Bas salaires et électricité pas chère pour attirer Northvolt
Dominique Talbot|Mis à jour le 19 septembre 2024Selon le député péquiste Pascal Paradis, le gouvernement caquiste vend le «cheap labor» du Québec. (Photo: Jacques Boissinot La Presse Canadienne)
Salaires en bas de la moyenne nord-américaine, hydroélectricité à bas coût. Ce sont notamment avec ces arguments qu’Investissement Québec a incité Northvolt à s’installer dans la province, selon des documents obtenus en vertu de la Loi d’accès à l’information et rendus publics par le Parti québécois.
Le document, demandé au mois de février dernier par Radio-Canada, et consulté par Les Affaires, a été présenté à Northvolt le 7 mars 2022. Préparé pour l’entreprise, il souligne le fait que les coûts de main-d’œuvre au Québec sont 14% inférieurs à ceux de la moyenne du nord-est des États-Unis. En dollars américains, écrit Investissement Québec, ils sont de 25,90$US, comparativement à 26,60$US en Ontario et 34,80$US dans l’État de New York.
Selon le député péquiste Pascal Paradis, le gouvernement caquiste vend le «cheap labor» du Québec.
«Le premier ministre dit que peu importe la nature de l’entreprise, ce qui est important, c’est qu’elles paient de bons salaires. Pendant qu’il dit ça publiquement aux Québécoises et Québécois, ce qui était vendu aux entreprises étrangères derrière des portes closes, c’est que le Québec paie des salaires plus bas que d’autres juridictions au Canada et aux États-Unis. Avec des tableaux qui les comparent. […] C’est particulièrement choquant», dit Pascal Paradis, en entrevue avec Les Affaires.
Sur le réseau social X, la député libérale Marwa Rizqy a réagi en tenant essentiellement le même discours, écrivant: « François Legault, un homme qui plaide des deux côtés de la bouche: il promet aux Québécois des “jobs payantes”, puis se vire de bord pour vanter le “cheap labor” québécois aux entreprises étrangères comme Northvolt ».
De son côté, Investissement Québec (IQ) se défend de vanter les bas salaires du Québec auprès des entreprises étrangères.
« Il s’agissait plutôt d’établir une comparaison factuelle entre le Québec et les autres lieux potentiels que Northvolt envisageait pour implanter son projet. Plusieurs données ont été présentées lors de cette rencontre, dont la comparaison du coût de la production des cathodes et des anodes au Québec, du coût de l’électricité, du coût de transport vers le grand centre de la production automobile en Amérique du Nord », exprime Catherine Salvail, porte-parole d’IQ.
Aussi, le document rédigé en 2021, soit avant la vague d’annonces en lien avec la filière batterie en 2022 et 2023, avance que le salaire médian de cinq catégories d’emplois du secteur manufacturier de la batterie est de 30 % inférieur à celui d’autres endroits en Amérique du Nord.
Par exemple, il est écrit que pour un scientifique de la batterie, le salaire médian au Québec est de 74 004$US, alors qu’il est de 105 404$US à Austin, au Texas, et de 121 100$US à San Francisco.
Pour un ingénieur de production, il se situe à 64 336$US dans la province, contre 105 337$US dans la métropole californienne.
« L’entreprise avait aussi demandé que nos experts leur présentent une comparaison des salaires pour des rôles clés dans le secteur de la batterie avec d’autres marchés concurrents, comme le nord-est des États-Unis ou de grandes villes actives dans ce secteur stratégique. Les données sont factuelles et le reflet de la situation à ce moment », explique Catherine Salvail.
La porte-parole ajoute que les équipes d’Investissement Québec International font couramment ce genre de présentation pour exposer l’écosystème d’affaires et le contexte réglementaire québécois.
Le document fait également largement état du coût inférieur de l’énergie au Québec, qui, au moment de la publication du document, était de 5,20 cents canadiens le kWh, comparativement à 11,23 cents à Toronto et à 21,15 cents à Boston.
« On vend le contexte québécois en insistant sur le fait que l’électricité ne sera pas chère. Que vous aurez accès à des ressources énergétiques pas chères », dit Pascal Paradis.
« Est-ce que l’on maximise ce que le Québec peut tirer de la présence de ces entreprises et que ce soit équitable lorsqu’il y a des projets comme ceux-ci, c’est ça la question. Comment le gouvernement négocie les ententes avec les entreprises étrangères? », se demande-t-il.
Au moment de publier ces lignes, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie n’avait pas encore retourné la demande d’entrevue de Les Affaires.