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Exporter de l’électricité est une mauvaise idée, selon l’IDQ

François Normand|Publié le 14 juin 2022

Exporter de l’électricité est une mauvaise idée, selon l’IDQ

La publication de ce rapport survient alors que les surplus d’Hydro-Québec ont fondu (en 2019, ils s’élevaient encore à 40 térawattheures). (Photo: Fré Sonneveld pour Unsplash)

Exporter de l’électricité du Québec aux États-Unis ne «constitue pas un levier de création de richesse». Mieux vaut la transformer ici en l’attribuant à des entreprises afin de maximiser les bénéfices pour l’ensemble du Québec.

Voilà la principale conclusion d’un rapport que l’Institut du Québec (IDQ) publie ce mardi matin. Le rapport, financé en partie par l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), a été réalisé par Alain Dubuc, conseiller stratégique à l’IDQ, et Daniel Denis, économiste et expert en développement économique.

«Lorsque l’électricité sert à soutenir des activités économiques au Québec, les retombées sont considérablement plus importantes que dans le cas des exportations», écrivent Alain Dubuc et Daniel Denis dans ce rapport de 113 pages.

La publication de cette analyse survient alors que les surplus d’Hydro-Québec ont fondu (en 2019, ils s’élevaient encore à 40 térawattheures), et ce, en raison de la croissance de la demande domestique et des contrats d’approvisionnement à long terme aux États-Unis.

Sur un horizon de 10 ans, ces deux éléments créent une demande globale supplémentaire de 50 térawattheures, selon l’IDQ. Une situation qui a d’ailleurs forcé la société d’État à lancer de nouveaux appels d’offres afin de répondre à la demande québécoise.

En janvier, le Journal de Montréal rapportait qu’Hydro-Québec n’arrivait plus à répondre aux attentes des projets industriels nécessitant de grands volumes d’énergie, alors que la société d’État s’apprêtait à accroître ses exportations aux États-Unis.

 

Pas de pénurie d’électricité d’ici 2026-2027

Pour autant, les auteurs de l’étude de l’Institut du Québec se veulent rassurants: le Québec «ne sera pas confronté à des pénuries d’électricité, mais on observera un équilibre plus serré sur l’horizon 2026-2027».

Depuis des décennies, l’exportation d’électricité aux États-Unis (et ailleurs au Canada) a été une stratégie privilégiée par Hydro-Québec et les différents gouvernements à Québec.

D’abord pour écouler les surplus d’hydroélectricité après la mise en service des barrages à la Baie-James, les exportations d’énergie ont été ensuite priorisées pour engranger d’importants profits en raison des prix de l’électricité plus élevés aux États-Unis.

Or, cette logique économique n’est pas optimale, estime l’IDQ.

Car si les profits d’Hydro-Québec se traduisent en dividendes versés au gouvernement, l’ensemble du Québec n’en profite pas nécessairement, bien que ces revenus supplémentaires donnent une plus grande marge de manœuvre à l’État québécois.

Même si l’IDQ préconise l’attribution prioritaire des blocs d’électricité au Québec, l’organisme estime toutefois qu’Hydro-Québec et le gouvernement doivent se doter d’un nouveau cadre afin de prioriser l’attribution de cette énergie.

Selon les auteurs du rapport, la création d’emplois, qui a été le principal objectif des politiques de développement économique au Québec, doit être maintenant relativisée dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre — qui est là pour perdurer dans un avenir prévisible.

 

Comment attribuer les blocs d’énergie

C’est pourquoi l’organisme préconise une douzaine de critères pour évaluer l’effet structurant d’un secteur de l’économie. Pour illustrer son propos, l’IDQ a fait une simulation auprès de quatre secteurs, soit les alumineries, les centres de données, les serres ainsi que la future filière de l’hydrogène vert.

Parmi ces critères d’attribution de blocs d’électricité, il y a le poids économique, la contribution aux exportations en général, le potentiel d’investissement, le niveau d’éducation ainsi que la durabilité.

En entrevue à Les Affaires, Daniel Denis souligne qu’Hydro-Québec et le gouvernement doivent privilégier une approche équilibrée dans l’attribution des blocs d’électricité au Québec.

Aussi, cette approche viserait à la fois à maximiser les bénéfices pour le Québec dans son ensemble, à décarboner au maximum l’économie québécoise ainsi qu’à rechercher un équilibre dans l’attribution des blocs d’énergie.

Pour ce dernier point, cela signifie de ne pas concentrer la fourniture d’électricité à un secteur en particulier (par exemple, les centres de données), mais plutôt à plusieurs industries (ce qui pourrait inclure les centres de données).