Maceio, capitale de l’État d’Alagoas, a ressenti des secousses attribuées à l’exploitation du sel en sous-sol, endommageant rues et bâtiments et forçant des dizaines de milliers de personnes à abandonner leurs logements. (Photo: Galeria do Bem, via Wikimedia Commons)
Des résidents d’une ville brésilienne ravagée par des tremblements de terre provoqués par l’exploitation minière du sel se sont rendus devant un tribunal néerlandais jeudi dans l’espoir d’obtenir des réparations qui sont selon eux impossibles au Brésil.
Ces familles originaires de Maceio (nord-est) ont fait le voyage pour suivre la procédure contre le géant de la pétrochimie brésilien Braskem, dont le siège des activités en Europe est à Rotterdam.
À Maceio, la vie a basculé en 2018. Cette ville d’un million d’habitants, capitale de l’État d’Alagoas, a ressenti des secousses attribuées à l’exploitation du sel en sous-sol, endommageant rues et bâtiments et forçant des dizaines de milliers de personnes à abandonner leurs logements.
«Nous vivons un enfer», a raconté à l’AFP Alex Da Silva, un représentant des plaignants. «Ceux qui restent pâtissent encore d’affaissements du sol et de secousses. Nous espérons obtenir justice», a ajouté cet homme de 42 ans.
Braskem a déclaré avoir offert des dédommagements financiers et un soutien psychologique aux victimes, en plus d’une aide pour déménager. Selon l’entreprise, 3,93 milliards de réaux (735 millions d’euros) de compensations et aides financières ont été versés à plus de 18 000 personnes.
Les avocats de Braskem ont fait valoir devant le tribunal néerlandais qu’un règlement ayant été conclu au Brésil, l’affaire aux Pays-Bas était superflue. Et ils ont refusé de s’exprimer à l’issue de l’audience.
Pour Martijn van Dam, un avocat représentant les familles, «ce programme de dédommagement ne constitue pas une compensation totale». «C’est une tentative de la part de Braskem de régler l’histoire au rabais, c’est bien pour cela que les plaignants ont porté l’affaire aux Pays-Bas en vue d’obtenir une compensation complète», a estimé le conseil.
«J’ai perdu ma mère»
La Cour doit d’abord décider de la responsabilité, puis de l’indemnisation, si elle juge Braskem fautif.
Pour Me van Dam, «cela inclut les dommages matériels, donc les maisons qu’ils ont dû abandonner, mais aussi les dommages moraux, car ils ont littéralement perdu leur vie à cause de l’effondrement des mines de Braskem».
En 2022, le tribunal de Rotterdam s’était déclaré compétent dans cette affaire, en affirmant que la compagnie Braskem SA et ses filiales aux Pays-Bas étaient «inextricablement liées».
«Braskem SA aurait pu raisonnablement prévoir que non seulement ses entités (néerlandaises) mais aussi la holding pouvaient être déférées devant cette cour», avaient argumenté les juges.
Maria Rosangela Ferreria Da Silva, une fonctionnaire brésilienne de 48 ans, a raconté avoir été «expulsée» de chez elle après les tremblements de terre et témoigné des problèmes psychologiques dont elle souffre encore.
«J’espère obtenir justice, parce qu’au Brésil c’est Braskem qui a les cartes en main. Ici on sent que c’est différent», a-t-elle confié à l’AFP, visiblement très émue.
Selon elle, sa mère est tombée en dépression après avoir dû quitter la maison dans laquelle elle avait toujours vécu. Sa santé a décliné et elle est finalement décédée du Covid. «J’ai perdu ma maman à cause de ce désastre», assure-t-elle.
Et de conclure: «Seul quelqu’un qui a perdu sa mère dans de telles circonstances peut comprendre ce que je ressens. Aucune compensation financière ne me fera retrouver ma mère…»