«Les revenus (pétroliers) de la Russie sont inférieurs de près de 50% à ce qu’ils étaient il y a un an», a rappelé un haut fonctionnaire de l’administration américaine mardi. (Photo 123RF)
Outil inédit dans l’attirail des sanctions infligées à la Russie après l’invasion de l’Ukraine, le plafonnement du prix du pétrole brut russe a contribué à modérer les recettes pétrolières de Moscou, mais il entre dans sa véritable phase test alors que les cours montent au-dessus du seuil.
«Les revenus (pétroliers) de la Russie sont inférieurs de près de 50% à ce qu’ils étaient il y a un an», a rappelé un haut fonctionnaire de l’administration américaine mardi.
Pour mesurer le succès de cette politique, il faut regarder si «les revenus globaux de la Russie souffrent ou non par rapport à un marché sans restrictions», a-t-il précisé.
Entré en vigueur début décembre 2022 et pensé par les pays du G7, le mécanisme impose que seul le pétrole vendu à un prix égal ou inférieur à 60 dollars le baril puisse continuer à être livré.
Au-delà, il est interdit pour les entreprises basées dans les pays de l’UE, du G7 et en Australie de fournir les services permettant le transport maritime (négoce, fret, assurance, armateurs, etc.) du brut russe.
L’idée est de frapper la manne financière de la Russie en plafonnant ses recettes pétrolières, tout en gardant une incitation économique suffisante pour que le pays continue de vendre son pétrole à prix réduit plutôt que de retirer ses barils du marché, ce qui entrainerait une flambée des cours.
«Le plafonnement des prix du G7 a accompli ce pour quoi il avait été conçu: limiter les revenus de la Russie tout en maintenant le pétrole sur le marché», résume à l’AFP Matthew Holland, analyste chez Energy Aspects.
Avant la guerre, les recettes pétrolières russes constituaient environ un tiers du budget du pays, contre 25% en 2023, a affirmé jeudi le secrétaire adjoint par intérim à la politique économique américaine Eric Van Nostrand.
Les volumes d’exportation russes sont quant à eux restés «étonnamment stables», abonde Helge André Martinsen, analyste chez DNB.
Pour inciter les acheteurs à ne pas se détourner du brut russe, Moscou offrait en effet «des contrats de livraison de pétrole à long terme avec des rabais considérables, de l’ordre de 30% en dessous du prix du Brent, à des acheteurs d’Asie du Sud-Est et en Inde», a ajouté mardi le haut fonctionnaire américain.
Côté cour depuis décembre, le Brent, variété référence de l’or noir en Europe, s’est maintenu sous 90 dollars, quand son équivalent américain, le WTI, n’a pas dépassé les 85 dollars le baril.
Au-dessus du seuil
En huit mois, l’Oural, la variété de référence du pétrole russe, s’est en grande majorité échangé sous le prix fixé des 60 dollars le baril.
Mais depuis, le marché s’est considérablement tendu. Neuf pays de l’Opep+ (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés), dont Ryad et Moscou, les deux poids lourds du groupe, ont instauré depuis mai des baisses volontaires de production pour un total de 1,6 million de barils quotidiens jusqu’à 2024.
En juin, l’Arabie saoudite a annoncé une réduction volontaire additionnelle de production d’un million de barils par jour pour juillet, prolongée par la suite pour août. Lui emboitant le pas, la Russie a quant à elle déclaré réduire ses exportations de brut de 500 000 barils par jour en août.
Mi-juillet, la variété russe de brut a franchi la limite des 60 dollars, a rapporté la presse financière en se basant sur les données d’Argus Media.
«Il pourrait s’agir du premier véritable test du plafonnement des prix», souligne de son côté Helge André Martinsen.
Pour Matthew Holland, le dépassement du plafond devrait surtout «réduire l’intérêt de certains acheteurs» comme l’Inde, en raison des risques liés aux sanctions.
«Nous savons que (…) la Russie tentera d’échapper au plafonnement des prix», a prévenu Eric Van Nostrand.
Mais cela a un «coût», a-t-il insisté, mentionnant les investissements conséquents que «le gouvernement russe fait dans la flotte fantôme ou dans ses propres compagnies d’assurance pour vendre au-dessus du plafond».
Pour Han Tan, analyste chez Exinity, «les véritables objectifs de ce plafonnement des prix, tels que souhaités par l’Occident, ne se réaliseront que si les efforts de guerre de la Russie diminuent de manière significative».