Opitciwan veut réduire de 85% ses GES et remplace le diesel par la biomasse
La Presse Canadienne|Mis à jour le 28 août 2024Le chef du Conseil des Atikamekw d’Opitciwan, Jean-Claude Mequish, tient une conférence de presse à Opitciwan, le 28 août 2024. (Photo: La Presse Canadienne / Stéphane Blais)
Opitciwan — La Première Nation atikamekw d’Opitciwan, une communauté isolée qui dépend du diesel pour ses besoins énergétiques, procède mercredi à l’inauguration des travaux d’une centrale à biomasse, qui pourrait réduire les gaz à effet de serre de la communauté de 85%.
Chaque semaine, des camions remplis de diesel en provenance de Montréal roulent plus de 650km, dont 160km de chemin forestier, pour se rendre à Opitciwan, également appelé Obedjiwan, au cœur de la forêt boréale, afin de fournir en électricité la communauté de 2000 personnes.
Mais bientôt, les générateurs au diesel ne seront plus qu’une solution de secours en cas de problème, car la communauté produira son électricité à partir d’écorce d’arbre grâce à une centrale de cogénération à biomasse forestière, alimentée par les résidus de la scierie locale.
«Ça fait plus que dix ans qu’on travaille là-dessus, il y a quatre chefs avant moi qui ont travaillé pour qu’on réussisse à avoir de l’électricité en permanence.»
– Le chef du Conseil des Atikamekw d’Opitciwan, Jean-Claude Mequish.
Le chef Mequish s’est entretenu avec La Presse Canadienne mardi, 24 heures avant de recevoir la visite de plusieurs dignitaires à l’occasion de l’inauguration des travaux du projet de 70 millions de dollars (M$) réalisé en collaboration avec Hydro-Québec et soutenu par les gouvernements du Québec et du Canada.
La centrale de cogénération à la biomasse forestière devrait permettre à la communauté de devenir énergétiquement autonome, de se défaire de sa dépendance aux combustibles fossiles, et d’éviter «toutes sortes de problèmes» causés par l’instabilité du réseau électrique actuel, selon le chef Mequish.
La centrale au diesel tombe fréquemment en panne, a expliqué le chef, comme ce fut le cas lors d’une période de froid intense en février dernier.
Pendant plusieurs jours, les habitants ont dû réduire leur consommation d’électricité et les quartiers de la communauté ont été alimentés en alternance afin d’économiser l’énergie. L’école primaire, comme d’autres bâtiments, a dû fermer ses portes.
Diminution des GES
L’utilisation de la biomasse comme source d’énergie permettrait de réduire de façon importante les gaz à effet de serre de la communauté.
Hydro-Québec, partenaire du projet, estime que «la réduction annuelle des émissions de GES atteindra 13 000 tonnes en équivalent de CO2, soit 325 000 tonnes en équivalent de CO2 sur 25 ans» et «un résultat comparable à celui qu’on obtiendrait en retirant 5000 voitures des routes annuellement».
La centrale de cogénération appartiendra à la Société en commandite Onimiskiw d’Opitciwan (SCOO), qui elle, est détenue à 100 % par le Conseil des Atikamekws d’Opitciwan.
L’électricité qui sera produite par la centrale proviendra de la biomasse générée par la scierie locale qui produit du bois de construction.
«C’est un exemple parfait d’économie circulaire», selon l’administrateur de la SCOO, Grégoire Lemay.
«On a du bois qui est récolté par des entrepreneurs de la communauté, ces entrepreneurs acheminent le bois à la scierie détenu par la communauté majoritairement, le sous-produit du bois, qui est l’écorce, est utilisé comme combustible pour faire l’électricité qui elle, est consommée par ces mêmes personnes dans la communauté», a expliqué Grégoire Lemay.
Actuellement, les écorces de la scierie d’Opitciwan sont vendues en Abitibi, à des centaines de kilomètres d’Opitciwan.
«Le plus ironique là-dedans, c’est que l’écorce est envoyée à des centaines de kilomètres pour produire de l’électricité. Alors, pendant que le camion va porter son chargement d’écorces à l’extérieur, ils croisent un camion de diesel qui s’en vient alimenter la communauté. Ça ne fait aucun sens», a souligné Grégoire Lemay.
Les lignes d’Hydro ne se sont jamais rendues à Opticiwan
Pourtant, le village est situé sur la rive nord du réservoir Gouin, qui alimente les centrales hydroélectriques qui fournissent de l’énergie aux populations du sud de la province.
Avant de servir les installations d’Hydro-Québec, le réservoir Gouin avait été aménagé pour permettre la régularisation du débit de la rivière Saint-Maurice et favoriser la drave, au début du XXe siècle.
La construction du réservoir a inondé les terres de la Première Nation atikamekw d’Opitciwan, qui a dû déménager deux fois.
En mai 2016, le Tribunal des réclamations particulières a reconnu que l’inondation volontaire des terres d’Opiticiwan avait causé l’engloutissement des terrains et la destruction des habitations ainsi que de tous les biens qui s’y trouvaient, et même un cimetière ancestral.
À l’époque, l’eau était devenue non potable après l’inondation, en raison de carcasses d’animaux noyés qui s’y trouvaient comme nombre de matières en décomposition. Plusieurs Autochtones en sont morts, et bien d’autres ont été malades, peut-on lire dans l’un des jugements rendus au printemps 2016.
Le chef du Conseil des Atikamekw d’Opitciwan considère d’ailleurs que les barrages d’Hydro-Québec sur le réservoir Gouin et l’inondation du territoire constituent toujours une «occupation illégale» du territoire.
Toutefois, «les relations se sont beaucoup améliorées avec Hydro-Québec» dans les dernières années et «il y a eu beaucoup d’échanges et d’entraides des deux côtés», a tenu à souligner le président de la SCOO Denis Clary, en faisant référence à la participation d’Hydro-Québec au projet de la centrale à biomasse.
«C’est une période, et nos membres doivent le comprendre qu’il y a une sorte de main tendue avec Hydro-Québec», a ajouté le chef Jean-Claude Mequish.
Par Stéphane Blais