Mine de graphite dans les Laurentides: cinq villes veulent accélérer les consultations publiques sur le projet
La Presse Canadienne|Publié le 15 juillet 2024Certains résidents ont commencé à protester contre le projet, craignant les dommages potentiels à l’environnement. (Photo: Christian Hobden / La Presse Canadienne)
Cinq municipalités situées à proximité d’un site proposé pour une mine de graphite ayant des liens avec le Pentagone ont créé une alliance pour accélérer les consultations publiques sur le projet. Elles souhaitent aussi faire pression sur le gouvernement provincial pour qu’il écoute ce que les habitants ont à dire.
Lorsque Lomiko Metals, une société minière basée à Surrey, en Colombie-Britannique, a annoncé son intention d’ouvrir une mine dans la région des Laurentides pour produire du graphite — l’un des minéraux essentiels les plus recherchés au monde et nécessaires à la fabrication de batteries de véhicules électriques — certains résidents vivant à proximité ont commencé à protester contre le projet, craignant les dommages potentiels à l’environnement.
Ils ont été encore plus contrariés lorsqu’ils ont appris que Lomiko avait reçu 11,4 millions de dollars (M$) du ministère de la Défense des États-Unis pour ce projet.
Depuis, les municipalités situées à proximité du site minier proposé — Duhamel, Lac-Simon, Chénéville, Saint-Émile-de-Suffolk et Lac-des-Plages — ont décidé de se charger de l’information du public.
Habituellement, les entreprises qui souhaitent construire de grands projets ont la responsabilité de tenir des consultations publiques et de s’assurer d’un niveau «d’acceptabilité sociale», a affirmé le maire de Duhamel, David Pharand, porte-parole de l’alliance.
Mais pas cette fois. M. Pharand a déclaré que l’alliance souhaite tenir des consultations au cours des prochains mois puis, d’ici 2026, lancer une sorte de vote, éventuellement un référendum, pour savoir exactement ce que les gens pensent du projet. Cependant, a dit M. Pharand, le gouvernement provincial doit convenir qu’un référendum ou un autre type de processus visant à recueillir l’opinion publique est une façon légitime de refléter l’acceptabilité sociale du projet.
Un «exemple à suivre»
Rodrigue Turgeon, co-responsable du programme national chez Mining Watch Canada, affirme que le niveau d’engagement des communautés si tôt dans le processus est «inhabituel» au pays, le qualifiant de «véritable exemple à suivre par d’autres municipalités».
M. Turgeon, qui pratique également le droit de l’environnement et le droit minier, affirme qu’un référendum serait «sans précédent» pour le Québec, bien que courant en Amérique latine.
Louis Saint-Hilaire, président d’un groupe environnemental local, sera présent à la première séance d’information publique le 21 juillet comme l’un des intervenants opposés à la mine.
«Nous ne voulons pas avoir une gigantesque mine à ciel ouvert au milieu de tous ces lacs et de tous ces gens qui vivent autour», a-t-il soutenu, insistant sur le fait que peu de résidents soutiennent le projet, surtout après que Lomiko a annoncé en mai avoir reçu une subvention de 11,4 millions de dollars (M$) du Pentagone.
«Les gens sont furieux de cette situation», a-t-il déclaré.
Le Pentagone a affirmé que le graphite de Lomiko renforcerait les chaînes d’approvisionnement énergétiques nord-américaines et serait utilisé pour des «applications de défense».
Lomiko a indiqué qu’elle mènerait des études de faisabilité et métallurgiques au cours des cinq prochaines années et qu’elle serait soumise à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). L’entreprise prévoit de commencer la construction d’ici 2027.
Le graphite est un minéral clé pour la fabrication d’équipements militaires. Un rapport de 2023 du Centre d’études stratégiques de La Haye, un groupe de réflexion sur la défense et la sécurité basé aux Pays-Bas, classe le graphite parmi les minéraux critiques dont la chaîne d’approvisionnement est menacée. Le rapport détaille que les armées européennes ont besoin de graphite pour fabriquer leurs avions de combat, leurs chars de combat, leurs sous-marins, leur artillerie et leurs munitions.
Des années avant une évaluation du BAPE
Dans un communiqué, Cindy Valence, directrice du développement durable de Lomiko, a déclaré à La Presse Canadienne que l’entreprise avait déjà rencontré «une multitude de parties prenantes» et qu’elle «suivrait tous les processus gouvernementaux en tant qu’opérateur responsable dans le secteur des minéraux critiques».
L’entreprise continuera de partager les résultats des tests de qualité de l’eau avec la communauté et de solliciter les commentaires locaux sur d’autres questions, notamment l’accès routier, selon Mme Valence, qui a ajouté que la mine créera des emplois et aidera le Québec à atteindre ses objectifs stratégiques en matière de minéraux essentiels.
Selon le cabinet de la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, «il est important que les projets miniers qui se réalisent au Québec génèrent une acceptabilité sociale dans les communautés concernées».
Dans un communiqué distinct, le ministère des Ressources naturelles a indiqué qu’il exige que les entreprises qui sollicitent des baux miniers reçoivent une autorisation en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, un processus qui implique généralement la consultation du BAPE. «Afin de garantir l’intégration d’un projet minier dans son environnement d’accueil, les promoteurs sont fortement encouragés à mettre en place des mécanismes de dialogue avec les communautés très tôt dans le développement de leur projet», précise le ministère.
Cependant, selon M. Turgeon, il faudra peut-être des années avant que le BAPE réalise une évaluation d’impact, longtemps après que les sociétés minières ont commencé à promettre des emplois et à centrer le débat sur le développement économique au détriment des considérations environnementales.
De plus, ce qui définit l’acceptabilité sociale reste flou. «Il n’y a actuellement aucune ligne directrice spécifique dans la Loi sur les mines (du Québec) ni dans aucune autre loi au Québec, pour définir l’acceptabilité sociale», a expliqué M. Turgeon.
Joe Bongiorno