L’industrie forestière veut revoir la façon d’exploiter la forêt
Trium Médias|Publié le 05 mars 2024(Photo: 123RF)
Avec les ravages causés par les feux de forêt l’an dernier et les nouveaux objectifs de préservation du gouvernement, il devient urgent de revoir la façon d’exploiter la forêt au Québec. Davantage de prévisibilité et la régionalisation des prises de décisions quant à l’aménagement de la forêt ont été demandées la semaine dernière lors des Tables régionales de réflexion sur l’avenir de la forêt à Alma.
Les feux de forêt de 2023 ont été exceptionnels par rapport aux données historiques disponibles. Ils ont brûlé 1,5 million d’hectares, dont près d’un million d’hectares sont destinés à l’aménagement forestier et retenus pour le calcul des possibilités forestières du Forestier en chef.
«C’est ce qui a précité la tenue des Tables régionales de réflexion sur l’avenir de la forêt», indique Daniel Bernard, adjoint gouvernemental à la ministre des Ressources naturelles et des Forêts.
La possibilité forestière du Québec, dont découlent les garanties d’approvisionnement en bois, sera également affectée par le Plan nature 2030, dont l’un des objectifs phares est de protéger 30% de la forêt québécoise d’ici 2030.
Par conséquent, soutient Daniel Bernard, «on se dirige probablement vers une diminution de la possibilité et des garanties». Il s’agit d’ailleurs d’un des principaux enjeux qui ont discutés par la cinquantaine d’élus et de représentants de l’industrie forestière qui étaient dans le cadre de Table régionale de réflexion sur l’avenir de la forêt d’Alma.
Pour une prise de décisions régionale
Afin de rendre l’exploitation forestière plus durable, il a notamment été proposé d’adopter une approche fondée sur un zonage différencié du territoire forestier. Dans ce modèle, les stratégies d’aménagement deviendraient basées sur les potentiels et les défis propres à chaque zone, ce qui permettrait d’élaborer des stratégies d’adaptation aux changements climatiques appropriées pour chaque partie du territoire.
Toutefois, pour ce faire, encore faut-il que la prise de décisions se fasse régionalement.
«Aujourd’hui, il n’y pas seulement les élus, mais bien l’ensemble des intervenants du milieu forestier, incluant les industriels, qui exigent une réelle décentralisation. On exige que les territoires forestiers soient pris en main par des décideurs locaux, qui eux, connaissent la réalité de leur territoire», affirme le préfet de la MRC de Maria-Chapdelaine, Luc Simard.
Approvisionnement en bois
L’approvisionnement en bois, crucial pour les usines de transformation comme les scieries, a également été au coeur des discussions. L’approvisionnement en matière ligneuse, lorsqu’il est insuffisant, constitue le point de départ d’un cercle vicieux.
D’abord, le manque de bois place les usines de transformation en situation de sous-production, ce qui se traduit ensuite par une perte de revenus et éventuellement par une incapacité à se procurer les volumes nécessaires pour revenir à une production optimale.
La nécessité de régionaliser la prise de décisions a aussi été mentionnée parmi les solutions visant à assurer une gestion efficace de l’approvisionnement en bois.
«Actuellement, les décisions se prennent beaucoup trop loin du terrain. La gouvernance est inadéquate. Il faut absolument s’assurer de ramener le processus décisionnel à l’échelle régionale», a plaidé Alain Paradis, directeur général de la Coop forestière Petit-Paris et de Produits forestiers Petit-Paris.
De son côté, Jonathan Perron, gestionnaire chez Produits Forestiers Résolu, soulève qu’actuellement, «la planification des récoltes répond seulement à des normes, et non à des objectifs». Une façon de faire problématique, croit-il, puisque la récolte y est planifiée indépendamment des spécificités de chaque territoire en termes d’essences et de volumes disponibles, par exemple.
Prévisibilité
L’enjeu de la prévisibilité des récoltes a également retenu l’attention.
«Ce dont on a besoin, c’est d’une prévisibilité. Une prévisibilité sur les volumes auxquels on aura accès dans un horizon d’au moins dix ans, ce que le régime forestier ne nous donne pas actuellement», estime le préfet de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, Louis Ouellet.
Yannick Baillargeon, président d’Alliance Forêt Boréale et préfet de la MRC de Domaine-du-Roy, est du même avis.
«On s’entend tous sur la gouvernance régionale, on s’entend tous sur le fait qu’on a besoin d’une vision globale sur notre forêt, on s’entend tous sur le fait qu’on a besoin d’une prévision à long terme. Ce que ça va représenter pour nos communautés forestières, c’est une amélioration de son tissu socioéconomique. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, on a 23 municipalités mono-industrielle forestières. Alors, qu’est-ce qui arrive demain matin si on n’a pas de prévisibilité ni de vision globale? On s’en va vers un déclin. Ça c’est certain.»
Par Yohann Harvey Simard, Initiative de journalisme local