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Réforme énergétique: Michael Sabia critique les choix du gouvernement

La Presse Canadienne|Mis à jour le 10 septembre 2024

Réforme énergétique: Michael Sabia critique les choix du gouvernement

Les petites et moyennes entreprises devront aussi «payer un juste prix», a ajouté la ministre Fréchette en mêlée de presse avant le début des auditions. (Photo: Jacques Boissinot La Presse Canadienne)

Québec — Les dépenses massives en infrastructures prévues par Hydro-Québec au cours des prochaines années n’auront pas d’effet sur les tarifs résidentiels, ont insisté mardi son PDG Michael Sabia et la nouvelle ministre de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette.

Ils ont tenté de se faire rassurants au premier jour des consultations sur le projet de loi 69, qui vise à modifier l’encadrement du secteur énergétique, notamment afin de répondre à la hausse de la demande exigée pour l’important défi de la décarbonation de l’économie.

M. Sabia a même déclaré qu’à son avis, la hausse des tarifs résidentiels pourra être limitée à 3% encore plusieurs années, au-delà de 2026. Il a confirmé, en revanche, que les secteurs industriel et commercial allaient payer plus cher leur électricité, entre 4 et 5%.

Les petites et moyennes entreprises (PME) devront «payer un juste prix», a ajouté la ministre Fréchette en mêlée de presse avant le début des auditions publiques.

«Le 3% […] c’est quelque chose qui continue dans l’avenir», a déclaré M. Sabia, en parlant d’un «pacte social» au Québec. Il a toutefois refusé de dire combien coûtera la mesure destinée à compenser Hydro-Québec pour les pertes liées au gel des tarifs résidentiels.

L’ex-ministre Pierre Fitzgibbon avait évalué qu’il en coûterait à l’État québécois entre 200 à 300 millions de dollars. Cela entraînera une hausse d’impôts pour les contribuables ou un alourdissement de la dette, a prévenu mardi l’analyste Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal.  

Lire aussi – Pourquoi démissionne-t-on de la transition énergétique?, par Pierre-Olivier Pineau

«Il y a pas mal de façons d’arriver à la même place, a tempéré M. Sabia. Je pense qu’une des choses que ce comité devrait examiner, c’est: “Est-ce que ça, c’est le meilleur mécanisme ou est-ce qu’il y a d’autres options?” Chez nous, à Hydro-Québec, nous avons l’esprit ouvert.»


La parole libérée de Michael Sabia

Michael Sabia a d’ailleurs profité de la commission parlementaire, mardi, pour passer quelques messages au gouvernement.

En réponse à une question de la députée libérale Marwah Rizqy sur l’allocation des mégawatts aux entreprises, il a déploré que le gouvernement Legault se concentre davantage sur la croissance économique que la décarbonation. 

«Cartes sur table, je pense que jusqu’à date, le gouvernement a mis beaucoup beaucoup d’accent sur les nouvelles entreprises. Ça revient à la question d’équilibre entre la décarbonation et les nouvelles industries et la croissance économique.

«Est-ce que nous avons actuellement l’équilibre dont nous avons besoin pour l’avenir? Nous avons dit dans notre plan d’action que notre objectif est de 75 % décarbonation, 25 % croissance. Est-ce que cette répartition est reflétée dans l’ensemble des décisions jusqu’à date sur l’allocation des mégawatts? Ce n’est pas tout à fait évident pour moi», a déclaré le patron d’Hydro-Québec.

«(Pour) les industries existantes ici, la réponse n’était pas suffisamment importante à leur demande. Je pense qu’il faut rebalancer des choses», a-t-il dit à Christine Fréchette, qui, mardi, subissait son baptême du feu.

L’opposition libérale accuse le gouvernement Legault d’avoir bradé l’énergie du Québec en la vendant à des multinationales étrangères, alors que des PME québécoises n’y ont pas accès.

Le premier ministre François Legault a balayé les critiques lors de la période des questions, affirmant que l’important est de soutenir les entreprises qui offrent aux Québécois des emplois payants.

«Un premier ministre qui se veut nationaliste ne se mettrait jamais à genou devant des étrangers pour […] se rendre compte qu’il a vendu ce qu’il n’avait pas, et se revirer de bord et dire à son peuple: “En passant, vous allez payer pour”», a tonné Mme Rizqy en mêlée de presse.

Par ailleurs, durant sa présentation devant les députés, M. Sabia a laissé entendre que le gouvernement se traînait les pieds dans le dossier de la réconciliation avec les Premières Nations.

«Il faut que le gouvernement du Québec accélère de manière importante le processus de réconciliation avec les communautés autochtones. C’est fondamental et non négociable», a-t-il déclaré.

«Il faut mettre fin aux approbations paternalistes et franchement colonialistes du gouvernement pour chaque entente entre Hydro-Québec et les communautés autochtones», a-t-il renchéri.

«La critique, elle est correcte, a répondu en mêlée de presse le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière. C’est vrai qu’il faut innover, voir les choses différemment. Je vous rappellerais qu’on a des conventions avec trois nations.»

Hydro-Québec prévoit investir jusqu’à 185 milliards de dollars d’ici 2035 afin de doubler sa production. La société d’État croit que le projet de loi 69 lui fournira un «cadre fondé sur le principe de flexibilité (…) pour avoir des options et progresser plus rapidement».

Mardi, M. Sabia a en outre demandé aux gouvernements provincial et fédéral d’éviter les dédoublements dans les processus d’autorisation. «Mon message est simple: entendez-vous pour simplifier! Notre objectif collectif est plus important que les débats de juridiction», a-t-il dit. 

Le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, s’est dit d’accord avec Michael Sabia sur ce point.

«On a un processus d’évaluation environnementale au Québec qui est très établi, a-t-il affirmé. Le fédéral repasse sur ce processus-là pour repartir essentiellement la même démarche. Ce sont des mois, sinon des années de perdues.»

Par Caroline Plante