Les malheurs du pétrole font le bonheur du secteur gazier
La Presse Canadienne|Publié le 17 août 2020Les producteurs ont cessé de forer afin d’éviter de vendre à perte au début de la crise. Ça a rapporté.
Mike Rose dit qu’il ne veut pas attirer « le mauvais œil », mais il reconnaît que ce n’est pas si mal de diriger la plus importante entreprise gazière du pays.
Si de nombreuses sociétés pétrolières ont dû réduire leur production et leurs investissements pour faire face à la baisse massive de la demande du brut cette année, Tourmaline Oil a pu acheter des actifs, exploiter ses 10 plateformes de forage et produire plus que prévu.
« La crise a secoué le secteur pétrolier en mars et en avril. Tous les gouvernements et l’industrie ont gémi, raconte M. Rose, qui est le PDG de Tourmaline Oil depuis sa fondation en 2008. La réalité est que le secteur gazier a dû affronter un cours terrible pendant cinq ans, mais ça, ça ne semblait pas être une crise aussi grave. Les producteurs de gaz naturel ont su survivre à des prix très bas pendant de longues périodes. C’est pourquoi nous sommes en meilleure santé. »
Le gaz naturel a été considéré par plusieurs comme un sous-produit, non rentable pendant plus d’une décennie. La profusion du gaz de schiste en Amérique du Nord a fait descendre les prix.
Sa situation s’est aggravée lorsque des moyens techniques ont été adaptés pour extraire de pétrole brut des formations de schiste souterraines étanches au Canada et aux États-Unis. Du même coup, ce sont des milliards de pieds cubiques de mazout qui sont apparus sur le marché.
Quand le conflit commercial entre la Russie et l’Arabie Saoudite et la pandémie de COVID-19 ont éclaté plus tôt cette année, les producteurs ont cessé de forer afin d’éviter de vendre à perte.
Mais cette décision a créé une pénurie, donc une hausse des prix, des sous-produits du gaz naturel.
Les contrats à terme au centre de commercialisation de l’Alberta pour le gaz naturel à livrer l’année prochaine ont récemment atteint environ 2,75 $ par mille pieds cubes, un sommet depuis près de quatre ans. À titre comparatif, le prix d’équilibre pour Tourmaline est d’environ 1,75 $ par mille pieds cubes.
« À bien des égards, ce qui est mauvais pour le pétrole est bon pour le gaz naturel », formule Jordan McNiven, un analyste chez Tudor Pickering Holt & Co.
Une augmentation saisonnière de la demande de gaz naturel au cours de l’hiver, combinée à une reprise attendue de la demande mondiale de gaz naturel liquéfié, pourrait stimuler les prix du gaz naturel en Amérique du Nord, croient des experts.
« Nous sommes positifs pour le prix du gaz naturel. Nous avons pu voir les raisons pour lesquelles il pourrait fléchir plus haut », dit Robert Fitzmartyn, responsable de la recherche institutionnelle énergétique chez Stifel FirstEnergy.
La montée en puissance du gaz naturel a été remarquée chez Canadian Natural Resources Ltd., le géant des sables bitumineux de Calgary.
En mai, l’entreprise a annoncé qu’elle redémarrera le forage sur ses champs de gaz naturel longtemps ignorés pour ajouter environ 60 millions de pieds cubes par jour à sa production de longue date d’environ 1,4 milliard de pieds cubes par jour.
Plus tôt ce mois-ci, elle a annoncé un accord de 461 millions $ pour acheter son rival, Calgary Painted Pony Energy Ltd., qui produit 270 millions de pieds cubes par jour de gaz naturel dans le nord-est de la Colombie-Britannique.
« Lorsque nous sommes entrés dans cette année, nous pensions que les prix seraient un peu plus bas », a reconnu le président de Canadian Natural, Tim McKay, dans une interview après la publication des résultats du deuxième trimestre la semaine dernière.
« Ils ont été assez élevés pour nous donner l’occasion d’augmenter certains volumes. »
La chute des prix du pétrole se reflète aussi dans les cours des actions. Mardi, la seule action qui a progressé dans le secteur de l’énergie de l’indice S&P/TSX est celle de Tourmaline, qui a progressé de 6,77 % depuis le 1er janvier.
Les autres entreprises ont vu leurs actions perdre de 20 à 70 pour cent de leur valeur. Arc Resources, essentiellement un producteur de gaz naturel, a été la moins touchée par cette dégringolade, ayant subi une perte de 19,3 %.