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L’industrie forestière pâtira de la hausse de la taxe sur le bois d’œuvre

François Normand|Publié le 15 août 2024

L’industrie forestière pâtira de la hausse de la taxe sur le bois d’œuvre

La ministre Mary Ng affirme que les États-Unis ont considérablement augmenté les droits de douane sur le bois d’œuvre résineux en provenance du Canada, qui passent de 8,05% à 14,54%. (Photo: Sean Kilpatrick La Presse Canadienne)

Les producteurs de bois d’œuvre perdent déjà de l’argent, et ils en perdront davantage en raison de la hausse de la taxe sur les importations de bois d’oeuvre canadiens aux États-Unis, affirme le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

«On passe d’une situation très difficile à une situation très très difficile», laisse tomber au bout du fil Michel Vincent, directeur économie et marchés au CIFQ, qui représente la plupart des producteurs de bois au Québec.

Cette semaine, le département américain du Commerce (DOE) a annoncé qu’il fait passer la taxe cumulative sur le bois d’œuvre (droits compensateurs et antidumping) de 8,05% à 14,54%. Cette hausse devrait être effective dans les prochaines heures, voire jours, selon le CIFQ.

Cette augmentation n’est pas une surprise pour l’industrie.

En début d’année, les États-Unis avaient porté le taux préliminaire à 13,86%, ce qui indiquait la hausse à venir du taux officiel que le DOC vient d’annoncer.

Les producteurs ne couvrent pas leurs coûts

Pour les exportateurs québécois de bois d’œuvre, le relèvement de la taxe survient dans une conjoncture de prix de marché continental ­très difficile, fait remarquer Michel Vincent.

«Comme les prix du bois sont très bas actuellement en Amérique du Nord, les producteurs ne couvrent même pas leurs coûts», dit-il, en précisant que les exportateurs paient déjà une taxe de 8,05% le 1000 pieds mesure de planche (pmp).

Par exemple, actuellement, à Montréal, le 2 x 4 random (différentes longueurs) s’échange à 570$ le 1000 pmp, selon les données du CIFQ.

«Pour permettre aux producteurs d’atteindre le seuil de rentabilité, il faudrait que ce prix soit plus élevé de plusieurs dizaines de dollars», affirme Michel Vincent.

Il fait remarquer que la taxe de 8,05% représente déjà un coût supplémentaire d’environ 45$ le 1000 pmp pour les producteurs. À un niveau de 14,54%, on parle d’un coût supplémentaire de 80$ à 85$ le 1000 pmp.

«C’est donc de 40$ à 45$ de plus qui est puisés directement dans les poches des scieries du Québec avec la hausse de la taxe à 14,54%», souligne l’économiste du CIFQ.

L’industrie craint une taxe encore plus élevée en 2025

L’organisme est très inquiet pour l’avenir, car il s’attend à une hausse plus importante de la taxe sur les importations de bois d’œuvre aux États-Unis en 2025.

Le département américain du Commerce fixe ce taux en fonction de plusieurs critères, à commencer par le prix du marché. Ainsi, plus le prix du bois est élevé, moins la taxe est élevée. En revanche, plus le prix est bas, plus le taux est haut.

Michel Vincent souligne que le DOC a fixé la taxe à 14,54% en s’appuyant sur le prix moyen de l’année 2022. En pleine pandémie de la COVID-19, les prix avaient évolué en montagnes russes, tantôt très hauts, tantôt très bas, affichant toutefois un prix régulier pour l’ensemble de l’année.

Or, les prix de l’année 2023 ont été très bas; Michel Vincent parle même de «prix pourris».

À ses yeux, en 2025, les Américains pourraient donc porter le taux à 25, 30, voire 35%, ce qui serait une catastrophe pour les exportateurs québécois de bois d’œuvre si les prix du marché demeurent déprimés.

Le cas échéant, à de tels niveaux, le coût supplémentaire pour les scieries pourrait bondir jusqu’à environ 175$ le 1000 pmp.

«Ça ne fera pas mal; ça va nous tuer!», confie Michel Vincent.

C’est pourquoi le CIFQ espère que les prix du marché augmenteront dans les prochains mois et en 2025.

Du reste, la situation ne manque pas d’ironie.

En 2021, la taxe sur l’importation canadienne de bois d’œuvre aux États-Unis s’élevait à 18,7%, soit un niveau plus élevé que celui décrété par le DOC cette semaine.

Toutefois, comme les prix du marché étaient élevés à l’époque, les producteurs du Québec faisaient des profits malgré tout.