«Il y a un moment où General Motors et ses fournisseurs envisageaient d’y aller très gros au Québec. Au-delà de tout ce que nous n’avions jamais annoncé», dit Simon Thibault, leader, achat global, chez GM. (Photo: Josée Lecompte)
«Trois fois plus chère» qu’en Corée du Sud, «15% à 20% de plus que dans l’État du Tennessee». L’usine que construit GM en partenariat avec l’entreprise coréenne Posco à Bécancour est déjà bien avancée, mais le géant américain pourrait mettre d’autres «belles idées» sur la glace au Québec en raison des coûts de construction.
«Il y a un moment où General Motors et ses fournisseurs envisageaient d’y aller très gros au Québec. Au-delà de tout ce que nous n’avions jamais annoncé», dit Simon Thibault, leader, achat global, chez GM, dont la tâche principale consiste à construire une chaîne d’approvisionnement viable pour l’usine Ultium Cam de Bécancour, mais aussi pour les autres usines de GM en lien avec les voitures électriques en Amérique du Nord.
« Maintenant, ce qu’on vit à Bécancour, ce qu’on voit se développer comme écosystème industriel au Québec, ce sont des coûts très élevés en construction par rapport à ce que l’on voit dans le reste de l’Amérique du Nord. Et là, je ne compare même pas avec l’Asie », confie celui qui agissait auparavant comme directeur principal de la filière batterie chez Investissement Québec.
Sans vouloir les nommer, Simon Thibault avance que les coûts de construction au Québec ont pour conséquence d’inciter GM à «y remettre en question de belles idées. Aucun projet concret qui a déjà été annoncé n’est remis en question. Ce qui est remis en question, ce sont de belles idées. On se demande si nous allons les faire au Québec ou plutôt ailleurs», avance-t-il en entrevue avec Les Affaires.
Après une absence de plus de 20 ans dans la province, le constructeur américain est revenu par la grande porte en 2023 avec le début de la construction de l’usine Ultium Cam à Bécancour. Celle-ci est construite en partenariat avec la coréenne Posco, qui est majoritaire dans le projet.
Une fois qu’elle roulera à pleine capacité, d’ici la fin 2026 estime GM, l’usine devrait produire 34 000 tonnes de matériaux actifs de cathode (environ 40% du coût d’une batterie lithium-ion).
Le projet est estimé à plus de 600 millions de dollars (M$), avec une participation du gouvernement du Québec qui avoisine les 160M$. Il fait partie des plus importants investissements de la filière batterie derrière Northvolt (Montérégie), Ford EcoPro BM (Bécancour) et Volta (Granby).
« Le statu quo n’est pas viable »
« Ce qui se passe avec la filière batterie et tous les autres projets de la transition énergétique, c’est un peu la tempête parfaite qui fait que nous réalisons que notre système ne fonctionne pas. À moins que collectivement et politiquement des décisions soient prises pour améliorer la façon avec laquelle l’industrie de la construction fonctionne au Québec, je pense que nous allons frapper de gros murs dans le futur », exprime Simon Thibault.
Il n’y a pas que les coûts, mais aussi le déficit de productivité dans la construction qui pourrait, à terme, freiner la volonté du Québec de devenir un acteur incontournable dans la transition énergétique qui s’opère à l’échelle mondiale.
Sur ce point, les plus récentes données de l’Association de la construction du Québec (ACQ) sont sans équivoque. La productivité dans le secteur de la construction au Québec est inférieure à la moyenne canadienne, et l’écart avec l’Ontario se situe à 13%. « Nous avons le potentiel de faire mieux », exprimait l’ACQ lors de la publication d’une étude sur le sujet en 2023.
Pour GM, ce déficit de productivité signifie que l’usine de Bécancour prendra au moins 4 mois de plus que son équivalent dans l’État du Tennessee.
« On doit apprendre à revoir nos façons de faire en construction. Le statu quo n’est pas viable, tranche Simon Thibault. C’est à ce point où nous allons remettre en question des investissements futurs au Québec. Il faut apprendre à contrôler nos coûts de construction au Québec parce qu’à long terme, ça ne fonctionnera pas, c’est certain. »
Directeur, projets d’investissements chez Nano One, une entreprise de la Colombie-Britannique qui possède une usine de production de matériaux de cathode à Candiac, Ian Bernier abonde dans le même sens que son homologue de GM.
« On veut encourager nos commerces locaux, les sous-traitants et la main-d’œuvre locale, mais pas à n’importe quel prix. C’est une facture que l’on va refiler tout au long de la chaîne, jusqu’à l’utilisateur. Il y a un moment où ça ne passe pas », dit-il.
« Notre taux de productivité est très inférieur à ce que l’on peut voir chez nos voisins du Sud. Dans le passé, ça ne nous a pas fait mal. Mais quand nous nous mettons dans le contexte de la filière batterie, ça devient un élément très important. »
En ce moment, se demande-t-il, «est-ce que nous sommes compétitifs au Québec? Est-ce que nous sommes capables de livrer des équipements dans les coûts et dans un délai raisonnable? La réponse est non».
« Quand on compare avec les États-Unis ou même l’Ontario, on constate des hausses de coûts importantes, spécifiquement au Québec. Cela crée pour nous des défis pour bâtir une chaîne d’approvisionnement entièrement au Québec.