Les feux coûteront de 10,5 à 13,5G$ à l’économie québécoise
François Normand|Publié le 10 octobre 2023Une vue des incendies de forêt à Lebel-sur-Quévillon, en Jamésie, dans le Nord-du-Québec, le 23 juin 2023. (Photo: Getty Images)
EXCLUSIF. Les feux de forêt qui ont ravagé le territoire québécois depuis ce printemps auront un impact d’au moins 10,5 à 13,5 milliards de dollars (G$) sur l’économie (en bonne partie dans l’industrie du sciage), selon une estimation préliminaire effectuée par le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).
«Cette estimation tient compte des coûts initiaux des incendies et des coûts à long terme», explique à Les Affaires son PDG Jean-François Samray, en précisant que plusieurs données ne sont pas encore disponibles et qu’une estimation plus approfondie sera donc nécessaire dans les prochains mois.
Pour effectuer cet exercice, le CIFQ a utilisé la méthodologie du Forest Economic Advisors (FEA), une firme d’analyse indépendante de l’Oregon, qui analyse entre autres l’impact économique des feux de forêt dans cet État forestier de la côte ouest américaine.
Outre les pertes de revenus des scieries, l’estimation de l’impact économique de 10,5 à 13,5G$ du CIFQ tient compte de quatre grands facteurs, et ce, à court terme (de 1 à 2 ans) et à long terme (plus de 2 ans):
Perte nette à court terme (de 5,0 à 7,1G$):
- la valeur du bois (le bois destiné à la récolte qui a été brûlé) ;
- les coûts de suppression et de récupération (les coûts pour lutter contre les incendies de la SOPFEU et les programmes de soutien pour récupérer le bois).
Perte à long terme (de 5,5 à 6,4G$):
- les effets de possibilité (la réduction de la possibilité forestière en fonction de l’effort qui seront déployés en travaux sylvicoles) ;
- leur impact sur les revenus gouvernementaux de la vente de bois rond auprès des scieries québécoises.
La fourchette de 3G$ dans l’estimation de l’impact économique s’explique par l’ampleur des efforts qui seront déployés — principalement par le gouvernement du Québec — pour aider les entreprises à récolter le bois brûlé et réaliser des travaux sylvicoles afin de relancer la production forestière, souligne Jean-François Samray.
«Si on fait les travaux minimums pour remettre la forêt en production, la réduction de la possibilité forestière s’établira à quelque 6,3G$, selon nos calculs. En revanche, si on fait un maximum d’efforts, on pourrait limiter cette perte à seulement 2,5G$», affirme-t-il.
Une estimation «conservatrice»
Du reste, ce dernier fait remarquer que l’estimation de 10,5 à 13,5G$ est «conservatrice», car les économistes du CIFQ n’avaient pas en main toutes les informations pour estimer les pertes totales de manière préliminaire.
Par exemple, comme on peut le constater sur ce tableau, ils n’avaient pas à leur disposition la valeur du bois «prémature» qui a été brûlé et les pertes des équipements forestiers détruits par les incendies, précise Alexandre Larouche, directeur adjoint, économie et marché au CIFQ.
Les feux de forêt auront un impact d’au moins de 10,5 à 13,5G$ sur l’industrie du sciage et le reste de l’économie. (Tableau et source: CIFQ)
Selon le CIFQ, les feux de forêt ont aussi engendré d’autres impacts économiques, qui sont à la charge du gouvernement et de l’ensemble de la société québécoise — ces coûts sont donc exclus de l’estimation de 10,5 à 13,5G$.
Mentionnons par exemple les coûts de l’État québécois pour évacuer des gens durant les feux de forêt dans plusieurs régions du Québec.
Il y a aussi les coûts générés en raison des fermetures de commerces (biens et services) dans les communautés évacuées.
Pour sa part, Hydro-Québec a réalisé des pertes de revenus en raison des perturbations sur son réseau électrique, qui ont provoqué des pannes de courant.
Enfin, les incendies ont aussi fait augmenter les dépenses en santé pour soigner les gens qui ont rencontré des difficultés respiratoires, sans parler des personnes incommodées par la fumée qui ont dû prendre congé au travail.
Que fera le gouvernement du Québec?
Le CIFQ publie cette estimation préliminaire de l’impact économique de feux de forêt sur l’industrie du sciage dans l’espoir que Québec fasse tous les efforts nécessaires pour relancer la production forestière, confie Jean-François Samray.
«Il faut réaliser l’importance du secteur forestier sur l’économie des régions et celle du Québec», dit-il. Les décisions qui vont se prendre dans les prochains mois pourraient réduire l’impact économique de cette saison des incendies hors du commun.»
Il rappelle que le secteur forestier québécois est un important contributeur aux exportations du Québec, et par conséquent à notre balance commerciale.
En 2022, les exportations du bois du Québec étaient notre sixième poste d’expédition de marchandises dans le monde (2,5G$), et le cinquième en importance aux États-Unis (2,3G$), selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
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