Northvolt: pour le Québec, la mauvaise nouvelle est déjà arrivée
Dominique Talbot|Mis à jour le 13 septembre 2024Pour le moment, le projet Northvolt Six en Montérégie continue néanmoins d’aller de l’avant, nous a confirmé une porte-parole de l’entreprise. (Photo: courtoisie)
Cela fera bientôt un an que l’arrivée de Northvolt au Québec a été annoncée en grande pompe à Montréal. Mais avec les mauvaises nouvelles qui s’accumulent et un ministre de l’Économie plus tard, c’est une tempête qui souffle sur la première bougie de cet anniversaire.
Lundi, la multinationale suédoise a diffusé les premières conclusions de sa grande révision stratégique annoncée au début de l’été à la suite de la perte d’un important contrat d’une valeur de 3 milliards de dollars (G$) avec le géant allemand BMW.
Ces premiers éléments de restructuration démontrent à quel point la jeune entreprise vit des difficultés. Même le cœur de sa production, à Skellefteå, dans le nord de la Suède, n’est pas épargné. La production de cathodes (pôle positif d’une batterie) y est désormais laissée de côté. L’entreprise veut se concentrer sur la fabrication de cellules de batteries et le recyclage. Des emplois seront vraisemblablement perdus.
Un projet d’usine de cathodes, toujours en Suède, ne verra finalement jamais le jour, et Northvolt cherche désormais des partenaires financiers pour un autre projet en Pologne.
Encore une fois, ces nouvelles qui concernent directement et indirectement le Québec sont arrivées en provenance de la Suède. Aucune mention sur la page web en français dédiée à Northvolt Six, et des élus locaux et provinciaux nous ont confié avoir été mis au courant des dernières «mauvaises» nouvelles moins de 24 heures avant la publication de celles-ci.
Pour le moment, le projet Northvolt Six en Montérégie continue néanmoins d’aller de l’avant, nous a confirmé une porte-parole de l’entreprise. Même si de l’aveu de l’ex-ministre Pierre Fitzgibbon, il sera retardé de 12 à 18 mois. Restera-t-il dans sa forme initiale, qui incluait la fabrication de cellules, de cathodes et de recyclage de batteries? Ça, c’est moins certain et l’entreprise ne confirme ou n’infirme rien.
En attendant les prochaines annonces de restructuration de la multinationale suédoise, qui devraient arriver plus tard cet automne, la véritable mauvaise nouvelle pour le Québec est arrivée le 20 août dernier, en provenance de la Californie.
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Plus précisément, celle-ci est venue de San Francisco, lorsque Northvolt a annoncé la fermeture de la start-up Cuberg, qu’elle avait acquise en 2021. Les activités de recherche et de développement qui y avaient lieu ont été transférées en Suède, à Västerås, chez Northvolt Labs. Près de 200 ingénieurs ont perdu leur emploi.
Tout ça, malgré des nouvelles plus qu’encourageantes reçues quelques mois plus tôt à la suite d’un rapport de validation externe du module de batterie lithium-métal développé par Cuberg, conçu pour répondre aux exigences opérationnelles d’un avion à décollage et atterrissage verticaux entièrement électrique. Le potentiel de retombées à long terme semblait bien réel.
Pour le Québec, ce coup de barre semble confirmer qu’à court et à moyen terme, pour être optimiste, l’usine de la Montérégie fera de la province une exécutante de technologies développées bien loin d’ici. D’autant plus que dans les mois d’effervescence qui ont suivi l’arrivée de Northvolt, le déménagement de Cuberg au Québec avait été évoqué par la multinationale.
Il est important de noter qu’au-delà des considérations financières, le gouvernement de la Coalition avenir Québec n’a demandé aucune garantie à Northvolt pour que l’entreprise implante dans la province des installations de recherche et de développement.
En entrevue avec Les Affaires au printemps dernier, le PDG de Northvolt Amérique du Nord, Paolo Cerruti, a confirmé qu’aucun budget n’a été alloué en ce sens par son conseil d’administration.
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Mais avec les récentes nouvelles en provenance de la Suède, il serait plutôt étonnant que Northvolt investisse des dizaines, voire des centaines de millions de dollars pour construire ici un centre de recherche et développement qui ferait réellement entrer le Québec parmi les incontournables de la révolution des batteries électriques.
Pourquoi, après tout, investir autant quand même le gouvernement ne le demande pas?
N’en demeure pas moins que les conséquences pour le Québec pourraient être réelles. Comment faire sa place parmi les meilleurs joueurs de l’industrie, quand le savoir est ailleurs? D’autant plus que dans les usines de batteries pour les voitures électriques, la grande majorité des personnes qui y travaillent sont des opérateurs. Entre 60% et 70%.
Si jamais l’entreprise devait quitter un jour, n’aura-t-elle été que de passage, ou se sera-t-elle implantée «scientifiquement» dans la province? Autrement dit, restera-t-il seulement un bâtiment désaffecté ou un potentiel d’une, deux, trois, quatre, voire dix start-ups?
Ces questions s’appliquent tout autant aux autres grands projets de la filière batterie, entre autres à Bécancour. Elles sont centrales dans la mise sur pied de la filière. Au-delà des emplois bien payés, c’est autour de celles-ci qu’elle peut trouver son sens.
Car pour le moment, tout ce qui lie le Québec à la révolution des batteries vertes, ce sont nos lignes à haute tension.