas qu’une affaire de routes, fait remarquer Fabien Durand, expert indépendant en matière d’appels d’offres au Québec et au Canada. Assurances, déneigement, marketing, déménagement ou encore arpentage : « C’est incroyable tout ce qu’il y a comme besoins, mais les gens ne le savent pas », dit-il.
« Le gouvernement est un client très attrayant parce qu’il paie bien et il ne négocie pas autant qu’une entreprise privée, ajoute Pierre-André Hudon. Le défi, c’est plutôt de comprendre les règles d’approvisionnement. »
« Tous les jours, plusieurs appels d’offres apparaissent dans plusieurs domaines différents », confirme Jean-Sébastien Thom, gestionnaire au sein du bureau de l’offre de Logient, une entreprise montréalaise spécialisée en technologies de l’information qui fait notamment affaire avec des organismes publics.
Manque de connaissances
« Plusieurs entreprises ont tendance à se concentrer sur ce qu’elles savent faire et elles voient les marchés publics comme quelque chose de très gros, de très compliqué, de très complexe à gérer, alors que ce n’est pas le cas », affirme Fabien Durand.
C’est pour cette raison qu’il a lancé l’entreprise Keepoint, dont le mandat est d’accompagner des entreprises de différentes tailles (y compris des PME) dans leur processus d’appel d’offres. « Je me suis rendu compte qu’il y avait un réel besoin parce que plusieurs ne savent pas comment s’y prendre, dit-il. Si je te demande de jouer au bridge demain matin et que tu ne connais pas les règles du jeu, tu n’auras sans doute pas le goût de jouer au bridge. »
Le professeur Pierre-André Hudon reconnaît que soumissionner pour un contrat public est un processus « technique et normé », mais il ajoute que les démarches à entreprendre et la documentation à remplir n’ont rien d’insurmontable. « Ça peut sembler intimidant au départ, mais quand on y va une étape à la fois, ce n’est pas si sorcier », soutient celui qui a contribué à mettre sur pied un programme d’études supérieures en gestion et gouvernance des marchés publics.
« Il y a une courbe d’apprentissage, mais une fois que le processus est maîtrisé, ça devient un acquis », acquiesce Jean-Sébastien Thom.
Un marché comme un autre
Le gouvernement du Québec est conscient du manque de connaissances de nombreux entrepreneurs et cherche à répondre à leurs questions grâce à des formations et à des ressources en ligne.
« Quand on a appris à faire du vélo, on trouvait ça extrêmement compliqué. Maintenant, on le fait, illustre Anick-Marie Boivin, conseillère en développement des entreprises sur les marchés publics au ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI). Quand on ne connaît pas quelque chose, c’est épeurant, mais quand on est capable de naviguer à travers les règles, ça se passe bien. »
À son avis, la décision de considérer ou non les contrats publics dans sa stratégie d’affaires se prend de la même façon que celle de partir à la conquête d’un nouveau marché. « Quand je parle aux entrepreneurs, je leur rappelle qu’ils se sont en quelque sorte lancés dans le vide quand ils ont décidé de lancer leur entreprise, dit-elle. Les contrats publics, c’est un développement de marché comme un autre. »
Nouveau programme spécialisé
L’Université Laval et l’École nationale d’administration publique s’associent pour offrir à partir de l’hiver 2024‑2025 un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en gouvernance et gestion des marchés publics. Il s’agit de la première formation universitaire du genre au Québec et au Canada, affirme son coresponsable, le professeur Pierre-André Hudon, de l’Université Laval. Ce programme peut être suivi entièrement à distance et s’adresse à la fois aux donneurs d’ouvrage qu’aux entreprises qui souhaitent répondre à des appels d’offres.