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Les métaux précieux décrochent l’or

Charles Poulin|Édition de la mi‑octobre 2024

Les métaux précieux décrochent l’or

(Illustration: Sébatien Thibault)

Les métaux précieux et de base ont la cote auprès des investisseurs. Ils sont en effet propulsés par un cours de l’or qui bat des records et une transition énergétique qui fait de plus en plus appel à certains métaux pour décarboner notre planète. Y a-t-il encore une mine d’or cachée dans ce que plusieurs appellent « la plus vieille économie du monde » ?

Or, argent, palladium, cuivre, aluminium, zinc… Les métaux précieux font rêver les humains depuis des millénaires, tandis que ceux de base font saliver les entreprises qui tentent de trouver des solutions au réchauffement climatique.

Le 3 octobre, le cours de l’or atteignait un nouveau record (lui qui en a battu plusieurs depuis le début de 2024) à 2 683,40 $ US l’once. À pareille date, le cuivre avait progressé d’environ 1300 $ US en 12 mois pour atteindre 9395 $ US la tonne.

Ce n’est pas pour rien que les investisseurs tentent d’excaver ces métaux pour les mettre sur le convoyeur de leur portefeuille.

Différents véhicules d’investissement ont toutefois chacun leur niveau de risque et tous les métaux n’ont pas le même potentiel de rendement.

Liés à l’économie

Contrairement aux métaux précieux, la valeur des métaux de base est intrinsèquement liée à l’économie mondiale, remarque Jean-René Ouellet, vice-président à la stratégie au Mouvement Desjardins.

« Ceux-ci sont très étroitement liés à tout ce qui se passe sur les données économiques, essentiellement chinoises, explique-t-il. Les Chinois consomment de 40 % à 45 % de chacun des métaux de base sur la planète en ce moment. »

Sauf que l’économie chinoise s’est essoufflée depuis la pandémie, soulève-t-il.

« C’est vraiment à cause des faibles activités en Chine qu’on a vu le prix des métaux de base descendre, ajoute pour sa part Julie Hurtubise, conseillère en placement principale pour Gestion de patrimoine Hurtubise, Conseils de placements privés, Gestion de Patrimoine TD. On parle du cuivre, du zinc, de l’aluminium, on parle de tout. »

L’or, le cuivre… et les autres

Si l’or est littéralement l’étalon des métaux précieux sur la planète, il en va de même pour le cuivre du côté des métaux de base.

Stéphane Rochon, directeur général et stratège des actions à BMO, estime que les investisseurs devraient se concentrer principalement sur ces deux métaux qui offrent des possibilités de rendement plus intéressants.

« Ce sont vraiment l’or et le cuivre qui ont le plus de véhicules d’investissement, note Stéphane Rochon. Le palladium, oui, ça peut être intéressant et oui, il y a des applications industrielles, mais ce n’est pas un très gros marché. Le zinc aussi peut être intéressant, mais il n’y a pas tellement d’entreprises qui nous permettent d’y investir. La Russie en a plusieurs, mais personne n’ose investir là-bas actuellement pour des raisons assez évidentes. »

Transition verte

Le cuivre a également l’avantage d’être un métal essentiel pour effectuer la transition vers l’énergie verte, souligne Julie Hurtubise. L’électrification, notamment, nécessitera des masses importantes du métal cuivré.

« Dans les voitures hybrides et électriques [aussi], souligne pour sa part Stéphane Rochon. Chacune a besoin d’environ 115 kilogrammes (250 livres) de cuivre de plus qu’une automobile traditionnelle. Il faut aussi penser aux stations de chargement et à toute l’infrastructure. Il faut développer le système de transmission d’électricité. Tout ça, ça prend énormément de cuivre. Alors, c’est très, très prometteur à long terme. »

On peut également penser aux systèmes de production d’énergie verte, les panneaux solaires, par exemple.

Trop d’aluminium ?

À ce chapitre, l’aluminium est aussi un métal qui sera utilisé à profusion dans la transition énergétique. Mais, contrairement au cuivre, la capacité de production est suffisamment grande pour ralentir le rendement, estime-t-il.

« Nous sommes moins [optimistes] à propos de l’aluminium, enchaîne Stéphane Rochon. C’est vrai que c’est aussi un métal de transition énergétique et qu’il y a toutes sortes d’applications industrielles. C’est très utilisé et prisé dans l’aérospatiale, par exemple. Il y a par contre un problème de surproduction mondial. »

La demande sera au rendez-vous, mais l’offre devait être suffisante pour subvenir aux besoins, observe-t-il.

