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Dans l’ombre de Northvolt, Bécancour continue de fleurir

La Presse Canadienne|Mis à jour le 30 septembre 2024

Dans l’ombre de Northvolt, Bécancour continue de fleurir

Une vue du chantier de Nemaska Lithium. (Photo: Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local)

Tout va très vite à Bécancour. Malgré les déboires de Northvolt et le ralentissement dans l’industrie des batteries, Québec y investit des centaines de millions de dollars et les projets sortent ici bel et bien de terre. Loin des projecteurs, la société qui gère ce parc industriel au sud de Trois-Rivières vient de terminer le raccordement sanitaire de cinq usines de batteries et a lancé tout récemment un grand chantier pour agrandir son port.

Le gouvernement a surnommé la région «Vallée de la transition énergétique». À Bécancour, la filière batterie est tellement concentrée qu’on pourrait pointer du doigt le carrefour de la transition énergétique. En effet, trois énormes usines de batteries sont en train de sortir de terre à l’intersection de deux voies du parc industriel. Non loin de là, la construction de deux autres bâtiments similaires est prévue.

« Ici, on a cinq projets en construction, deux projets matures et deux non matures », résume tout sourire Donald Olivier, président-directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour (SPIPB).

Lire aussi – Bécancour, la transformation d’une ville au cœur de la filière batterie, par Dominique Talbot

Les difficultés du géant Northvolt ne racontent pas toute l’histoire des batteries québécoises, dit-il. Dans ce parc industriel — le seul qui appartient au gouvernement du Québec —, la filière batterie s’enracine à vitesse grand V.

Par exemple, Nemaska Lithium, détenu à 50% par le gouvernement via l’injection de 300 millions de dollars (M$) par Investissement Québec, va bon train. Son usine de Bécancour est construite à 45%, et la mise en service d’une mine dans le nord du Québec est toujours prévue pour 2026.

Idem pour Ultium Cam, le projet le plus avancé de Bécancour. Son bâtiment administratif a accueilli les premiers employés cette semaine, et la structure de l’usine adjacente est déjà achevée. L’échéancier voulant que l’entreprise fournisse à GM ses premiers composants de batteries l’année prochaine tient toujours.

Les progrès de l’autre grosse pointure, EcoPro, ont connu quelques toussotements à l’été. Deux arrêts ont frappé la construction de l’usine québécoise qui servira ultimement à approvisionner Ford en batteries. Une « reconception » de la chaîne de montage a été nécessaire, à la suite de laquelle le chantier a été relancé en début de semaine.

Ce type d’interruption n’inquiète pas Donald Olivier. Cet ancien d’Hydro-Québec a été l’un des maîtres d’œuvre de la fermeture des centrales nucléaires Gentilly. «Habitué aux projets complexes», il ne voit rien d’anormal dans les changements de plan. «Un projet, c’est une course à obstacles.»

Certaines des usines aujourd’hui en construction à Bécancour ont traversé des difficultés de financement au départ, tout comme Northvolt. Une fois installées au Québec, elles ne partiront pas, affirme l’ingénieur civil de formation. « La pandémie a fait que les entreprises ont été sensibilisées. Elles veulent raccourcir et sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement. » Avec des mines dans le Nord et des clients au sud de la frontière, le Québec tient encore une place de choix.

Si toutes les offres des entreprises qui reluquent un coin de Bécancour étaient acceptées, tous les terrains du parc seraient déjà vendus, clame Donald Olivier. « On a des discussions sur tous les terrains. Encore faut-il choisir les bons projets. »


De la suite dans les idées

Il n’y a pas que les entreprises qui investissent à Bécancour. La Société du parc industriel a terminé à l’été la construction de longs pans de canalisation destinés à alimenter les futures chaînes de montage.

C’est sans compter la construction de quelques kilomètres de chemin de fer, des kilomètres d’asphalte pour les voies de service ainsi que diverses canalisations à enfouir. «De notre côté, à la Société du parc, c’est 350M$ de travaux d’infrastructure à faire, indépendamment de leurs investissements à eux. Le défi qu’on avait, c’est que si eux veulent mettre en service en 2025, il faut avoir fini avant eux. Il faut toujours avoir fini avant eux. Notre équipe est sous pression.»

Ultium Cam produira dans son bâtiment des matériaux actifs de cathode pour les batteries de GM.

Comme si ce n’était pas assez, à ces 350M$ s’ajoutent 320M$, qui serviront à l’agrandissement du port. La SPIPB a en effet lancé, il y a deux semaines, un vaste chantier qui viendra faciliter le transit naval des marchandises. Ces fonds, auxquels Québec a déjà contribué à hauteur de plus de 200M$, permettront l’addition d’un quai et le prolongement d’un autre.

Le SPIPB commence cet agrandissement par l’étape des études. On ne prévoit pas entamer les travaux avant quelques années.

Tous ces chantiers empiètent sur des milieux humides et des frayères de poissons dans le Saint-Laurent, reconnaît Donald Olivier. Sauf que son équipe a prévu le coup. Elle compte convertir 200 hectares de terrain à l’embouchure de la rivière Bécancour en milieu protégé. « Ça, c’est l’exemple pour faire les choses correctement », lance-t-il.

Tous ces investissements reposent sur un montage solide, assure le représentant de la SPIPB. « On pourrait avoir deux, trois ou quatre années difficiles sans être à risque. » Cette période de difficulté semble peu probable puisque d’autres investissements pourraient bientôt être annoncés.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

Par Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local, Le Devoir