Les entreprises québécoises pourraient économiser 5 G$
François Normand|Édition de la mi‑février 2019Alors qu'elles veulent constamment réduire leurs coûts, les entreprises du Québec passent pourtant en grande partie ...
Alors qu’elles veulent constamment réduire leurs coûts, les entreprises du Québec passent pourtant en grande partie à côté d’un important gisement d’efficacité énergétique évalué à près de cinq milliards de dollars.
C’est l’estimation que font Geneviève Gauthier et Pierre Langlois, respectivement directrice nationale et PDG d’Econoler, une firme de consultants de Québec spécialisée dans l’efficacité énergétique active et qui réalise des mandats dans le monde entier.
«Le potentiel technique faisable et économiquement viable est énorme, mais il est très peu exploité», constate Pierre Langlois, qui cumule plus de 30 ans d’expérience dans le secteur.
Ces deux spécialistes viennent de publier l’ouvrage Perspectives canadiennes de l’efficacité énergétique : un effort national pour lutter contre les changements climatiques, qui brosse un portrait de la situation (bilan, programmes, etc.) dans les provinces et les territoires du pays. À leur connaissance, il n’existe pas d’étude publique qui établit le potentiel technico-économique de l’efficacité énergétique au Québec.
Les deux spécialistes arrivent toutefois à une estimation d’un potentiel de 5 G $ au Québec par déduction logique.
La Politique énergétique 2030 du gouvernement du Québec établit une cible de 15 % de l’amélioration de l’efficacité énergétique par rapport aux niveaux de 2013. Cette année-là, les dépenses énergétiques dans la province avoisinaient les 34 G $.
«Sur la base de ces chiffres, il est raisonnable de croire que le potentiel est d’environ 5 G $», affirme Geneviève Gauthier.
Plusieurs facteurs expliquent pourquoi le gisement d’efficacité énergétique est peu exploité au Québec, selon Mme Gauthier et M. Langlois.
Les principales barrières sont la méconnaissance des avantages de l’efficacité énergétique (une consommation d’énergie réduite diminue les coûts), le manque d’information à propos des programmes existants ainsi que l’accès déficient au financement auprès des institutions financières.
«Le financement est l’une des plus grandes barrières au Canada», souligne M. Langlois. La réticence de certaines institutions à financer l’efficacité énergétique tient au fait que ces projets ne font pas augmenter la valeur des actifs d’une société.
Les financiers préfèrent donc passer leur tour, et ce, même si l’efficacité permet d’améliorer la rentabilité des entreprises et, par conséquent, leur capacité à rembourser un emprunt.
Du reste, le rendement de l’investissement est relativement rapide pour les entreprises qui investissent dans la réduction de leur consommation d’énergie, selon la récente étude «The Case For Investing in Energy Productivity», publiée par le McKinsey Global Institute.
Il s’établit en moyenne à 17 % en Amérique du Nord, précise Mme Gauthier.
Par exemple, si une entreprise investit 1 million de dollars dans un projet, elle réalisera une économie de 170 000 $ dès la première année. Cela lui prendra donc 5,9 années pour rentabiliser son investissement.
Enfin, le signal de prix n’est pas nécessairement une mesure incitative déterminante pour pousser des entreprises vers l’efficacité énergétique, fait remarquer Pierre Langlois.
Par exemple, les Caraïbes sont l’une des régions où les tarifs de l’électricité sont les plus élevés du monde. Or, ce sont des économies où les entreprises sont très inefficaces dans leur consommation d’énergie.
En revanche, l’Inde est l’un des pays où les prix de l’électricité sont les plus bas, et ce, en raison des subventions du gouvernement. Malgré tout, ce pays met en place de nombreux programmes d’efficacité énergétique, notamment pour réduire la facture des contribuables indiens.