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Lithium Amérique du Nord: Legault «doit intervenir»

François Normand|Publié le 11 mai 2021

Lithium Amérique du Nord: Legault «doit intervenir»

Le PDG de SRG Mining, Benoît La Salle, et fondateur de SEMAFO, un producteur canadien d’or en Afrique occidentale qui a été racheté en 2020 par Endeavor Mining. (Photo: courtoisie)

Le premier ministre François Legault doit s’impliquer personnellement dans le dossier de la reprise de Lithium Amérique du Nord (LAN) afin que la minière de l’Abitibi-Témiscamingue appartienne à des intérêts québécois et qu’elle fasse de la deuxième transformation de lithium au Québec, affirme le PDG de SRG Mining, Benoit La Salle.

«Il faut vraiment que le premier ministre intervienne, et que quelqu’un ait une vision globale de la stratégie du Québec [dans la filière du lithium]», souligne à Les Affaires le patron de SRG Mining, une entreprise de Ville Mont-Royal, qui a présenté une offre d’achat formelle pour racheter LAN, mais qui n’a pas été retenue.

Benoit La Salle, le fondateur de SEMAFO, un producteur canadien d’or en Afrique occidentale qui a été racheté en 2020 par Endeavor Mining, dit faire cette sortie publique parce que le lithium est très stratégique pour le Québec.

«Le lithium, c’est le pétrole des années 2020, 2030, et encore plus», dit-il.

C’est la raison pour laquelle il affirme que ce minerai doit être exploité par une entreprise québécoise, et que la transformation du spodumène de lithium en des carbonates ou des hydroxydes de lithium doit se faire dans la province et non pas à l’étranger.

Selon lui, sans deuxième transformation significative au Québec, les manufacturiers de batteries pour véhicules électriques n’auraient pas intérêt à s’implanter au Québec, comme le souhaite le gouvernement Legault.

Lithium Amérique du Nord, dont la mine est située à La Corne (près de Val-d’Or), est sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies depuis mai 2019. Elle est contrôlée par le manufacturier chinois de batteries CATL et Investissement Québec (le bras financier du gouvernement), les deux actionnaires ayant des créances garanties.

LAN cherche un investisseur pour prendre la place de la chinoise Jien International Investment (le troisième actionnaire, sans créance garantie), qui avait racheté en 2018 Québec Lithium avec IQ.

 

Actuellement à l’arrêt, la mine de Lithium Amérique du Nord à La Corne, en Abitibi-Témiscamingue, a déjà produit 180 000 tonnes de concentrés de lithium entre août 2017 et février 2019. (Photo: courtoisie)

 

SRG Mining, qui a deux projets miniers en Guinée, en Afrique de l’Ouest (dans le graphite et les métaux de base), a présenté une offre formelle pour acheter LAN auprès du syndic Raymond Chabot.

Après le rejet de son offre, l’entreprise a présenté une seconde offre d’achat, mais à l’«extérieur du processus», directement auprès de IQ et de CATL, explique Benoit La Salle, en précisant que la loi permet ce processus.

Il affirme que l’offre initiale présentée au syndic a été écartée parce que SRG Mining n’a pas proposé un prix de rachat suffisamment élevé.

L’homme d’affaires se dit déçu que l’expérience minière de son équipe et la volonté de SRG Mining de produire des carbonates ou des hydroxydes de lithium au Québec (la deuxième transformation) n’aient pas été davantage considérées.

 

Sayona Québec ou Central America Nickel

Pour l’instant, les vendeurs de Lithium Amérique du Nord ne regarderaient que les offres des deux entreprises qui sont toujours dans la course, soit Sayona Québec, une filière de l’australienne Sayona Mining, et Central American Nickel, une entreprise de Montréal.

Sayona Québec est dirigée par Guy Laliberté, un ingénieur avec 35 ans d’expérience dans la gestion de grands projets miniers et métallurgiques, selon son profil LinkedIn. Le dirigeant a récemment décliné notre demande d’entretien pour discuter de l’évolution du dossier de LAN.

Cette minière australienne a déjà deux projets en Abitibi-Témiscamingue: le projet Authier Lithium (extraction et concentration de minerai contenant du lithium) et le projet Tansim, une propriété sur laquelle la société détient des titres miniers.

Sayona Québec a aussi une entente avec l’américaine Piedmont Lithium, située en Caroline du Nord, pour lui vendre la moitié de la production future de ses projets Authier et Tansim, et ce, pour réaliser de la deuxième transformation de lithium aux États-Unis. Piedmont Lithium détient maintenant 25% du capital de Sayona Mining.

Central America Nickel est quant à elle dirigée par Pierre Gauthier.

Ce dernier est le fondateur et chef de la direction de Seed Capital inc. (SEED), un fonds de capital-risque qui a financé des projets miniers situés en Amérique latine, en Afrique et en Russie.

Central America Nickel est spécialisée dans le traitement et la purification des métaux dits énergétiques comme le nickel, le cobalt et le cuivre. La minière affirme contrôler des «réserves substantielles» de ces métaux.

Contactée par Les Affaires , la société n’a pas répondu à notre demande d’entrevue pour expliquer sa vision quant à l’avenir de Lithium Amérique du Nord.

 

Deux autres groupes écartés

Outre SRG Mining, au moins deux autres entreprises ont présenté une offre d’achat formelle auprès du syndic pour racheter la minière de l’Abitibi-Témiscamingue.

Il s’agit d’Evolution Metals Corporation et du consortium Andrien Pouliot/Mercuria/Nathaniel Klein.

Evolution Metals Coporation est une société américaine d’exploration minière, de raffinage et de produits chimiques. Elle a affirmé publiquement que le gouvernement américain appuie son projet d’acheter Lithium Amérique du Nord.

C’est le Journal de Montréal qui a révélé l’existence du consortium Adrien Pouliot/Mercuria/Nathaniel Klein.

M. Pouliot est l’ancien chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), et fils héritier de Jean Pouliot, ancien patron des chaînes de télévision Télé-Métropole, CFCF et TQS. Il a quitté officiellement la tête du PCQ le 17 avril, quand l’ex-animateur de radio Éric Duhaime a été élu à la tête du parti.

Nathaniel Klein est le 2e partenaire associé chez NK Investments, à New York. Ce financier américain avait racheté Québec lithium, en 2016, pour ensuite la revendre en 2018 à CALT, Investissement Québec et Jien International Investment.

Mercuria est quant à elle une multinationale suisse présente dans les secteurs de l’énergie et des métaux de base dans plus de 50 pays, dont au Canada.