Embargo sur du canola canadien: Pékin évoque des parasites
La Presse Canadienne|Publié le 06 mars 2019Certains y voient plutôt la plus récente gifle assénée au Canada pour avoir arrêté la dirigeante de Huawei.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a soutenu mercredi qu’il bloquait certaines importations de canola canadien parce qu’on craignait une infestation par des « parasites dangereux ».
Certains y voient plutôt la plus récente gifle assénée au gouvernement canadien pour avoir arrêté la dirigeante de Huawei.
Lors d’un point de presse quotidien à Pékin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lu Kang, a déclaré que la Chine avait suspendu les importations de canola d’une société canadienne « conformément aux lois et règlements et aux pratiques internationales ».
M. Lu a cité comme menace « des organismes nuisibles », qu’il n’a pas identifiés, ajoutant que le gouvernement chinois « devait protéger la santé et la sécurité de son peuple ».
« Je peux vous dire, de manière responsable, que la décision du gouvernement chinois est assurément fondée. Après vérification, les douanes chinoises ont récemment détecté plusieurs parasites dangereux dans le canola importé du Canada, à plusieurs reprises », a déclaré M. Lu.
Richardson International, l’un des plus importants producteurs et transformateurs de céréales au Canada, a déclaré mardi que la Chine avait révoqué son permis d’exportation de canola dans cette région, alléguant une infestation. Le Canada conteste ces allégations. Plusieurs voient dans cette mesure des représailles contre l’arrestation par le Canada de Meng Wanzhou, la directrice financière et fille du fondateur du géant technologique chinois Huawei.
Le Canada étudie la demande d’extradition de Mme Meng à la suite de son arrestation en décembre, à la demande des États-Unis, où elle est recherchée pour des accusations de fraude. Mme Meng devait d’ailleurs comparaître mercredi en Cour suprême de la Colombie-Britannique pour la demande d’extradition.
Ce ne serait pas la première fois que Pékin exerce des représailles contre des pays qui l’offensent. La Chine a suspendu son accord commercial bilatéral avec la Norvège et a restreint les importations de saumon norvégien, après l’attribution du prix Nobel de la paix au prisonnier politique chinois Liu Xiaobo en 2010.
Le Royaume-Uni et d’autres pays ont fait l’objet de représailles après des rencontres avec le dalaï-lama, le chef spirituel tibétain que Pékin décrit comme un dangereux séparatiste.
La ministre canadienne de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a déclaré dans un communiqué que l’Agence canadienne d’inspection des aliments avait mené des enquêtes après que la Chine eut publié des avis de non-conformité concernant les importations de graines de canola, dont neuf depuis janvier. Elle a ajouté que l’agence n’avait identifié aucun organisme nuisible ou bactérie préoccupante.
La Chine reçoit environ 40 pour cent des exportations de canola du Canada et la révocation du permis de Richardson nuit à toute la chaîne de valeur des industries impliquées sur le marché, a prévenu le Conseil canadien du canola.
Neil Townsend, un analyste de marché principal chez FarmLink, estime toutefois qu’il existe un lien certain avec l’affaire Huawei. « Il ne fait aucun doute que la Chine est en colère contre nous », a-t-il déclaré.
Les tarifs de représailles de la Chine sur les exportations de produits agricoles américains ont déjà eu une incidence sur les prix du canola. De nouvelles réductions des achats chinois porteraient un dur coup à un aspect vital de l’agriculture dans l’Ouest canadien.
« Je suis très préoccupée par ce qui est arrivé à Richardson, a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, mardi à Montréal. Nous ne pensons pas qu’il y ait de fondement scientifique à cela. Nous travaillons très très fort avec le gouvernement chinois sur cette question. »
La Chine a mis en garde contre de graves conséquences si la dirigeante de Huawei n’était pas libérée. La Chine a arrêté deux Canadiens le 10 décembre dans le cadre de ce qui est largement perçu comme une tentative de pression sur le Canada. Après l’arrestation de Mme Meng, un tribunal chinois a également condamné à mort un Canadien lors d’un nouveau procès pour trafic de drogue, annulant une peine de 15 ans de prison prononcée précédemment.