L’agriculture doit changer pour le climat, mais aussi l’industrie
La Presse Canadienne|Publié le 12 Décembre 2019«La crise climatique et la crise agricole partagent plusieurs des mêmes causes.»
L’agriculture doit changer pour aider la lutte au changement climatique, mais aussi pour sauver l’industrie selon une organisation d’agriculteurs.
Un rapport publié mercredi par l’Union nationale des fermiers (UNF) conclut que certains éléments de l’agriculture mixte à l’ancienne, combinés aux dernières technologies, peuvent permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre et aussi de garder plus de familles agricoles en affaires.
«La crise climatique et la crise agricole partagent en fait plusieurs des mêmes causes», a déclaré la présidente du syndicat des cultivateurs, Katie Ward, qui élève une centaine de moutons près d’Ottawa.
Le rapport fait des liens entre les émissions croissantes de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture et certains changements qui ont permis à l’industrie de grandir, mais qui ont aussi fait augmenter les dépenses des agriculteurs, rendant l’agriculture moderne trop dispendieuse pour certaines familles.
Les dettes agricoles ont doublé depuis 2000, indique le rapport, et la plupart des revenus des familles agricoles proviennent désormais de l’extérieur de la ferme.
Le rapport pointe du doigt le prix élevé des intrants agricoles tels que le carburant et les engrais, qui sont tous deux des produits pétroliers. Les intrants absorbent 95% des revenus agricoles, indique le rapport.
L’agriculture génère environ 8% des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Le rapport suggère des moyens de réduire de moitié ces émissions d’ici 2050.
Toujours selon le rapport de l’UNF, les biocarburants et l’électrification réduiraient les émissions et les coûts – des tracteurs électriques sont déjà en cours de développement. La production d’électricité renouvelable à la ferme serait également profitable aux agriculteurs. Il en serait de même pour une utilisation plus efficace des intrants agricoles, grâce à la technologie.
Mais ce qui est important, c’est de s’éloigner de l’agriculture à gros budget, à grande superficie et qui utilise de grosses machines, conclut le rapport.
«S’il existe une agriculture régénératrice, on la trouve probablement dans les systèmes d’agriculture mixte qui utilisent des cycles naturels de nutriments, une variété d’animaux et de plantes et les meilleures méthodes de pâturage pour restaurer les sols, augmenter les niveaux de carbone, protéger l’eau, améliorer la biodiversité et soutenir des moyens de subsistance durables.»
Garder les intrants au minimum et labourer le sol le moins possible réduiraient les émissions de gaz à effet de serre et laisseraient plus de revenus aux agriculteurs, a déclaré Katie Ward. Cela permettrait aux agriculteurs de gagner leur vie avec de plus petites exploitations.
«Nous ne parlons pas de retourner à « La Petite Maison dans la prairie ». Mais il y a une raison pour laquelle il existe un équilibre dans les systèmes naturels. Il y a une leçon à tirer pour les agriculteurs.»
Keith Currie, vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture, est d’avis que les consommateurs recherchent une agriculture à faible impact sur l’environnement.
Selon lui, il y a de la place pour tous les types de fermes.
«Mais la réalité est que les consommateurs obligent les producteurs à leur vendre la nourriture la moins chère possible. Gérer une petite ferme n’est tout simplement pas assez rentable» a ajouté celui qui cultive des céréales et des oléagineux près de Collingwood, en Ontario.
Quelque chose doit changer, a déclaré Colin Laroque du College of Agriculture de l’Université de la Saskatchewan.
La durabilité repose sur des facteurs sociaux et environnementaux ainsi que sur l’argent, a déclaré M. Laroque. Mais les marges sont si étroites que l’économie motive la prise de décision.
«L’environnement et l’aspect social doivent être là aussi, sinon le château de cartes s’effondre. L’économie dirige les décisions, mais ne tient pas compte de ce qui est bon pour ma terre.»
Tous ces agriculteurs conviennent que le changement doit être encouragé, au moins en partie, par les gouvernements.
Selon Colin Laroque : «Si le gouvernement ne l’incite pas d’une manière ou d’une autre, il n’y a aucune raison de changer et les banques continueront de gagner et les agriculteurs continueront d’acheter les gros équipements.»