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Jean-Sébastien Jacques, le bouc émissaire de Rio Tinto?

Olivier Schmouker|Publié le 11 septembre 2020

Le PDG a dû démissionner à cause du dynamitage d'un site ancien aborigène, ce qui ne résout rien selon une experte...

Après une enquête du conseil d’administration de Rio Tinto, son président Simon Thompson a annoncé hier la démission du PDG Jean-Sébastien Jacques ainsi que celles de Chris Salisbury, le directeur de la division minerai de fer, et Simone Niven, la directrice des communications. C’est que le géant minier Rio Tinto a effectué en mai le dynamitage d’un site ancien aborigène, une destruction qui a provoqué de vives émotions en Australie.

«Ce qui s’est passé à Juukan est une faute, et nous sommes déterminés à faire en sorte que la destruction d’un site patrimonial d’une importance archéologique et culturelle aussi exceptionnelle ne se reproduise plus jamais lors d’une opération de Rio Tinto, a affirmé M. Thompson par voie de communiqué. Nous avons ainsi écouté les préoccupations de nos actionnaires selon lesquels le manque de responsabilité individuelle dans la haute-direction a compromis la confiance qu’ils avaient envers Rio Tinto. Et nous nous engageons à ce que des changements appropriés soient effectués en ce sens.»

Jean-Sébastien Jacques restera dans ses fonctions jusqu’à ce qu’un successeur soit nommé, ce qui doit survenir au plus tard le 31 mars 2021. Quant aux deux autres dirigeants, ils quitteront l’entreprise le 31 décembre 2020. Les trois hauts-dirigeants avaient déjà dû renoncer en août à certaines primes, lesquelles s’élevaient à 4,7 M$ pour M. Jacques.

«La démission du PDG de Rio Tinto est un moyen facile et rapide de remédier aux retombées négatives de la destruction à l’explosif de la grotte de Juukan Gorge, en Australie-Occidentale, un des sites de peuplement les plus anciens d’Australie. Elle résulte sûrement de la pression des actionnaires. Mais cette «solution» revient, en vérité, à la désignation d’un bouc émissaire; le groupe anglo-australien présente ainsi une «solution miracle» à une faute grave, mais il ne règle pas le problème de fond, qui est qu’une telle faute a pu être commise», commente Irina Surdu, professeure, stratégie commerciale internationale, de l’Université de Warwick (Grande-Bretagne).

«Un exemple frappant de l’absence de véritable prise de conscience du problème de fond, c’est que, comme chaque fois qu’un scandale survient, les hauts dirigeants remerciés vont néanmoins recevoir une indemnité conséquente consécutive à leur départ, poursuit la professeure spécialisée dans les scandales financiers. M. Jacques, comme peut-être les deux autres hauts dirigeants en question, va, en toute logique, sortir de l’entreprise sans trop de casse, grâce à son «parachute doré».»

Et d’enfoncer le clou: «La réputation de Rio Tinto va-t-elle en être vraiment affectée? interroge Mme Surdu. On peut en douter, car les sociétés minières ont, de toute façon, mauvaise presse, ces temps-ci. Et lorsqu’un problème se profile à l’horizon, elles le «règlent» au plus vite – comme là avec le départ du PDG, lequel fait office de bouc émissaire – pour mieux reprendre le cours normal de leurs activités.»