« Généralement, dans nos recommandations d’investissement, on n’aime pas celles qui sont trop axées sur une remontée spectaculaire de l’économie, parce qu’il n’y a personne qui sait si ça va se produire, laisse-t-il tomber. En ce qui concerne l’aluminium, il n’y a qu’à regarder le prix, qui n’a pas bougé depuis 2021, alors que le cuivre, malgré une certaine volatilité, a connu une bonne croissance en trois ans, tout comme l’or. »

Économie au ralenti, perspectives en accélération

Un investisseur qui voudrait se lancer dans les métaux de base devra toutefois faire preuve de prudence et de patience étant donné que l’économie mondiale fonctionne au ralenti.

« Dans le contexte actuel, il a des enjeux sur la vision qu’on a de l’économie chinoise, avance Jean-René Ouellet. Il y a des enjeux sur les investissements étrangers, la lutte à la COVID chez eux et les dérangements dans les chaînes d’approvisionnement. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a nettement moins d’entreprises qui veulent y investir que jadis, et la Chine décélère significativement. »

Il y a donc de la pression sur les métaux de base à court terme, ajoute-t-il. Mais lorsqu’il regarde à moyen et à plus long terme, il faudra des métaux de base comme le cuivre et l’aluminium pour réaliser la transition énergétique.

« Les perspectives de ces marchés à moyen et à plus long terme devraient être bonnes, mais à court terme, ce qui dit comment chacune de ces commodités-là évolue, ce sont essentiellement les données économiques chinoises », estime-t-il.

Et l’argent ?

Les investisseurs qui sont tentés de mettre leurs économies sur l’or pourraient aussi regarder du côté de l’argent. Il existe une assez bonne corrélation entre les deux, indique Stéphane Rochon, sauf que l’argent, en plus d’être un métal précieux, trouve aussi des applications industrielles, étant entre autres utilisé dans la fabrication d’interrupteurs électriques ou de panneaux solaires, d’appareils électroniques et d’électroménagers.

« En ce moment, les investisseurs mettent un peu plus l’accent sur l’aspect précieux de l’argent, soumet-il. Alors, je dirais que ce qui est bon pour l’or devrait être bon pour l’argent aussi. Il y a, par contre, moins de façons d’investir dans l’argent, mais il est possible de le faire notamment en achetant des actions du producteur Wheaton Precious Metals (WPM, 63,24 $ US). »

« Je pense que du point de vue de l’investissement, l’or, même dans un environnement où la croissance industrielle est relativement faible, peut se retrouver dans un environnement profitable, ajoute-t-il. Pour l’argent, ça prend une certaine croissance de la production industrielle pour vraiment faire augmenter la demande et donc le prix. C’est un métal que je considère comme plus sensible à l’économie que l’or. »

Risques

Les véhicules de placement sont multiples pour les métaux précieux et de base. À peu près toutes les institutions financières possèdent leurs propres fonds négociés en Bourse ou leurs fonds communs exposés au secteur, qu’ils soient aurifères, liés à l’argent ou aux métaux de base. Les Bourses ont également leurs indices (S&P TSX Global Base Metals Index, Dow Jones US Industrial Metals & Mining Index, Dow Jones Commodity Index Silver, etc.) auxquels sont liés des fonds indiciels.

Il faut toutefois vérifier adéquatement ce qui se trouve dans ces fonds. Certains intègrent aussi parfois d’autres entreprises du secteur des ressources naturelles, comme des producteurs d’engrais et de potasse.

Il est également possible d’investir en se procurant des titres d’entreprises cotées en Bourse. Mais attention, prévient Jean-René Ouellet. Il faut être en mesure de comprendre les risques liés à ces entreprises.

« Ce type d’investissement vient avec des risques qui sont importants, affirme-t-il. Il faut bien faire ses devoirs et bien choisir les entreprises auxquelles on s’expose. Regardez ce qui est arrivé à First Quantum (FM, 18,89 $), une minière canadienne qui possédait une exploitation de cuivre au Panama. L’entreprise s’est fait sortir du pays après avoir investi massivement sur la propriété. La mine pouvait être attrayante, mais le risque politique ou le risque de localité a créé une situation où, en perdant la mine, la société s’est retrouvée avec une destruction de valeur permanente. »

Conseils de l’expert

Faites vos devoirs

Jean-René Ouellet, vice-président à la stratégie, Mouvement Desjardins (Photo: courtoisie)

« Ce type d’investissement vient avec des risques qui sont important. Il faut bien faire ses devoirs et bien choisir les entreprises auxquelles on s’expose. Regardez ce qui est arrivé à First Quantum
(FM, 18,89 $), une minière canadienne qui possédait une exploitation de cuivre au Panama. L’entreprise s’est fait sortir du pays après avoir investi massivement sur la propriété. La mine pouvait être attrayante, mais le risque politique ou le risque de localité a créé une situation où, en perdant la mine, la société s’est retrouvée avec une destruction de valeur permanente. »