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Mines: les tendances à suivre dans 5 secteurs stratégiques

Maxime Guilbault|Publié le 04 février 2021

Mines: les tendances à suivre dans 5 secteurs stratégiques

Une mine d'ArcelorMittal à Fermont (Photo: Getty Images)

BLOGUE INVITÉ. Les débuts d’année sont propices aux boules de cristal. Sans jouer les prophètes, nous pouvons quand même dégager des tendances pour cinq secteurs miniers actifs au Québec: les métaux de base, le graphite, le lithium, le fer et l’or. Je terminerai ce billet par quelques observations qui pourraient favoriser le secteur minier québécois au sortir de la pandémie.

 

1. Les métaux de base

Cette catégorie comprend des métaux tels que le cuivre, le zinc, le plomb, le nickel ainsi que plusieurs sous-produits de récupération comme le platine, le palladium, le tellure et le sélénium.

L’activité minière du secteur est fort limitée. Il n’y a plus de mine de cuivre au Québec et il ne reste que deux mines de nickel. La dernière mine de zinc, quant à elle, devrait fermer au cours de 2022.

C’est plutôt dans la récupération et la transformation que le Québec maintient sa position de chef de file dans les marchés mondiaux, notamment dans le recyclage des produits électroniques. Sur ce plan, le Québec est le plus important recycleur de cuivre en Amérique du Nord.

Tendance:

Les métaux de base n’ont pas trop souffert de la pandémie. Une fois transformés dans les formats recherchés par les clients, ils sont vendus à des prix relativement stables dernièrement dans le marché.

Défis:

Les entreprises du secteur doivent cependant faire face à de nombreux défis. On peut notamment penser à l’obtention, de la part des gouvernements, des cadres réglementaires et des attestations d’assainissement des eaux usées réalistes en matière d’environnement. Ces entreprises souhaitent également bénéficier de législations favorisant l’importation de produits de recyclage et contrôler les coûts d’exploitation des usines en activité afin de concurrencer les nouveaux joueurs internationaux qui s’invitent maintenant dans ce marché.

 

2. Le graphite

Depuis quelques années, le graphite connaît une demande mondiale sans précédent alors que son offre est, elle aussi, très importante. Des usines de transformation sont construites partout sur la planète. Preuve que cette tendance devrait se maintenir dans le temps, Tesla, à elle seule, entend produire l’équivalent du quart de la production mondiale actuelle de batteries d’ici 2030. Évidemment, ce raz-de-marée est dû à l’électrification des transports et à l’utilisation de batteries lithium-ion.

Le graphite est un élément clé dans la technologie connue lithium-ion. Le graphite constitue un élément essentiel dans toutes les variantes chimiques de production. C’est dire que peu importe la composition des batteries actuellement dans le marché, on y retrouve toujours du graphite.

Tendance:

À compter de 2023, les experts envisagent que la planète connaîtra un énorme déficit de l’offre de graphite disponible au regard de la demande. Les prix pourraient s’envoler. Même les impressionnantes réserves de la Chine ne suffiront pas.

Défis:

Le Québec pourrait très bien tirer son épingle du jeu dans ce marché prometteur. La matière première semble au rendez-vous, et en plus d’être extrêmement concurrentielle, les coûts de notre électricité contribuent à une carboneutralité sans pareille par rapport à l’offre asiatique.

Alors que tous s’entendent pour dire que la relance économique se doit d’être plus verte, toute production en ce sens représente déjà un avantage dans beaucoup de marchés, surtout en Europe. Il reste à construire cette filière avec tous les défis inhérents qu’un tel chantier suppose, du financement à l’exploitation minière en passant par les procédés de transformation, jusqu’au produit vendable.

 

3. Le lithium

À l’instar du graphite, le lithium est en forte demande sur les marchés mondiaux puisqu’il est fortement associé à la batterie lithium-ion des véhicules électriques. Devant la demande, plusieurs nouveaux joueurs tentent de briser l’oligopole Chine – États-Unis – Chili – Australie pour l’exploitation du lithium.

Plusieurs projets miniers au Québec font rêver, puisqu’ils présentent des indices minéralisés en spodumène de grande qualité, une caractéristique de plus en plus recherchée par les constructeurs automobiles qui cherchent un lithium de « qualité batterie ».

Les capacités de production sont cependant au stade de projets. Le développement d’une chaîne d’approvisionnement au Québec est exigeant et coûteux.

La chaîne d’approvisionnement comprend l’ouverture et l’exploitation d’une ou de plusieurs mines, les équipements adjacents de traitement et les concentrations du minerai permettant d’atteindre des concentrations de 6 % de lithium.

Cette chaîne comprend aussi la construction et l’exploitation d’usines électrochimiques de production d’hydroxyde et/ou de carbonate permettant de faire passer le minerai de 6 % à plus de 99 % en concentration de lithium et la construction d’une ou de plusieurs usines de production de cellules de batteries ou de composantes de batteries.

Tendance:

Nous l’observons déjà, mais la forte demande de tous les constructeurs automobiles dans le monde ne fera que s’accroître alors que ces derniers vont rechercher un produit lithium de grande qualité.

Défis:

Les experts s’entendent pour dire qu’il faudra encore plusieurs années pour développer une filière du lithium assez robuste pour pouvoir évoluer avec succès dans ce marché en ébullition. En plus des investissements privés, cette filière devra compter sur l’appui des gouvernements pour réaliser ce projet structurant.

 

4. Le fer

Matériau prédominant dans la fabrication de l’acier, le concentré de fer connaît une demande constante sur les marchés mondiaux. Son prix atteint des sommets depuis les cinq dernières années et la demande ne semble pas indiquer de ralentissement à court terme.

