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Le projet de loi 44 sur la transition énergétique inquiète

François Normand|Publié le 01 novembre 2019

«On ne souhaite pas retourner à l’époque du boom and bust», déclare le PDG de l'AQPER, Jean-François Samray.

La volonté de Québec de contrôler de A à Z la planification et l’articulation de la transition énergétique pour décarboniser l’économie québécoise inquiète les producteurs d’énergie verte, des spécialistes en énergie et l’opposition officielle.

Jeudi, le gouvernement de François Legault a présenté à l’Assemblée nationale le projet de Loi 44 visant la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification.

Ainsi, le Fonds vert devient le Fonds d’électrisation et de changements climatiques, et Québec transfère certaines de ses responsabilités au ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques.

Le gouvernement abolit aussi l’organisme Transition énergétique Québec (TEQ). Il confie ses responsabilités au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, qui devra élaborer un plan en transition, en innovation et en efficacité énergétiques.

Québec crée aussi un comité consultatif (constitué d’une majorité de scientifiques) qui conseillera le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette. Par contre, dans le cas du Fonds vert et de TEQ, on abolit le conseil de gestion de ces deux organismes.

Joint par Les Affaires, Jean-François Samray, PDG de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER), affirme que son association appuie le gouvernement dans la transition énergétique et économique.

Mais dans le même temps, il indique que ses membres sont préoccupés par le manque de prévisibilité et de flexibilité qui pourrait découler de la nouvelle structure que Québec veut mettre en place avec le projet de loi 44.

«On ne souhaite pas retourner à l’époque du boom and bust, sans vision à long terme et sans signal clair pour les agents économiques», souligne Jean-François Samray.

Il fait référence à l’époque précédant la création de TEQ, où des programmes limités dans le temps provoquaient une ruée vers les subventions, une ruée suivie par une chute brutale des investissements à la fin des programmes.

Selon l’AQPER, la stabilité et la prévisibilité des programmes pour décarboniser l’économie sont essentielles pour les entreprises qui veulent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces deux éléments permettent de planifier plus efficacement leurs besoins en ressources humaines, en financement, en capital de production, sans parler de la R-D.

Un parc d’éoliennes (source photo: Getty)

La stabilité et la prévisibilité sont aussi le nerf de la guerre pour les équipementiers : une demande plus en moins constante pour leurs produits est beaucoup plus facile à planifier et à financer qu’une demande en montagnes russes imprévisibles.

Risque d’interventions politiques

Pierre-Olivier Pineau, spécialiste en énergie à HEC Montréal, estime pour sa part que le projet de loi 44 apportera un peu plus de «cohérence» dans la transition énergétique, avec un nouveau fonds dédié à la lutte aux changements climatiques.

Par contre, il craint que le rapatriement de la planification et l’articulation des programmes au sein des deux ministères n’augmentent la possibilité d’interventions politiques dans le processus.

«Il y a un risque que le gouvernement finance des projets pour des raisons électorales», souligne Pierre-Olivier Pineau.

Pour sa part, Carlos Leitao, porte-parole de l’opposition officielle libérale en matière de finances, estime que la réforme proposée par le projet de loi 44 «n’est pas une bonne idée».

À ses yeux, il s’agit d’un retour en arrière à un type de structure qui était déjà problématique au milieu des années 2010. En 2014, le Commissaire au développement durable a produit un rapport qui dénonçait le dysfonctionnement du Fonds vert.

C’est pourquoi l’ancien gouvernement libéral a créé un conseil de gestion pour tenter de corriger le tir. Or, le projet de loi 44 abolit ce conseil.

Le député de Robert-Baldwin s’inquiète aussi de l’abolition de TEQ, car elle a développé une expertise intéressante et pertinente pour décarboniser l’économie québécoise.

Il ne croit pas non plus que le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles ait l’expertise pour gérer les responsabilités de TEQ.

Les libéraux ont créé cette agence en 2017, et ce, après avoir eux-mêmes aboli l’ancienne Agence de l’efficacité énergétique (créée par les péquistes en 1997) pour la transformer en un bureau au sein du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles

O, ce bureau était inefficace en raison des «lourdeurs inhérentes à la prise de décision dans un ministère», souligne Le Devoir.

C’est pourquoi les libéraux ont décidé de créer TEQ.