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Hydro se lance dans la construction de grands projets éoliens

Dominique Talbot|Mis à jour le 13 juin 2024

Hydro se lance dans la construction de grands projets éoliens

Michael Sabia, PDG d'Hydro-Québec (Photo: La Presse Canadienne)

Après les grands projets hydroélectriques, les grands projets éoliens. Afin d’accélérer le déploiement de 10 000 MW de nouvelles capacités énergétiques d’ici 2035, Hydro-Québec deviendra maître d’œuvre des projets éoliens de 1000 MW et plus aux côtés des Premières Nations et des municipalités qui pourront devenir actionnaires de ceux-ci.

Dans le cadre de cette nouvelle stratégie, Hydro continuera de faire appel au marché pour les projets à plus petite échelle. Mais pour le PDG Michael Sabia, le modèle actuel de «petits parcs» éparpillés sur le territoire ne peut être la «locomotive» qui mènera la société d’État vers l’atteinte de ses objectifs pour augmenter drastiquement sa capacité énergétique présentée l’automne dernier dans son ambitieux plan 2035.

Autrement dit, le type de projets actuels dont la puissance varie entre 20 MW et 350 MW se feront de plus en plus rares. Et Hydro ne se contentera plus de laisser les entreprises privées construire des parcs d’éoliennes pour ensuite se limiter à acheter l’énergie produite à la fin du processus. Cette époque sera bientôt révolue.

«Ça fonctionnait quand l’énergie éolienne était une stratégie de niche. Un petit ajout à notre système. Un modèle conçu dans un monde de surplus énergétiques. Mais le monde a beaucoup changé et notre contexte énergétique a beaucoup changé aussi», dit Michael Sabia.  

«Le statu quo ne va pas fonctionner pour l’avenir. L’approche actuelle ne va jamais nous donner les résultats dont nous avons besoin, avec des projets à gauche et à droite qui ne mènent pas à un projet énergétique cohérent et robuste pour l’avenir du Québec», ajoute Michael Sabia. 

Le PDG souligne qu’au cours des 20 dernières années, le Québec a construit une capacité éolienne de 4000 MW. Or, dans les 10 prochaines années, il en faudra 10 000. Cette quantité représente d’ailleurs l’équivalent de la consommation électrique de 1,25 million de foyers.

«Le calcul est simple, il faut développer l’éolien à peu près cinq fois plus vite que ce que nous avons fait à date», poursuit le PDG d’Hydro-Québec. 

Rappelons qu’en ce moment, Hydro-Québec dispose d’une capacité installée d’environ 40 000 MW.  

 

Des projets d’échelle pour des économies d’échelle  

En devenant maître d’œuvre des futurs projets éoliens de grande ampleur dans la province, Hydro-Québec pense être en mesure d’effectuer des économies d’échelle oscillant autour de 20%, afin notamment de garder les tarifs d’électricité les plus bas possible.   

«Dans un monde où les chaînes d’approvisionnement sont tellement sous pression, c’est une façon pour nous de mettre le Québec sur le radar des producteurs (de turbines, par exemple)», explique Michael Sabia. 

«Le Québec est une juridiction assez petite. Mais avec un plan de cette envergure, ça communique aux fabricants qu’il y aura une demande durable sur une longue période avec des volumes importants. Normalement, ça vient avec des réductions de coût.» 

 

Acceptabilité et coordination  

Hydro-Québec espère surtout que sa grande entrée dans la construction de parcs éoliens favorisera l’acceptabilité sociale de ces projets. «Sans acceptabilité, il n’y a pas de projets. Point à la ligne. C’est une grosse, grosse, commande», affirme Michael Sabia.  

Pour y parvenir, les municipalités et les Premières Nations auront l’occasion d’intégrer l’actionnariat des nombreux projets à venir. 

Bien que cela n’ait pas toujours été le cas en ce qui a trait à la construction d’éoliennes, Michael Sabia assure qu’elles seront impliquées dès les premières étapes des projets. Ce que le PDG qualifie «d’approche communautaire».  

Accueillie avec inquiétude dans le secteur privé, l’annonce de jeudi l’a été tout autrement dans le monde municipal. 

«Hydro-Québec vient reconnaître aujourd’hui le rôle incontournable des gouvernements de proximité dans l’atteinte des cibles de production d’énergie renouvelable et de décarbonation du Québec. La contribution du milieu municipal est essentielle pour favoriser l’acceptabilité sociale des projets», a d’ailleurs commenté Martin Damphousse, président de l’Union des municipalités du Québec.  

Mais à chaque étape, insiste Michael Sabia, de la priorisation des zones à la réalisation des projets, «Hydro sera présente en tant qu’institution publique avec une vision intégrée du système énergétique.» 

«Cette stratégie est selon nous le seul moyen de rendre l’énergie disponible de manière socialement acceptable, plus vite et au meilleur coût possible pour décarboner et pour créer de la richesse», ajoute-t-il.  

Important est-il de rappeler qu’Hydro-Québec ne possède pas l’expertise nécessaire à la construction de ces grands parcs éoliens qui verront le jour dans la province. La société d’État entend investir pour bâtir son expertise dans le secteur. Même si elle n’exclut pas de construire dans le futur ce que Michael Sabia a comparé à des «parcs industriels», Hydro assumera pour le moment un rôle de «coordination».  

Une coordination qui n’existe pas actuellement selon le PDG. «Le modèle actuel est structuré par des appels d’offres « all over the place ». Ça ne représente pas un système robuste, stable, bien structuré.» Sans vouloir blâmer le secteur privé, Michael Sabia ne croit pas que celui-ci est capable de livrer les ambitions de la société d’État. 

«Il y a des choses qui manquent. Un élément de coordination et une action suffisante sur la question des partenariats pour améliorer la question de l’acceptabilité sociale. Il faut avoir les deux. Et étant donné l’importance des parcs nécessaires pour arriver à 10 000 MW, ça demande un haut niveau de collaboration et de coordination. Ça n’existe pas actuellement dans notre système. Donc, qui va le faire? Selon nous, c’est notre rôle. De travailler avec les communautés et selon nos besoins, avec le secteur privé.»