À l’instar de l’automobile, la bataille du fer se joue cependant sur un nouveau terrain, celui de l’électrification. Il faut savoir que la production de l’acier génère 9,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. On assiste donc à une course pour réduire les GES dans toute l’industrie, d’autant que beaucoup de pays producteurs d’acier se sont donné des cibles exigeantes de réduction des GES pour 2030 et 2050.

Le mode de production traditionnel s’appuie sur l’utilisation de hauts fourneaux. Or, le procédé par arcs électriques permet de réduire les GES jusqu’à 35 %, ce qui ne laisse aucun doute sur l’intérêt de ces nouveaux procédés surtout dans les pays où l’électricité est abordable.

Quant à la qualité, ces mêmes fours à arcs électriques améliorent la pureté du concentré de fer, passant de 65 % à 68 %. Cette performance place le Québec parmi les premiers aspirants de classe mondiale puisqu’il y a très peu de gisements dans le monde en mesure de produire un concentré d’une aussi grande qualité.

Tendance:

De l’avis de beaucoup d’analystes, la demande en acier continuera de croître pour répondre aux projets d’infrastructures qui occuperont l’agenda économique post-pandémie de plusieurs pays, ce qui devrait maintenir ou hausser la demande.

Or, les producteurs actuels sont presque au maximum de leur capacité et les éventuels nouveaux joueurs hésiteront longtemps avant de se lancer dans ce type d’exploitation. L’activité exige de lourdes infrastructures (chemins de fer, ports, usines, etc.), ce qui exige des investissements considérables et du temps pour les développer. À ce chapitre, quiconque entre dans ce marché doit envisager une planification de huit à dix ans avant de livrer les premières tonnes de concentré.

Défis:

Pour les entreprises, il deviendra primordial d’incorporer les modes électriques de production. Ces dernières devront également hausser davantage la pureté du concentré par la recherche et l’innovation.

 

 

5. L’or

Depuis des décennies, l’or demeure le métal le plus recherché au Québec. Près de la moitié des mines s’y consacrent. Les chroniqueurs économiques en font souvent leur manchette, surtout lorsque les indices boursiers s’affolent : sommes-nous au début ou à la fin d’un nouveau cycle pour l’or?

L’année 2020 a été mouvementée pour le cours de l’or. Après un départ sous les 2 000 dollars américains l’once, le précieux métal a regagné en valeur avant de rechuter drastiquement en mars, sous les premiers effets de la pandémie. Le produit a ensuite refranchi le cap des 2 000 dollars assez rapidement et il se maintient à plus de 2 300 dollars l’once au moment d’écrire ces lignes. Les producteurs, quant à eux, enregistrent des bénéfices records de mois en mois.

Comme dans beaucoup d’enjeux financiers, la perspective du long terme est riche d’enseignements. Depuis les 50 dernières années (donc depuis 1970), l’or n’a cessé de prendre de la valeur. La pandémie actuelle pourrait très bien contribuer à pousser davantage l’or à des valeurs inégalées dans l’histoire financière du métal.

Tendance:

La plupart des économies connaissaient un haut niveau d’endettement avant la pandémie. Les mesures de compensation n’ont fait qu’empirer le phénomène. C’est dire qu’au sortir de la crise actuelle, les états devront encore injecter des sommes considérables pour redonner du souffle à leur économie. Historiquement, un tel contexte a toujours été favorable au cours de l’or. C’est dire qu’il reste encore de l’espace pour des gains appréciables sur les marchés. Toutefois, l’histoire nous démontre également que cela peut s’arrêter abruptement…

Défis:

Les années qui viennent seront propices à des fusions et des acquisitions en vue de créer encore plus de valeur pour les investisseurs. Le défi consistera à surveiller le marché et à bien identifier les occasions et de demeurer très discipliné dans l’allocation du capital.

Des vents favorables dans les prochaines années

Toute industrie est tributaire de l’environnement économique, social et politique dans lequel elle évolue. Les minières ne font pas exception et malgré le contexte pandémique actuel, le secteur minier québécois a plusieurs raisons d’être optimiste au sortir de la crise sanitaire actuelle.

 

L’apport du Plan Nord 2.0

Le gouvernement du Québec a déjà fait connaître un plan de relance de l’ordre de 1,5 milliard de dollars pour remettre le Québec sur ses rails après la pandémie. Des pans entiers de ce plan favoriseront l’industrie minière, en particulier les minéraux critiques et stratégiques, dont des politiques de développement des ressources naturelles (un des cinq secteurs économiques visés), des aides aux régions (territoires de prédilection des minières), des mesures favorisant l’exportation ainsi que des plans de valorisation de l’innovation, pour ne citer que les intentions les plus évidentes.

D’autres mouvements risquent d’intéresser l’industrie minière comme la stimulation générale à l’achat local, une révision de la chaîne d’approvisionnement, une plus grande utilisation de l’électricité comme moteur de production et une volonté annoncée du gouvernement d’alléger les contraintes bureaucratiques et réglementaires de certains secteurs de l’économie.

À ces conditions gagnantes au Québec s’ajouteront certainement plusieurs mesures incitatives du gouvernement fédéral visant à stimuler une économie plus verte, ce qui devrait renforcer un climat relativement positif pour concrétiser des projets au Québec et au Canada dans les prochaines années.

Il apparaît clair – et très humain également – que tous les acteurs de la société seront fortement inspirés pour entreprendre une relance énergique dès que la pandémie sera derrière nous. Le phénomène s’est produit à la suite de grands chambardements sociaux, qu’il s’agisse de pandémies ou de guerres importantes. Ce désir de se relever les manches et de reprendre le cours des activités insufflera beaucoup d’énergie dans tous les milieux… même les mines!