Le président américain Joe Biden s’échine depuis des mois à tenter d’endiguer l’envolée des prix qui érode le pouvoir d’achat des ménages. (Photo: 123RF)
Vienne — L’OPEP+, de retour à Vienne mercredi pour la première fois depuis mars 2020, a décidé d’une coupe drastique des quotas de production de pétrole pour soutenir les prix, s’attirant aussitôt les foudres de la Maison-Blanche.
Le président américain Joe Biden, qui s’échine depuis des mois à tenter d’endiguer l’envolée des coûts de l’énergie, s’est dit «déçu de cette décision à courte vue».
Il a annoncé une consultation prochaine du Congrès «sur les outils et mécanismes supplémentaires permettant de réduire le contrôle du cartel sur les prix de l’énergie».
Les treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) menés par l’Arabie saoudite et leurs dix partenaires conduits par la Russie ont convenu d’une baisse de «deux millions de barils par jour» pour le mois de novembre, selon un communiqué de l’alliance.
«Proactif»
«C’est la réduction la plus importante depuis le début de la pandémie», a réagi dans une note Srijan Katyal, de la société de courtage ADSS.
Elle va probablement doper les cours «au moment où les consommateurs poussaient un soupir de soulagement», les prix à la pompe ayant fortement reculé depuis cet été, souligne Craig Erlam, d’Oanda.
Les deux références mondiales du brut ont perdu du terrain ces dernières semaines, évoluant autour de 90 dollars le baril, bien loin des sommets enregistrés en mars au début de la guerre en Ukraine (près de 140 dollars).
Les cours, qui avaient d’abord peu réagi, montaient de plus de 1% vers 16 h GMT, à 93,30 dollars le baril de Brent de la mer du Nord, et 87,71 dollars pour le baril de WTI, son équivalent américain.
Face aux critiques en conférence de presse sur l’impact pour les consommateurs, le ministre saoudien de l’Énergie Abdel Aziz ben Salmane a avancé «les incertitudes diverses» planant sur l’économie mondiale. À plusieurs reprises, il a insisté sur la nécessité d’être «proactif» pour «stabiliser le marché».
Selon Bjarne Schieldrop, de Seb, l’OPEP+, qui avait déjà procédé à une baisse symbolique en septembre, veut ainsi «éviter une éventuelle accumulation de stocks et donc des prix du pétrole bas».
Aubaine pour Moscou
Cette décision arrange Moscou qui va pouvoir remplir ses caisses, alors qu’un embargo européen sur les importations de pétrole russe doit entrer en vigueur début décembre.
«Elle pourrait donc être perçue comme une nouvelle escalade des tensions géopolitiques», commente Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote.
Le vice-premier ministre russe en charge de l’Énergie, Alexandre Novak, s’en est d’ailleurs pris mercredi à la politique de sanctions européennes.
Il a fustigé mercredi tout plafonnement du prix du pétrole russe, mesure envisagée par l’UE, qui «violerait les mécanismes du marché» et pourrait avoir «un effet très néfaste» sur l’industrie mondiale.
Évoquant de possibles «pénuries», il a une nouvelle fois averti que les entreprises russes «ne fourniraient pas de pétrole aux pays qui utilisent cet instrument», selon des propos tenus sur la télévision russe.
Créée en 1960 avec le but de réguler la production et le prix du brut en instaurant des quotas, l’OPEP s’est étendue en 2006 à la Russie et d’autres partenaires pour former l’OPEP+.
Dans un geste historique, les membres de l’alliance avaient décidé au printemps 2020 des coupes de près de 10 millions devant l’effondrement de la demande liée à la pandémie de Covid-19. Une recette qui avait marché.
Une déclaration avait alors été signée, que l’OPEP+ a décidé mercredi d’étendre «jusqu’à fin 2023», signe de la «cohésion» de l’alliance vantée par le prince saoudien, qui n’a pas été ébranlée par la guerre en Ukraine.